Société pour l'Histoire du Droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois et romands
Tome 71 (2014) : résumés des articles
- Nicolas Morard : Évolution et signification des accensements perpétuels et viagers de l'abbaye d'Humilimont (1250-1350)
- Philippe Didier : De la ligesse à l'allégeance aux XIIIe et XIVe siècles en Dauphiné
- Benoît Chauvin : De quelques femmes dans plusieurs monastères précisterciens et cisterciens ... masculins des duché et comté de Bourgogne (fin XIe-milieu XIIIe siècle)
- Cédric Mottier : Mobilité socio-professionnelle et géographique d'un officier d'hôtel princier au début du XVIe siècle : Pierre de l'Espine (ca 1465-1526), écuyer de cuisine de Marguerite d'Autriche (1480-1530)
- Samuel Sanchez : Le statut des puînés nobles dans les successions ab intestat en Touraine après la seconde réformation coutumière
- Fabrice Hoarau : Domat et la peine de mort
- Hugues Richard : Problèmes de droit féodal de la gestion du duché de Nivernais d'après les voyages d'Hilaire Doloret, inspecteur général des duchés de Nivernais et Donziais (1780-1791)
- Georges Vayrou : La liberté du commerce et de l'industrie, à Nevers au début du XXe siècle : un « Grand arrêt de la jurisprudence administrative » vu d'en bas
- Anne Peroz : La mobilisation économique de l'arrière-front en 1914-1918 : l'exemple du département des Vosges
- Sébastien Évrard : Un aperçu sur l'édition juridique sous Louis XVI. Autour des chiffres d'impression des ouvrages de droit (1778-1788)
- Jean-Édouard Poux : La sollicitation et l'obtention d'un privilège à la fin de l'Ancien Régime (1783)
- Tiphaine Duvillié : La protection du patrimoine écrit : « Le livre n'est pas un bien comme les autres »
Nicolas Morard
Évolution et signification des accensements perpétuels et viagers de l'abbaye d'Humilimont (1250-1350)
Dans une première partie de notre étude sur les accensements de l'abbaye d'Humilimont, nous avions présenté les accensements perpétuels et l'avènement des baux à terme, les seconds se substituant aux premiers. Dans cette seconde partie, après avoir examiné combien cette évolution tirait profit d'une « rente » du sol consécutive à la pression démographique, nous montrons comment les religieux se virent, néanmoins contraints de céder à des tiers une part toujours plus importante de leur domaine exploité en faire-savoir direct, celle-ci soumise également au régime des baux à terme, répondant ainsi au besoin de terre exprimé par les paysans, sans renoncer pour autant à leur avantage pécuniaire.
Evolution and Signification of Perpetual and Lifetime Acensement in Humilimont Abbey (1250-1350)
In the first part of our study about the Abbey of Humilimont's acensements, we present what perpetual acensements were, and the advent of fixed-term leases, the first being substituted by the second. In the second part, we first examine to which extent this evolution was benefiting from a land annuity due to demographic pressure. Then we demonstrate how the monks were constrained to cede a more and more important part of their estate to third parties, without renouncing to their monetary advantages. This ceded land, run through direct farming and subject to the fixed-term lease regime was, however, responding to the land need expressed by the peasants at the time.
Philippe Didier
De la ligesse à l'allégeance aux XIIIe et XIVe siècles en Dauphiné
Après avoir, dans un précédent article, étudié la généralisation de la ligesse à des chatellenies entières dans la principauté naissante des dauphins de Viennois, il nous faut ici préciser son objet, dès lors qu'elle ne se définit plus par les charges d'une concession foncière. Notons le : les charges de la banalité ne sont pas absentes des charges du lige rustique. Dès lors, on relève une ligesse de libres assortie d'une reconnaissance limitée aux charges de la juridiction et des banalités, toutes valeurs que, de même, les seigneurs justiciers se disputent. Le féodal, attelé à la constitution d'une principauté territoriale, ne saurait négliger cette possibilité d'étendre son influence politique. Aussi la ligesse, reconnaissance de charges banales et de juridiction, entre les mains du Dauphin, devait prendre dans toutes les catégories sociales valeur d'allégeance politique.
