Navigation




Tome 65 (2008) : résumés des articles

Jean Bart

Affaires, ... vous avez dit affaires ?

En introduction aux savants travaux présentés lors des Journées internationales de la Société d'histoire du droit en 2007 à Dijon, il n'est pas superflu de se pencher sur les emplois divers et évolutifs du terme central de leur thème : le droit, les affaires et l'argent, bien avant qu'apparaisse le vocable retenu aujourd'hui par les juristes : « le droit des affaires ». Si cette dernière expression évoque assurément le développement de la production des richesses et des échanges économiques depuis la rédaction du Code de commerce dont on célèbre le bicentenaire, des exemples locaux montrent que les innovateurs industriels ont cherché, avant la Révolution française, à s'adapter aux institutions de l'ancien droit, voire à en tirer parti.

Business... Did you say business?

As an introduction to the scholarly works presented at the Legal History Society's international conference at Dijon in 2007, it may be useful to take an historical perspective on the various and changing meanings of the conference's theme — law, business and money, at a time well before lawyers had coined the term « business law ». Although the phrase recalls the twofold development and growth of affluence and economic exchanges since the drafting of the Code de Commerce two hundred years ago, local examples show that innovating industrial entrepreneurs had already before the French Revolution sought to adjust to the legal institutions of the Ancien Régime, and sometimes succeeded in taking advantage of them.

Sophie Démare-Lafont

Quelques femmes d'affaires au Proche-Orient ancien

Les activités commerciales et financières sont bien documentées pour la Mésopotamie, mais elles concernent majoritairement des hommes. Quelques aspects de la vie économique sont pourtant illustrés par des femmes : les épouses des marchands assyriens du xixe siècle av. J.-C. produisent et vendent des tissus ; les religieuses cloîtrées de Babylonie au xviiie siècle av. J.-C. organisent la gestion financière de leurs patrimoines ; les cabaretières fabriquent et vendent de la bière dans des tavernes à la réputation souvent douteuse. Il est difficile de mesurer la part que représentent ces activités féminines dans l'ensemble de l'économie mésopotamienne, mais on peut supposer qu'elles y ont un rôle significatif, quoique discret.

Some business women in the Ancient Near East

The commercial and business activities that have been well documented for Mesopotamia have largely concerned men. However, some areas of economic life did involve women. Around 1800 B.C. the wives of Assyrian merchants used to weave and sell cloth. In the eighteenth century B.C. cloistered religious women in Babylonia were running and managing their own estates. Women innkeepers brewed and sold beer in often disreputable taverns. While the economic contribution by women in Mesopotamia is difficult to measure, it was probably significant even if it remained in the background.

Emmanuelle Chevreau

La traiecticia pecunia : un mode de financement du commerce international

Dans l'Antiquité gréco-romaine, le commerce international s'effectue essentiellement par la mer. Ce type d'activité est extrêmement onéreux et risqué en raison des multiples dangers que réservent les voyages maritimes (tempête, naufrage, piraterie). Le commerce international est privé et les droits grec et romain ne connaissent pas la notion d'assurance. Se pose alors le problème du financement des entreprises de commerce maritime international. La pratique commerciale a conçu à cet effet le prêt maritime. C'est une opération de crédit en vertu de laquelle le créancier prête un capital et prend à sa charge les risques de la navigation. Le contrat est conclu sous condition suspensive. L'obligation de restitution de l'emprunteur ne naîtra que si le bateau arrive à bon port. En ce cas, il restituera le capital prêté et acquittera des intérêts très élevés. Cette opération est attestée au ve siècle av. J.-C. en Grèce sous le nom de dáneion nautikón. Elle est reçue à Rome sous le nom de traiecticia pecunia. Cette expression spécifique traduisait tant l'argent prêté que les marchandises qu'il servait à acquérir lors de l'expédition maritime. Elle visait la figure économique du prêt maritime grec. Toutefois le droit romain n'a jamais admis expressément l'existence du contrat de prêt maritime dans la mesure où il dérogeait manifestement au droit commun du prêt notamment en matière d'intérêts et de charge des risques. Il a cependant permis qu'un mutuum ou une stipulation ait pour objet une traiecticia pecunia. L'objet extraordinaire de l'acte justifiait les dérogations exceptionnelles au régime du contrat. Le droit romain privilégia ainsi la dimension économique de cette incontournable source de financement du commerce international.

Traiecticia pecunia as a method of financing international trade

In ancient Greece and Rome, international trade mainly took place by sea. Because of the many dangers inherent to maritime voyages (storms, ship-wrecks, piracy) it was an extremely risky and expensive form of business. International trade was a private matter and Greek and Roman law ignored the concept of insurance. A method of financing international maritime commercial ventures had therefore to be worked out. Commercial practice developed to that purpose the technique of maritime loans as a form of credit where the creditor lent the capital and took on the risk of the sea journey. The contract was subordinated to a condition precedent. The borrower would only have to repay the capital if the ship reached its destination. In addition, he would also have to pay the interest at a very high rate. In Greece, transactions of this kind are documented for the 5th century B.C. and were called dáneion nautikón. It was adopted in Rome as the traiecticia pecunia. As a term of art, the phrase referred to both the money lent and to the goods bought with that capital during the maritime venture. Its purpose was to achieve the same economic result as the Greek maritime loan. Roman law, however, never explicitly recognised maritime loan contracts as such, in so far as these departed too overtly from the general rules with respect to loans, particularly as regards the interest and the onus of risks. Nevertheless, Roman law allowed the traiecticia pecunia to be the object of a mutuum or a stipulatio. The exceptional character of the operation justified the departure from the general rules of contracts. Roman law thus acknowledged the economic importance of a technique which proved absolutely necessary for financing international trade.

María Salazar Revuelta

Les sujets intervenant dans le transport de marchandises et/ou de personnes à Rome : légitimation active et passive pour l'action du receptum nautarum, cauponum et stabulariorum

La responsabilité objective issue du receptum nautarum, cauponum et stabulariorum, appliquée tout d'abord aux nautae (propriétaires de l'entreprise de navigation) puis rapidement étendue aux caupones (aubergistes) et aux stabularii (gérants d'étables ou d'écuries avec auberge attenante) dans le domaine des services liés au transport terrestre, traduit la volonté du préteur de renforcer la sécurité juridique du trafic commercial. De ce fait, l'actio de recepto peut être intentée par toute personne, quelle que soit sa catégorie professionnelle, ayant conclu le receptum, c'est-à-dire ayant consigné quelque chose dans ces établissements dans l'optique d'une restitution complète et intacte. De même, la légitimation passive de l'action concerne non seulement l'absence de restitution ou la restitution défectueuse des effets, imputable au dominus negotii ou au personnel affecté à sa negotiatio, mais aussi la clientèle elle-même : passagers du navire, clients du stabulum ou personnes logées dans la caupona, ces dernières pouvant être des pensionnaires habituels (inhabitatores) ou occasionnels (viatores). Cela montre ainsi la portée considérable de l'édit de receptis en ce qui concerne les sujets dignes de protection ainsi que les responsables de tout vol ou dommage survenu dans le domaine de l'entreprise de transport ou d'hébergement en question, commis sur les objets du receptum

Issues that might arise when transporting merchandise and/or people in Rome : active and passive legitimisation of the action of receptum nautarum, cauponum et stabulariorum

Objective liability stemming from the receptum nautarum, cauponum et stabulariorum was first applied to nautae (owners of shipping companies), but was rapidly extended to all services involved in the transport of goods over land, such as caupones (innkeepers) and stabularii (managers of cowsheds and stables with an adjoining inn). It conveyed the will of the praetor to reinforce the legal security of commercial traffic. Thus, the actio de recepto could be brought by any person, regardless of their professional status, who had concluded the receptum — that is the deposit of something in these establishments for safe-keeping. Likewise, passive legitimisation of the action concerned not only the absence of restitution or the defective restitution of the effects, but also held liable the dominus negotii or any member of staff of the negotiatio, and might even include the customers : ship passengers, clients of the stabulum or persons staying in the caupona, viz. regular guests (inhabitatores) or occasional guests (viatores). This shows the considerable scope of the edict de receptis as regards what might be considered worthy of protection but also who might be held responsible for any damage of theft when an object of the receptum had been handed over.

Laurent Waelkens

Pecunia constituta, un mode de paiement du droit romain

Traditionnellement les romanistes défendent que dans le droit romain antique, tous les paiements se faisaient en numéraire. Cela paraît exclu quand on compare l'ampleur du commerce romain à la quantité réduite de monnaie qui y circulait. En fait, un mode de paiement sans monnaie sonnante se trouve au Digeste 13, 5, de pecunia constituta. En rendant des créances abstraites et transmissibles, les créanciers les utilisaient pour régler leurs propres dettes. Des dettes transformées en « constitut » étaient exigibles par l'actio de pecunia constituta. Les acquéreurs de ces titres pouvaient les négocier librement comme constitutum debiti alieni. Les tiers acquéreurs obtenaient l'actio de pecunia constituta tant contre les débiteurs originaux que contre les tierces personnes qui avaient négocié les titres.

Pecunia constituta, a means of payment in Roman law

Traditionally, Romanists have defended the idea that in ancient Roman law, all payments were made in cash. This appears impossible when the extent of Roman trade is compared to the small amount of currency in circulation. In fact, a means of payment without cash can be found in the Digest 13, 5, De pecunia constituta. By rendering debts abstract and transmissible, creditors used them to settle their own debts. The debts transformed into « constitutum » were payable by the actio de pecunia constituta. Whoever purchased these debentures could freely use them in trade as constitutum debiti alieni. The third parties who bought them obtained the actio de pecunia constituta as much against the original debtors as against the third parties who had sold the debentures.

René-Marie Rampelberg

Regard sur l'argent dans la Rome républicaine : les sources littéraires à la rescousse du droit

Les sources littéraires et parmi elles, le théâtre, sont indispensables pour appréhender le monde des manieurs d'argent sous la République à Rome. Les développements qui suivent ont pour modeste propos d'évoquer brièvement certains des aspects du cadre et de la nature de leurs activités dont la connaissance, déjà lacunaire, serait totalement aléatoire si l'on n'y faisait référence.

A study on money in republican Rome — literary sources to the rescue of the law

Literary sources (and the theatre in particular) are essential to the understanding of the world of money managers in the Roman Republic. This paper briefly discusses some aspects of the setting and nature of their work, bearing in mind that, without these literary references, our present scant knowledge of such an occupation would be even less certain.