From the Liegedom to the allegiance in the XIIIth and XIVth Dauphiné
In a previous paper, we study the generalization of the liegedom to full lordships in the young principality of the Dauphins. We need to specify the liegedom objectives as they are not defined by real estate concession charges anymore. However, the banalité charges are not missing from the rural liege charges. The liegedom of free men, associated to a limited recognition of the jurisdiction and banalité charges, consisted of the values which came from related disputes by the feudal lords. The latest, who constituted a territorial principality, could not disregard this opportunity to expand its political influence. Therefore, all social classes considered the liegedom, which acknowledged jurisdiction and banalité charges, as a political allegiance to the Dauphin.
Benoît Chauvin
De quelques femmes dans plusieurs monastères précisterciens et cisterciens ... masculins des duché et comté de Bourgogne (fin XIe-milieu XIIIe siècle)
Fondée sur deux douzaines de mentions relevées dans les chartriers d'abbayes précisterciennes et cisterciennes masculines des duché et comté de Bourgogne entre la fin du xie et le milieu du xiiie siècle, cette étude pose un premier jalon sur la présence de femmes au sein de ces communautés. Le constat est sans surprise pour les monastères doubles et les maisons hospitalières, selon des statuts d'une grande variété, de simples prébendées à d'authentiques moniales. Inversement, étonnante et innovante est l'existence assurée de quelques converses dans certaines abbayes cisterciennes d'hommes, apparemment occasionnelle dès avant la fin du xiie, ordinaire voire institutionnalisée au moins dans un cas savoyard voisin. Pour relativiser ou confirmer une telle réalité jusque-là jamais abordée par l'historiographie, il conviendrait d'élargir ce thème de recherche à d'autres régions.
About some women in several male Precistercian and Cistercian monasteries from the duchy and county of Burgundy (late XIth - mid XIIIth centuries)
This study is based on two dozens of quotes taken from several male pre-Cistercian and Cistercian abbeys's chartriers in the duchy and the county of Burgundy between late XIth to mid XIIIth centuries. It establishes a first milestone about the presence of women living within these communities. This assessment is without surprise for double monasteries and hospitable homes, and it illustrates these women's great variety of status, from simple prébendée to authentic monks. On the other hand, the surprising and innovative existence of a few lay sisters in some male Cistercian abbeys were seen as early as the late XIIth century. However, this presence was accepted by at least one nearby Savoyard case. To confirm or put such a reality that was never tackled in history in perspective, requires the broadening of this research theme to other regions.
Cédric Mottier
Mobilité socio-professionnelle et géographique d'un officier d'hôtel princier au début du XVIe siècle : Pierre de l'Espine (ca 1465-1526), écuyer de cuisine de Marguerite d'Autriche (1480-1530)
Le point de départ de cette étude est une pierre tombale toujours visible dans une église du Bugey, à Pollieu (France, Ain), celle d'un certain Pierre de l'Espine, écuyer de Marguerite d'Autriche, duchesse de Savoie, décédé en 1526. Qui était cet homme ? Différents fonds d'archives consultés ici ont livré de nombreux documents relatifs à Pierre de l'Espine, expliquant pourquoi il fut enterré à Pollieu ; mais surtout, ils ont révélé sa longue carrière professionnelle au service de la princesse, entre 1503 et 1521, dans une demi-douzaine de charges différentes, le conduisant de la Savoie aux Pays-Bas bourguignons, du Charolais à la Franche-Comté. Basé sur une approche sociale et institutionnelle, cet article propose une analyse de cette carrière, décrivant la manière dont Pierre de l'Espine obtint ses charges successives puis y renonça, comment il les exerça, dans quel environnement et quelles étaient ses fonctions. Ceci nous conduira en la cour de Marguerite d'Autriche à Chambéry puis à Malines/Mechelen, au château princier de Sanvignes et au conseil de la grande saline de Salins. Pierre de l'Espine semble avoir servi avec cœur la princesse dont il était un familier, en une période de changements, quand l'hérédité et la vénalité des charges, que l'on commence à observer dès le milieu du xve siècle précédent, se répandent de plus en plus largement, affectant la façon de servir le prince, qui devient une question de retour sur investissement financier tout autant, sinon déjà plus, qu'une question d'implication personnelle et de compétences professionnelles.
Socio-professional and geographical mobility of a princely hotel officer during the early XVIth century: Pierre de l'Espine (ca 1465-1526), squire of kitchen Marguerite of Austria (1480-1530)
The starting point of this study is a gravestone which is still visible in the church of Pollieu (France, Ain), in Bugey region, the one of a named Pierre de l'Espine, squire of Margaret of Austria, duchess of Savoy, who died in 1526. Who was this man? Several archives have yielded numerous documents related to Pierre de l'Espine, explaining why he was buried at Pollieu; most of all, they have revealed his long professional career at the service of the princess, between 1503 and 1521, in half a dozen of different charges, driving him from Savoy to Burgundian Netherlands, from Charolais to Franche-Comté. Based on a social and institu-tional approach, this article provides an analysis of this career, outlining the way how Pierre de l'Espine got his successive charges then renounced to them, how he held them, in which environment and what were his functions. This will lead us to Margaret of Austria's court in Chambéry then in Malines/Mechelen, to the princely castle of Sanvignes and to the council of the great saltworks of Salins. Pierre de l'Espine seems to have served with heart the princess of whom he was a familiar, in a changing period, when heredity and venality of the charges, we can start to observe from the middle of the previous 15th century, had been spreading more widely, affecting the way to serve the prince which became a matter of financial return on investment just as much, if not more already, a matter of personal involvement and professional skills
Samuel Sanchez
Le statut des puînés nobles dans les successions ab intestat en Touraine après la seconde réformation coutumière
La Coutume de Touraine rédigée en 1461 se singularisait par rapport aux coutumes voisines, tout en conservant des principes communs. Malgré une première réformation en 1507, elle laissait encore indécis plusieurs points importants, tout particulièrement en matière de successions ab intestat nobles. La seconde réformation, en 1559, apporte de nombreuses modifications : sont alors entérinées des évolutions touchant tout particulièrement au statut des puînés nobles. Même si la règle ancienne du droit d'aînesse demeure, c'est le régime successoral dans sa presque totalité qui est aménagé au bénéfice des puînés. Le statut de ces derniers s'en trouve amélioré de manière substantielle et globale. Cette amélioration se constate aussi bien dans la dévolution de la succession — en ligne directe et en ligne collatérale — que lors du partage de ladite succession, ce qui n'est pas sans emporter des effets sur la structure familiale ainsi que dans l'organisation sociale.
The status of the younger nobles for the ab intestat succession in Touraine after the second customary reformation
The Custom of Touraine, written in 1461, was standing out of other neighbor Customs, while preserving some common principles. Despite a first reformation in 1507, it was still leaving several important points indecisive, especially when dealing with noble ab intestat successions. The second 1559 reformation contributed to numerous modifications including the evolutions dealing with the status of younger nobles being ratified. Even though the ancient birthright rule is still applied, it is the succession regime in its totality that is adjusted for the benefits of the younger nobles. Their status is substantially and globally improved. This improvement can be observed, first, for the succession devolution, as it is in direct and collateral line, and second, for the inheritance partition of the aforementioned succession. This reformation, as well as for the social organization, is not without consequences for the familial structure.