Hans Ankum

Solutionis causa adiectus et constitutum debiti en droit romain classique

Par la clause dans une stipulation de dare : « mihi aut Titio dari spondesne ? » les parties peuvent s'accorder sur la possibilité du paiement avec un effet libératoire par le promissor au créancier ou à l'adiectus solutionis causa, la personne adjointe en vue du paiement. Quand on se souvient que les stipulations de dare pour autrui ne menaient ni pour le stipulator ni pour le tiers à une action et que l'acquisition de la propriété par une personne libre (un procurator) n'a été reconnue dans une mesure limitée qu'au cours du iie siècle après J.-C., on peut supposer que dans le droit préclassique et classique, la désignation d'un solutionis causa adiectus est un phénomène fréquent. Une monographie moderne sur ce sujet manque (nº 1). Au nº 2, l'auteur a esquissé les traits essentiels de la position juridique de l'adjoint en vue du paiement. Ensuite (nº 3) l'auteur voulant étudier la relation entre la désignation d'un solutionis causa adiectus et le constitutum debiti (proprii), a donné une définition de ce constitut : c'est un pacte par lequel le débiteur et le créancier d'une somme d'argent s'accordent sur la date future avant laquelle le paiement devra être fait. Trois romanistes de la première moitié du xxe siècle, Pringsheim, Beseler et Solazzi ont soutenu que deux textes de Paul sur la désignation d'un adiectus et le constitutum debiti, à savoir D. 46. 3. 59 et D. 13. 5. 8, se contredisent. Au nº 4, une interprétation de ces textes a été donnée. Elle a mené à la conclusion qu'il n'y a pas de conflit entre eux, mais qu'ils ont trait à des situations différentes : si un constitutum debiti à payer au créancier seulement a été précédé par une stipulation par laquelle un adiectus a été désigné, le constitut n'a pas d'effet concernant la personne à laquelle le débiteur peut payer. Si au contraire un tel constitut a été conclu après un constitut à payer au créancier ou à un adjoint, le second constitut a l'effet de révoquer le premier.

Solutionis causa adiectus and constitutum debiti in classical Roman Law

Through a clause in a stipulation of dare : « mihi aut Titio dari spondesne ? » the parties can agree to the possibility of payment in full discharge from debt by the promissor to either the creditor or to the adiectus solutionis causa (an additional party in view of payment). Let it be born in mind that the stipulations of dare in favour of a third party did not lead to a claim by either the stipulator nor any other third party ; and that the acquisition of the property by a free person (a procurator) was only recognised to a very limited degree at the end of the second century A.D. Therefore, it might be supposed that in pre-classical and classical law the designation of a solutionis causa adiectus was a common occurrence. A recent monograph treating this subject is lacking (nº 1). In nº 2 the author sketches an outline of those characteristics necessary in the legal position of the solutionis causa adiectus with respect to the payment. In nº 3, in order to study the relationship between the designation of a solutionis causa adiectus and the constitutum debiti (proprii), the author has given a definition of this constitutum : a pact by which the debtor and the creditor of a sum of money agreed on a date in the future before which payment will have to be made. Three Romanists from the first half of the twentieth century, Pringsheim, Beseler and Solazzi, maintained that two texts of Paul on the designation of an adiectus and the constitutum debiti, (viz. D. 46. 3. 59 and D. 13. 5. 8) were contradictory. In nº 4, an interpretation of these texts is given which concludes that there is no contradiction between the two, because they concern different cases. If the constitutum debiti (where only the creditor was mentioned) was preceded by a stipulation by which an adiectus had been designated (D. 46. 3. 59), the constitutum had no effect as regards the person to whom the payment could be made. If, on the contrary, such a constitutum had been concluded after a constitutum to pay the creditor or the adiectus (D. 13. 5. 8), the second constitutum had the effect of revoking the first one.

Soazick Kerneis

Le blé du Nord. Les affaires et les impôts dans la Bretagne du Ier siècle

L'organisation de l'impôt dans les provinces romaines pose encore des questions. Les tablettes de Vindolanda sont une des rares sources évoquant les tributs versés par les populations frontalières. Elles dévoilent aussi les manœuvres frauduleuses de ceux, essentiellement des affranchis, chargés de leur perception.

Northern wheat crops — business and taxes in first-century Brittany

How taxes were organised in the Roman provinces is still open to question. The Vindolanda tablets are one of the rare sources which mention the tributes paid by the border populations. They also reveal the fraudulent schemes of those (in the main freedmen) charged with collecting them.

Maïté Lesné-Ferret

À propos de la monnaie melgorienne : relations seigneuriales et affaires privées, en Languedoc méditerranéen, aux XIIe-XIVe siècles

Les chartes, organisant la frappe du sou melgorien, permettent d'avoir un aperçu des relations seigneuriales et des innovations juridiques, en Languedoc méditerranéen, du xiie au xive siècle. Le rôle des notaires apparaît actif dans le domaine de la preuve écrite, du droit des sociétés et des sûretés réelles.

Melgorian coins — feudal relations and private business in Mediterranean Languedoc from the twelfth to the fourteenth century

The charters which implemented the minting of Melgorian coins provide an insight into feudal relations and legal innovations in Mediterranean Languedoc from the twelfth to the fourteenth centuries. Notaries played an active role in the area of written evidence, company law and real securities.