Fabrice Hoarau
Domat et la peine de mort
Le droit pénal occupe une place non négligeable dans la pensée juridique de Domat, qui aborde la matière après l'adoption de l'Ordonnance criminelle de 1670. La question de la peine de mort n'est évidemment pas éludée dans le Traité des lois et les Quatre livres du droit public. La « peine du dernier supplice » y est imposée par un impératif de justice, dont les ministres ont reçu de Dieu le pouvoir de mettre à mort les plus grands criminels. Mais au-delà de cette fonction purement rétributive, la peine revêt aussi des avantages pratiques, fondés sur le pouvoir dissuasif de la peine de mort, pouvoir dont les puissances temporelles sont en droit de faire usage pour maintenir l'ordre social. Ce positionnement classique fait-il de Domat le partisan d'un rigorisme pénal ? À l'évidence non, car les pouvoirs absolus du prince lui donnent le droit de « préférer l'impunité à la punition ».
Domat and the death penalty
Criminal law constitutes a major part of Domat's law thoughts, which tackles the matter after the adoption of the Criminal Ordinance of 1670. The death penalty debate is evidently not eluded in the Traité des lois and the Quatre livres du droit public. The "last torture penalty" is imposed by an imperative of justice. Their ministers received from God the power to execute the worst criminals. However, beyond this purely retributive function, the death penalty also presents practical advantages. Based on the dissuasive power of the penalty, it contributes to maintain the social order throughout time. Does this classical position characterize Domat as a partisan of penal rigor? Apparently not, as the princes' absolute power confers him the right to "prefer impunity to punition".
Hugues Richard
Problèmes de droit féodal de la gestion du duché de Nivernais d'après les voyages d'Hilaire Doloret, inspecteur général des duchés de Nivernais et Donziais (1780-1791)
En 1780 le duc de Nivernais nomme l'avocat parisien Hilaire Doloret « inspecteur général des domaines et bois, offices et autres propriétés appartenant à M. le duc de Nivernais », une fonction nouvellement créée. De juin 1780 à 1791 cet inspecteur a effectué des voyages dans toutes les châtellenies du duché, à la belle saison. Il en a rédigé douze cahiers de comptes-rendus, sur lesquels le duc a fait des annotations marginales. Doloret doit veiller à faire valoir les droits du duc, notamment en matière féodale. Hostile à la mainmorte et au bordelage, il en demande la suppression, approuvée par le duc. Son rôle n'est pas seulement de surveiller, mais aussi d'élaborer les décisions nécessaires à la bonne gestion du duché. Doloret est ainsi amené à s'occuper des concessions, concessions de censive avec parfois transformation de fief en censive mais aussi concessions de fief, certaines assorties, à l'inverse, de conversion de censive en fief. Il veille également à exercer les droits du seigneur en cas de mutation, qu'il s'agisse de l'hommage du nouveau vassal ou des taxes à payer par le tenancier. On constate que, pour ces derniers, des remises étaient accordées habituellement, sauf en cas de tentative de fraude.
Feudal law issues for the management of the Nivernais duchy, according to the travels of Hilaire Doloret, general inspector of the Nivernais and Donziais duchies
In 1780, the duke of Nivernais appointed Parisian lawyer Hilaire Doloret as the "general inspector of the domains, woods, offices and other proprieties of Mr. the Duke of Nivernais", a newly created function. From 1780 to 1791, this inspector traveled to every lordship of the duchy during spring and summer. He wrote twelve notebooks including several reviews, on which the duke wrote some marginal annotations. Doloret had to assert the duke's rights, notably in feudal terms. He was however hostile to the mortmain and to the bordelage systems, and asked the duke for their suppression, which he approved. His role was not only to check, but also to elaborate the necessary decisions for the good management of the duchy. Doloret was also in charge of the concessions, concessions of censive, with sometimes the transformation of fiefdom in censive and vice-versa. He was also taking care of the lord's rights in case of mutation, whereas it is the allegiance of a new vassal or taxes to pay by tenant farmers. We observe that for the latest, discounts were usually granted, except in case of fraud attempt.