Boris Bernabé

L'argent qui corrompt le juge

Au cours du Moyen Âge, la doctrine canonique, relayée par les ordonnances royales, a contribué à l'élaboration de l'interdiction absolue pour le juge de percevoir une quelconque somme d'argent ou un quelconque présent de la main des justiciables — interdiction qui n'était au départ que relative. Cette interdiction, devenue absolue, a entraîné en droit une présomption de corruption du juge dès lors qu'il y contrevenait. La conséquence majeure de la constitution de cette présomption devait résider en une pratique de l'apparence : pour que leurs sentences soient perçues par les justiciables comme légitimes, les juges devaient donner l'apparence de la plus haute justice, de la plus stricte droiture, de la plus grande intégrité. Les juges devaient se montrer aussi impassibles que la « statue de la justice » ; tout rapport avec les justiciables était proscrit, principalement les rapports familiaux et d'argent. Or, n'étant pas un automate et vivant dans une société qui ne permettait pas l'anonymat, le juge, en dehors du palais, était un acteur économique comme un autre, créancier ou débiteur, locataire ou bailleur. Ainsi, lorsque les juges reprirent à leur compte et augmentèrent le portrait du juge idéal, ils firent en sorte d'élever à ce point l'honneur de la magistrature que dès ce moment, l'argent perçu par le juge ne devait pas suffire à faire présumer de son avarice.

Money and the corruption of judges

During the Middle Ages, canonical doctrine, which influenced royal ordinances in France, was instrumental in banning judges from receiving money or gifts from any person subject to appear before them. At the outset the ban was only relative, but subsequently became absolute, and had as a consequence in law the presumption that any judge would be considered guilty of corruption as soon as he acted contrary to this principle. Therefore the public perception of judges was such that in order to bestow legitimacy on sentences handed out to those before the court, they had to appear as justice personified, their rectitude and integrity beyond reproach, and impassive as the « statue of justice ». Any connection (be it through money or family ties) with those before the court was forbidden. However, a judge cannot act as a mere mechanical device, and, moreover, had to live in a society where anonymity was impossible. Outside the courtroom, the judge appeared like any other person — an active participant in the economy, whether as a creditor or debtor, a tenant or landlord. Thus, by appropriating and embellishing this portrait of the ideal judge, judges ensured that the honour of the magistrature would be held in the highest regard ; and from that moment onwards any judge receiving a fee would be exempt from any suspicion of personal greed.

Jacqueline Moreau-David

Monnaies, mutations monétaires, faux monnayage : quelques réflexions sur l'argent du roi

Le droit de battre monnaie est un droit régalien. Le roi de France s'en est ressaisi après la parenthèse de la période féodale, lors de laquelle les seigneurs l'avaient usurpé. Quand il entreprend de recouvrer sa souveraineté, le roi entend faire respecter ce droit qui a une grande importance politique et économique. C'est à partir de 1273 qu'apparaissent les premières ordonnances sanctionnant le faux monnayage. C'est également le moment où le roi met en place les institutions, Cour des monnaies, généraux des monnaies et Hôtels des monnaies dans lesquels sont en principe fabriquées les pièces d'or, d'argent et de « billon » qui constituent les espèces monétaires. Ces organismes ont pour fonction de contrôler la fabrication et la mise en circulation des pièces. Le roi seul en fixe la valeur. Très vite il utilise ce pouvoir pour opérer des mutations de la monnaie sous l'effet de nécessités financières : besoin de numéraire, mais aussi contrôle économique. Ces « manipulations » se développeront à partir de Philippe le Bel et seront, jusqu'à la Révolution, une pratique fréquente. Les juristes, les théologiens et les moralistes critiquent les mutations monétaires qui peuvent néanmoins être justifiées en cas de nécessité. En revanche le faux monnayage est un crime de lèse majesté. Les textes royaux prévoient des sanctions pour réprimer ce qui est une atteinte au pouvoir du roi. La notion de faux monnayage est précisée. Son champ d'application est étendu aux monnaies étrangères. La nébuleuse des personnes qui entourent le faux monnayeur de la fabrication des pièces à leur dissémination dans la population, on a affaire à des bandes, est concernée par ces textes. Les peines sont sévères, c'est souvent la peine de mort qui jusqu'au xvie siècle a parfois été infligée en faisant bouillir le faussaire. Cela n'a pas empêché le faux monnayage d'être une entreprise florissante.

Money coins, monetary changes and counterfeit coins — some considerations on the king's money

The right to mint money was a royal prerogative. The king of France regained control of this prerogative from the lords who had usurped it for a time in the feudal period. When the king began to assert his sovereignty, he insisted on the recognition of his mint prerogative, to which great political and economic weight was attached. The first ordinances punishing counterfeiting appeared from 1273 onward. It was around the same time that the king also set up an institutional framework which included the Cour des monnaies, general officers in charge of the currency and the Hôtels des monnaies where the legal tender of gold, silver and other metal coins was minted. These organisations were in charge of controlling the production of coins and putting them into circulation. The king alone set their value. He very quickly used this power to manipulate the currency in response to financial constraints — the need to raise money and to control the economy. These « manipulations » became more widespread from the time of Philip the Fair, and were to be a frequent practice until the Revolution. Lawyers, theologians and moralists criticised these currency transformations, which could nevertheless be justified in case of necessity. However, counterfeiting was considered as a crime of lese-majesty. Royal statutes could repress any behaviour that undermined the sovereign's power. The notion of counterfeiting, both of domestic and foreign currency, was made explicit. Thus anyone engaged in counterfeiting (from the production to the distribution of the counterfeit coins) was concerned by these texts and the severe punishment meted out for such an offence. Typically, this was the death penalty, which until the sixteenth century, was carried out by boiling alive the offender. However, that did not prevent the practice of counterfeiting from flourishing.

Laurent Pfister

L'usage illicite du signe d'autrui. Quelques observations sur les enseignes et marques dans l'ancien droit

Sous l'Ancien Régime, les enseignes et marques, obligatoires en vertu de textes épars et variés (statuts corporatifs, règlements municipaux, ordonnances royales, coutumes), constituent avant tout un outil de police, destiné à protéger le monopole des corps — de métiers ou de villes — et l'intérêt du public. Mais à rebours de ce qu'ont soutenu certains, enseignes et marques individuelles sont également conçues, utilisées et protégées comme des instruments de commerce et de concurrence. Elles ont partie liée aux affaires. C'est ce qui ressort de l'étude des réflexions doctrinales et de la pratique judiciaire française sur l'usage illicite du signe d'autrui. L'enseigne et la marque appartiennent à celui qui les a adoptées en premier et en fait usage prolongé. Elles sont le support de sa réputation et lui permettent de « bien vendre » (Bartole) ses marchandises ou ses services. Aussi, qualifiée par certains d'« émulation », l'imitation de l'enseigne ou de la marque par un rival est-elle jugée frauduleuse ou à tout le moins dénoncée comme telle dès lors qu'elle crée un risque de confusion dans l'esprit du public et qu'elle est animée par le dessein de « détourner les passants », de tirer illégitimement profit de la réputation d'autrui et du succès commercial qu'elle engendre. Doctrine et plus encore jurisprudence sur l'usage illicite du signe d'autrui s'avèrent propices à l'émergence de l'idée de clientèle ainsi qu'à la formulation de solutions qui sont en substance encore celles du droit actuel de la propriété industrielle et de la concurrence déloyale.

The illicit use of other persons' signs. Some observations on signboards and trademarks in pre-revolutionary law

Under the Ancien Régime, signboards and trademarks, whose contents were strictly regulated by a set of disparate texts such as professional statutes, local regulations, royal edicts and customary law, acted as a form of control by the authorities, destined to protect the monopoly of corporations (representing trades and municipalities) and the public interest. However, contrary to what some have maintained, signboards and trademarks were also devised, used and protected as a means of commerce and competition — an intrinsic part of doing business. This conclusion is the result of the study of doctrinal reflections and French judicial practice on the illicit use of other persons' signs. The signboard and trademark were considered the property of the person who had first adopted and made use of them over a period of time. They upheld his reputation, thus allowing him to « sell well » (Bartolus) his merchandise or services. Hence, the copying of a signboard or trademark by a rival (described by some as « emulation », i.e. passing-off) was considered fraudulent, or was denounced as such as soon as it created a risk of confusion in the mind of the public, and was intended to « divert the passer-by » and take unlawful advantage of another's reputation and the commercial success it generated. As regards the illicit use of signs, doctrine and, to a greater degree, case law have therefore promoted the emergence of the notion of « goodwill » or of a commercial « practice », as well as the creation of solutions on patents and unfair competition that endure in law to this day.

Jean-Louis Thireau

Le premier ouvrage français sur le droit des affaires : le Traité sur les cessions et banqueroutes de Gabriel Bounyn (1586)

Le Traité sur les cessions et banqueroutes de Gabriel Bounyn offre l'une des toutes premières contributions de la doctrine française à l'étude du droit des affaires. Fidèle reflet des idées de son temps, il est fortement marqué par les scrupules religieux, l'influence humaniste, le goût de l'érudition qui caractérisent le xvie siècle. Sans se montrer très original, il fait preuve d'une certaine bienveillance, au nom de la charité, à l'égard des débiteurs insolvables réduits à faire cession de leurs biens, et l'obligation nouvelle qui leur est faite de porter en public un bonnet vert est présentée moins comme une vexation que comme une mesure de publicité nécessaire, dont Bounyn préconise de faire une application modérée en fonction du degré de responsabilité des faillis.

The first French work on business law : the Traité sur les cessions et banqueroutes by Gabriel Bounyn (1586)

The Traité sur les cessions et banqueroutes by Gabriel Bounyn is one of the very first contributions on French doctrine on the study of commercial law. A faithful reflection of the ideas of its time, it bears the stamp of religious scruples, humanist influences and a love of learning that so characterised the sixteenth century. Containing little of any originality, it does show a certain benevolence, in the name of charity, towards insolvent debtors reduced to transferring their property. The new obligation imposed on them to wear a green cap in public is presented less as a trial than as a necessary publicity measure that Bounyn argued should be used in moderation according to the degree of responsibility of the bankrupt parties.