Georges Vayrou
La liberté du commerce et de l'industrie, à Nevers au début du XXe siècle : un « Grand arrêt de la jurisprudence administrative » vu d'en bas
« Le contentieux administratif est toujours un moment fort de la découverte de la France des terroirs, des lieux-dits, des régions, etc., voire parfois un peu au-delà, tout administrativiste se devant inévitablement de parfaitement maîtriser la carte de France comme un internationaliste la carte du monde » (J.-L. Albert). À l'occasion d'un colloque en Nièvre profonde, cet article propose une « lecture de terroir » d'un grand arrêt du Conseil d'État (« Chambre Syndicale du commerce en détail de Nevers ») du 30 mai 1930. On sait que par cet arrêt, le Conseil d'État annule la création par la ville de Nevers d'un « service de ravitaillement municipal », au nom de « la liberté du commerce et de l'industrie ». L'intervention économique des communes se généralise à la fin du xixe et au début du xxe siècle et elle n'est pas un phénomène proprement « nivernais » ni même français, mais à Nevers, une forte volonté politique est affichée, aussi bien dans les programmes électoraux que dans les débats du conseil municipal et dans la ville. Toutefois la mise en œuvre du programme municipal n'est pas aussi simple qu'il peut paraître à première vue. À mesure que semble s'étendre l'emprise de la ville sur la distribution, des freins et des obstacles apparaissent, et pas seulement issus d'opposants. L'arrêt du Conseil d'État signifie la fin du « ravitaillement municipal », même si une solution de remplacement est immédiatement trouvée et mise en œuvre. La personnalité complexe du maire, au premier plan de cette affaire, reste discutée. « Mimile » n'a-t-il été qu'un vulgaire démagogue, ou un homme de terrain attentif aux aspirations du peuple ? Au moins a-t-il offert à Nevers non pas un... mais deux « Grands arrêts de la jurisprudence administrative » (C.E. 19 mai 1933, Benjamin).
Trade and industry liberties in Nevers during the early XXth century: a "Major Decision of the administrative jurisprudence" from the bottom-up
"The administrative dispute is always a strong moment while discovering the France of the terroirs, localities, regions etc, and beyond, as the `administrativist' feels he inevitably has the duty to perfectly master the map of France, and the `internationalist' needs to master the world map" (J.-L. Albert). On occasion of a symposium in Nièvre, we offer a terroir lecture about a major decision from the Conseil d'État (« Chambre Syndicale du commerce en détail de Nevers ») from the 30th of May 1930. We know through this decree that the Conseil d'État canceled the creation of a "municipal provision service" by the city of Nevers, because of "trade and industry freedom rights". The economical interventions of the municipalities are generalized at the end of the XIXth and early XXth centuries, and are not even a typical Nivernais phenomenon, nor a French one. However, in Nevers, a strong political will is exposed, not only in electoral programs, but also during the municipal council debates. Nevertheless, the application of the municipal program is not always as simple as it first looks. While the ascendancy of the city on the distribution seems to expand, impediments and obstacles emerge in addition to political opponents. The decision of the Conseil d'État means the end of the `municipal provision', even though an alternative is immediately found after the decision. The complex personality of the mayor on the main stage of this affair remains disputed. Was `Mimile' only a common demagogue, or a man from the field conscious of his people's aspirations? At least he offered Nevers, not only one, but two "Major Decisions of the administrative jurisprudence" (C.E. 19th of May 1933, Benjamin).