Rosine Létinier de Arvizu

Aperçu de la doctrine de l'école de Salamanque (XVIe-XVIIe siècles) concernant l'activité bancaire

Cette étude expose brièvement la position du groupe de théologiens espagnols des xvie et xviie siècles, connu sous le nom d'école de Salamanque, à propos des normes morales qu'ils estimaient devoir présider à l'exercice de l'activité bancaire. Très frappés par le chaos économique qui suivit l'entrée des énormes richesses venues des Indes, ils sont intervenus pour essayer de corriger cet état de choses en orientant le développement des activités commerciales et économiques liées aux circonstances nouvelles et, en particulier, l'activité bancaire. Ils ont d'abord dû, pour ce faire, analyser leurs mécanismes complexes, se transformant ainsi, indirectement, en économistes. Ils se sont notamment intéressés à la pratique du système de réserve fractionnaire, mais tous ne se sont pas prononcés dans le même sens. Certains, comprenant qu'elle avait, à la longue, des effets économiques néfastes et, surtout, qu'elle favorisait la pratique de l'usure (prêt à intérêt), l'ont condamnée ou désapprouvée. D'autres, plus tolérants, se sont contentés de recommander la prudence aux banquiers dans le choix des placements qu'ils opéraient avec les dépôts de leurs clients et ont adopté, pour justifier cette position sur le plan juridique, l'argument d'après lequel les dépôts des clients étaient, en fait, des prêts consentis par les clients à la banque. Cette divergence de points de vue semble s'expliquer par une évolution des sensibilités, se manifestant par une progressive acceptation de la pratique du prêt à intérêt.

An outline of the doctrine of the School of Salamanca (sixteenth and seventeenth centuries) on the banking sector

This study briefly sets out the position of the group of sixteenth and seventeenth century Spanish theologians, known as the School of Salamanca, as regards the moral standards that they considered should govern banking practices. Having been greatly affected by the economic chaos that came in the wake of the influx of enormous wealth from the West Indies, they intervened by trying to correct this state of affairs by guiding the development of the commercial and economic activities (and, in particular, banking practices) linked to these new set of circumstances. To do so, they first had to carry out an analysis of these complex mechanisms, thus indirectly transforming themselves into economists. They were particularly interested in the workings of the system of fractional reserves, but were divided in their opinions. Those who understood that these practices would ultimately bring about harmful economic effects and would above all favour the practice of usury (interest-bearing loans) condemned or disapproved of them. Others, taking a more tolerant stance, merely recommended that bankers be careful how they chose to invest their clients' deposits. To justify this position from a legal point of view, they adopted the argument that these deposits were, in actual fact, loans granted to the bank by its clients. This difference of opinion might be explained by an evolution in public opinion that was manifested by an increasing acceptance of the practice of interest-bearing loans.

Wim Decock

L'usure face au marché : Lessius (1554-1623) et l'escompte des lettres obligataires

Est-ce qu'il est licite d'acheter un effet commercial pour un prix plus bas que sa valeur nominale ? Voilà un problème que les hommes d'affaires actifs sur la bourse d'Anvers au tournant du xviie siècle soumettent à leur conseiller, le jésuite Léonard Lessius. Il existe au moins quatre raisons pour se plonger dans l'exposition explosive que Lessius, donnant suite à la question des commerçants, a développé sur l'achat au-dessous du pair des lettres obligataires. D'abord, ces effets commerciaux ont effectivement joué un rôle primordial dans l'histoire des techniques financières et la naissance de l'escompte moderne. Ensuite, l'achat de droits à de l'argent futur donne lieu à une discussion à l'intersection des deux doctrines qui sont à la base des réflexions scolastiques sur le droit commercial, à savoir la doctrine de l'usure et la doctrine du juste prix. Troisièmement, la résolution de ce problème nous montre de manière très concrète l'importance des schémas juridiques comme instruments d'analyse pour la théologie morale de l'époque. D'un autre côté, l'on constatera la modification graduelle de cette même terminologie juridique au fur et à mesure que les théologiens-juristes l'appliquaient aux réalités économiques toujours en cours d'évolution. Enfin et surtout, le degré d'approbation de l'escompte des lettres obligataires est une bonne indication de la débâcle ou au contraire de la ténacité de l'ancienne doctrine de l'usure au début du xviie siècle.

The usury doctrine challenged by the market : Lessius on the sale of debt at a discount

Is it licit to buy a bill of debt at a lower price than its nominal value ? — such one of the most pressing problems businessmen put forward to their counsellor, the Flemish Jesuit Leonardus Lessius, at a time when modern discount practice was gaining ground in the Antwerp exchange at the turn of the seventeenth century. There are at least four reasons for us to embark on a careful scrutiny of Lessius' unconventional solution to the matter in question. First of all, those bills of debt have played a vital role in the history of banking and finance. In addition, the sale-purchase of a bill of debt at a discount gives rise to a discussion at the crossroads of the two main doctrines underlying the scholastic treatment of problems we now subsume under commercial law : usury and just pricing. Thirdly, in tackling this very concrete issue, Lessius testifies to the crucial importance of juridical schemes and legal vocabulary in the problem solving method of early modern moral theology. Conversely, his analysis also shows us how legal thought itself was further developed and transformed by the theologians in light of the ever changing economic realities they had to cope with. Last but not least, the degree of approval or disapproval of the discounting practice is a quality indicator for the meltdown or tenacity of the traditional usury doctrine, respectively.

Frank Laidié

Saisies immobilières, édits de criées en Bourgogne aux XVIIe et XVIIIe siècles

L'examen des criées recouvre principalement deux aspects. Il permet tout d'abord une connaissance des hommes qu'ils soient créanciers ou débiteurs. L'étude des criées offre en outre au chercheur l'opportunité de s'attacher aux techniques procédurales. C'est essentiellement à ce dernier point que cette communication se destine. La procédure s'articule autour de deux étapes. La première précède les criées. Elle impose l'intervention préalable d'un juge pour saisir l'immeuble. L'exigence d'un titre exécutoire et les conséquences de cette mise « en main de justice » sont étudiées tout comme certaines règles procédurales relatives au montant à partir duquel on peut saisir réellement, à la nature des biens que l'on peut saisir réellement et à l'intérêt de publicité. Cette première étape réalisée, la procédure se poursuit par les criées et conduit à la délivrance réelle du bien. Elle consiste tout d'abord à exproprier le débiteur pour enfin désintéresser les créanciers. Cette procédure est une procédure onéreuse, longue et complexe. Elle reste pourtant au vu du nombre d'affaires traitées par le parlement de Bourgogne, une voie privilégiée par les Bourguignons qui négligent d'autres procédures simplifiées n'offrant pas toutes les garanties de la saisie réelle et des criées.

Real property attachment — auction edicts in Burgundy in the seventeenth and eighteenth centuries

The study of auctions can be approached from two vantage points. Firstly it allows an insight into the individuals of past eras, be they creditors or debtors ; and secondly it offers the researcher the opportunity to take a close look at procedural techniques, which is the purpose of this paper. The procedure included two stages. The first was set before the auction and required the preliminary injunction from a judge to attach the property. The requirement of an executory order and the consequences of this putting the case « in the hands of the law » are studied together with certain procedural rules dealing with the amount above which attachment was allowed, the nature of the property that could be repossessed and the relevance of publicity. Once this first stage had been completed, the procedure passed onto the auction and finally to the actual handing over of the property. It first consisted in expropriating the debtor to pay off the creditors. This was a long, complex and expensive procedure. It remained, given the number of cases dealt with by the parlement de Bourgogne, the favoured course of action among Burgundians who disregarded other simplified procedures which did not offer all the guarantees of attachment and the auctions.

Hugues Richard

Le vingtième d'industrie et les états de Bourgogne. Impôt et politique économique dans la seconde moitié du XVIIIe siècle

Au xviiie siècle, les rois de France ont instauré un impôt sur le revenu de leurs sujets, sous la forme du dixième, puis du cinquantième et, de façon plus durable, du vingtième. Ces impositions touchent les différentes catégories de revenus, dont celui de l'industrie, c'est-à-dire des activités commerciales, artisanales et industrielles. Par souci de ne pas violer le secret des affaires, le législateur a renoncé à demander aux contribuables de déclarer leurs revenus de cette catégorie et à contrôler une telle déclaration. Ainsi, cet impôt qui aurait dû être un impôt de quotité a été perçu comme impôt de répartition. Les états provinciaux de Bourgogne ont obtenu en 1756 l'abonnement des vingtièmes. Lors des négociations de celui-ci avec le gouvernement royal, les élus, représentants permanents des états, ont critiqué le principe d'une imposition du commerce et de l'industrie alors que leur action tend à favoriser la création d'entreprises dans la province. Mais, en vertu du système de l'abonnement, ce sont les mêmes élus qui sont chargés de la gestion de cet impôt, afin de recouvrer les fonds nécessaires pour payer au roi le montant convenu. Ils l'ont fait à l'aide de leur administration, bien organisée, en suivant l'exemple de ce qu'avait fait l'intendant jusqu'en 1756. L'impôt est réparti dans le cadre de chaque métier ou groupe de métiers. Et ce sont les élus qui en ont la juridiction, ils jugent donc les requêtes des contribuables. Selon les archives conservées, ce sont les marchands de bois de Dijon qui ont donné lieu aux difficultés les plus importantes.

The « twentieth » tax on industry and the states of Burgundy. Taxes and economic policy in the second half of the eighteenth century

In the eighteenth century the kings of France introduced a tax (in the form of a tenth, then a fiftieth and then a more enduring twentieth) on the revenue of their subjects. These taxes concerned different categories of income, such as that derived from industry and the commercial, industrial and craft sectors. So as not to compromise confidentiality in business, the lawmaker abandoned the idea of asking taxpayers to declare income from this particular source and of auditing such tax declarations. Thus this tax, which should have been an impôt de quotité (i.e. based on a flat rate to all the property taxable) was collected as an impôt de répartition (i.e. a tax resulting from the apportionment of a global figure stated in advance). It was in 1756, during the negotiations with the royal government, when the Provincial States of Burgundy secured the contribution to this « twentieth » tax that the permanent representatives of the states, criticised the principle of a tax on commerce and industry at a time when they were trying to foster the creation of businesses in the province. However, as was usual with this system of taxation, the administration and collection of the tax and its payment to the king was delegated to those same representatives. This was achieved with the help of well-organised local government departments and by following the example of the intendant, who had remained active up to 1756. The tax was spread over each trade or group of trades and was under the jurisdiction of the representatives who settled any appeals from taxpayers. According to the archives that have been kept, the major problems in that context came from the wood merchants from Dijon.