Anne Peroz
La mobilisation économique de l'arrière-front en 1914-1918 : l'exemple du département des Vosges
L'article évoque la contribution de l'agriculture et de l'industrie, pour deux raisons : ces secteurs vitaux concentrent l'attention des pouvoirs publics en temps de guerre, et font la richesse des Vosges en 1914. Nous montrons comment, à quelques encablures du front, l'économie de guerre parvient à un haut niveau de rendement, malgré des prévisions tablant initialement sur une guerre courte. L'agriculture participe au ravitaillement civil et surtout militaire, par l'intermédiaire du droit de réquisition défini par la loi du 3 juillet 1877. L'armée prélève des quantités importantes de céréales et de bétail, passant outre les principes d'équité et de responsabilité énoncés par la loi de 1877, ayant pour objectifs d'empêcher les abus et de tempérer l'atteinte portée au droit de propriété. Pour remédier aux pénuries, l'État, interventionniste, altère les lois du marché et la liberté commerciale (contrôle des prix, mesures de rationnement, instauration de monopoles en faveur de certains organismes). L'industrie de l'arrière-front, pourtant confrontée à des paramètres défavorables, apporte également une large contribution à la défense nationale, dans un climat social plutôt serein malgré les abus en matière de salaire et de temps de travail. Les pouvoirs publics orientent la production vers les besoins de l'armée, et consentent aux revendications salariales pour ménager l'effort de guerre. La guerre favorise l'émergence d'un « prolétariat organisé » et des syndicats comme groupes de pression. Dans l'immédiat après-guerre, ce mouvement aboutit à une amélioration de la législation sur les conditions de travail et au développement du socialisme.
The economical mobilization of the rear of the front in 1914-1918: the example of the Vosges department
This article explores the contribution of the agriculture and the industry for two reasons: these vital sectors are the main focus of the public authorities during wartime, and it constitutes the Vosges wealth in 1914. This article demonstrates how, a few cable lengths away from the front, the war economy reaches a high level of productivity, despite previsions counting on a short-term war. The agriculture contributes to civil and military food supplying through the requisition right defined by the law of the 3rd of July 1877. The army takes important quantities of cereals and cattle, overriding the equity and responsibility principles declared by the law of 1877. These principles were established to avoid abuses and minimize the infringement of propriety rights. To solve shortages, the Interventionist State distorts the market laws and trade liberties (price control, rationing measures, and instauration of monopolies favoring specific organizations). The rear of front industry, while being confronted with unfavorable parameters, also contributes largely to the national defense, in a quite peaceful atmosphere despite salary and work time abuses. The state authorities orient the production according to the army needs and consent to wage demands to manage the war effort. The war favors the emergence of an "organized working class" and unions as pressure groups. Just after the war, this trend led to an improvement of the legislation about working conditions and the development of socialism.
Sébastien Évrard
Un aperçu sur l'édition juridique sous Louis XVI. Autour des chiffres d'impression des ouvrages de droit (1778-1788)
Un registre conservé à la Bibliothèque nationale de France, émanant de la direction de la Librairie, nous éclaire sur l'activité de l'édition juridique sous Louis XVI en province. En effet, il repose sur des demandes de permission simple (conséquence de la réforme issue des arrêts du Conseil du 30 août 1777) émanant d'éditeurs provinciaux dans l'enceinte du royaume de France et il apporte deux éléments majeurs : d'une part, il permet de connaître avec précision la localisation des éditeurs les plus actifs dans la thématique du droit et il confirme une réorientation de l'édition du droit à cette époque. Il en ressort un vif élan pris par les éditeurs de l'espace du sud-ouest, notamment Toulouse. Toutefois, deux centres traditionnels de l'édition restent actifs, à savoir Rouen et Lyon. D'autre part, il précise les domaines juridiques les plus courus par l'édition de cette époque : déclinent nettement les droits canon et romain, tandis que le droit français se taille la part du lion des éditions sollicitées.
An overview on legal editing works under Louis the XVI. Publishing data about law publications (1778-1788)
A register stored at the Bibliothèque Nationale de France and issued from the direction of the Librairie enlightens the activities of legal editing work under Louis the XVI in the Provinces. Indeed, this register rests upon simple permission demands, a consequence of the reformation based on the decisions of the 30th of August 1777 Council, from provincial publishers of the Kingdom of France. It expresses two major elements. First, it allows us to establish with precision the location of the most dynamic publishers dealing with legal editing work. Second, it confirms a reorientation of legal publishing at the time. It shows a strong momentum for the Southwest publishers, especially the ones from Toulouse. However, two traditional publishing centers remain active in Rouen and Lyon. It also clarifies the most popular legal fields of that time, canon and roman laws. These laws are clearly declining while the French law takes the lion's share.
Jean-Édouard Poux
La sollicitation et l'obtention d'un privilège à la fin de l'Ancien Régime (1783)
Sous l'Ancien Régime, la production et la diffusion des imprimés dans le royaume de France sont conditionnées par l'obtention d'un document administratif essentiel : le privilège d'édition. Délivré par la Chancellerie pour une durée limitée, il est accordé au profit d'un individu et pour un ouvrage qui sont nommément désignés par le titre juridique. Il assure à son possesseur le monopole de la production et permet une diffusion de l'ouvrage sur le marché légal. À la suite de plusieurs arrêts du Conseil du roi (1777), cet acte juridique, à la fois politique et économique, subit une importante évolution. On assiste en effet à la naissance du droit moral de l'auteur sur son œuvre et à l'essor du domaine public. Pour illustrer ces problématiques et divulguer un exemple remarquable, on se propose d'étudier depuis sa sollicitation jusqu'à son obtention, le privilège d'édition délivré pour la seconde édition du Répertoire universel de jurisprudence au profit de J.-N. Guyot en 1783. Ce privilège assure la solidité du droit d'éditer et de diffuser l'un des titres de l'édition juridique les plus remarquables qui soient.
The appeal and the acquisition of a privilege at the end of the Old Regime (1783)
During the Old Regime, the production and the diffusion of prints in the Kingdom of France are conditioned by the acquisition of an essential administrative document, The Publishing Privilege. Delivered by the chancellery for a limited period of time, it is granted for the benefits of an individual and for a work that are nominally appointed by a legal title. It grants its owner the monopoly for the work production and allows its diffusion on the legal market. After several decrees of the King Council (1777), this legal act, both political and economical, goes through an important evolution. Indeed, it is the beginning of the author's moral right upon its work and to the rise of the public domain. To illustrate these issues and divulge an exemplary case, we propose to study the delivery of the publishing privilege for the second edition of the Répertoire universel de jurisprudence to J.-N. Guyot in 1783, from its solicitation to its acquisition. This privilege insures the right to publish and release one of the most remarkable legal works.
Tiphaine Duvillié
La protection du patrimoine écrit : « Le livre n'est pas un bien comme les autres »
Depuis la loi de 2011 sur la fixation d'un prix unique à destination du livre numérique, les interrogations autour des aspects numériques dans l'édition ne cessent de se multiplier. Ainsi, il est d'ores-et-déjà possible d'évoquer l'histoire du livre numérique. En effet, celle-ci se construit au rythme des réformes toujours plus nombreuses. Cette communication propose donc de retracer les rapides évolutions de l'édition française de 1979 à 2013. Ainsi, de la protection du patrimoine écrit à la valorisation économique du patrimoine, quels sont les enjeux du numérique pour l'auteur, l'éditeur et le libraire indépendant ? Il s'agit désormais d'appréhender les intérêts en présence pour comprendre ou contester les raisons d'un encadrement légal de plus en plus strict, voire excessif.
The protection of the written heritage: "The book is not a good like another"
Since the 2011 law about the establishment of a single price for digital books, the interrogations about the digital aspects of publishing are constantly increasing. Therefore, it is already possible to evoke the history of the digital book. Indeed, it is written along an increasing number of reforms. This communication proposes to recount the quick evolutions of the French edition from 1979 to 2013. Therefore, from the protection of the written heritage to its economical valorization, what are the stakes of digital publishing for the author, the publisher, and the independent bookseller? The challenge is now to comprehend each party's interest and to understand or contest the reasons of a more and more strict, or even excessive, legal control.