Laurie Fréger

Épices et coût du procès — réflexion sur l'économie de la justice civile sous l'Ancien Régime

De tout temps, la justice, particulièrement la justice civile, a recelé des considérations économiques, que les rois se sont attachés à régler au mieux. Étudier la justice royale sous l'angle de l'économie de la justice, c'est s'intéresser particulièrement à son coût. Les épices des magistrats, cette vacation judiciaire atypique qui rémunère le rapporteur d'un procès, ont souvent été stigmatisées comme symbole d'une justice chère, antithèse de la justice gratuite. Cette conception canalise, autant qu'elle explique, le regard critique porté sur elles. L'objet de cette étude est de montrer que c'est là finalement un procès mal orienté. Les épices ne sont que l'adaptation d'une réalité économique : la justice, même « gratuite », a nécessairement un coût, pour pouvoir fonctionner ; il s'agit notamment du salaire des magistrats. Celui-ci a seulement été nationalisé par le biais de l'impôt en 1789. Cela invite à envisager les épices sous un angle nouveau et à juger leur tolérance par le roi en tant qu'approche économique de la justice. L'analyse du régime juridique des épices montre que le roi a réussi à mettre en place un « tempérament convenable », compromis entre idéal de justice et considérations financières.

« Épices » and the cost of going to court — some considerations on the financing of civil justice during the « Ancien Régime »

Justice, particularly civil justice, has always had hidden economic implications that kings have sought to settle for the best. The study of royal justice from an economic point of view means taking a particular interest in its cost. The magistrates' épices, the legal fees paid to the court reporter, have often been denounced as exemplifying the high cost of justice and as the antithesis of free justice, and strongly criticised as a result. The aim of this study is to show that such a view is not valid. These épices were only the adaptation of an economic reality : that all justice, even so-called free justice, comes at a price in order to be able to function. In this case it was a question of the magistrates' salaries, which were only paid by the State from tax revenues from 1789 onwards. This leads us to take a look at the payment of épices from a new angle and to judge the king's tolerance of them as an economic approach to justice. The analysis of the legal system for the épices shows that the king was successful in establishing an « appropriate balance », a compromise between an ideal of justice and financial considerations.

Dominique Aimé Mignot

Évolution du statut servile à la fin de l'Ancien Régime

Quelques auteurs ont fait allusion au droit romain pour expliquer la logique (si tant est qu'il y ait une logique) du fameux Code Noir de mars 1685. À vrai dire, il conviendrait de se reporter non seulement aux travaux préparatoires mais aussi à l'expérience française du servage issue de la féodalité tout au long du xviiie siècle. Il paraît nécessaire de suivre l'application et l'évolution de l'institution servile du xviie au xviiie siècle. Outre les parallélismes de forme ou de fond avec la résurgence de la servitude romaine on s'attachera à dégager les signes d'évolution entre le modèle des Anciens et l'application des Modernes.

The development of the status of serfs towards the end of the Ancien Régime

Some authors have mentioned Roman law to explain the rationale — if any — of the well-known Code Noir of March 1685. In fact, it would be useful not only to refer to the travaux préparatoires, but also to put into context the French experience of serfdom (which dated back to Feudal times) — how it was applied and how it evolved as an institution during the seventeenth and eighteenth centuries. In addition to the parallelisms between the form and the content with this resurgence of Roman serfdom, this paper endeavours to bring out the signs of evolution between the model present in the Ancient world, and its application in Early Modern times.

Rui Manuel de Figueiredo Marcos

Le régime juridique du commerce des actions au Portugal au XVIIIe siècle

C'est par la perspective de l'action en tant que titre que son sens grandit et se définit le mieux, au long des temps. Au Portugal, la négociabilité des actions inter vivos ou mortis causa était consacrée au xviiie siècle. La loi du 21 juin 1766 avertissait que les actions représentaient les sommes en liquide de leurs valeurs respectives, circulant dans le commerce comme de l'argent. Le principe de la libre disposition conjugué à la force libératoire avait incité le mouvement des titres. Mais la loi du 23 février 1771 a nettement interrompu la politique législative suivie jusque là dans le domaine de la circulations des actions. De sorte qu'aux titres est retirée la caractéristique de la liquidité. Ils sont dépourvus de leur pouvoir libératoire légalement établi. On revenait à la pureté du marché.

The legal system of trading in shares in Portugal during the eighteenth century

It is when shares are considered as securities that their meaning can be extended and best defined in an historical context. In Portugal, the negotiability of shares inter vivos or mortis causa was established during the eighteenth century. The statute of 21 June 1766 stated that when traded on the stock market the monetary value of the shares represented the equivalent in cash. Thus the principle of free exchange of shares combined with their use for repaying debts encouraged the trading of shares. However, the law of 23 February 1771 represented a complete U-turn in the legislative policy followed up till then in the area of the stock market. As a result, securities were no longer considered as liquid assets, and could no longer be offered as a legal means to repay one's debt. The stock market was thus re-established in its unadulterated form.

Laurent Reverso

Les réformes du commerce et des corporations en Lombardie au XVIIIe siècle : idées des Lumières et objectifs absolutistes

Dans la Lombardie autrichienne du xviiie, la jeune génération illuministe compte parmi ses nombreuses préoccupations la réforme commerciale. Très influencés par les idées des Lumières, françaises en particulier, les jeunes Lombards — au premier rang desquels Cesare Beccaria et Pietro Verri — ne cessent de prôner la liberté du commerce et l'abolition des entraves traditionnelles. Ainsi, les corporations deviennent-elles leur cible favorite parce qu'elles apparaissent comme les principaux obstacles au bon fonctionnement naturel du commerce. Ils furent aidés dans cette lutte par l'absolutisme habsbourgeois et ses relais milanais — Gian Rinaldo Carli notamment — qui partageaient le même objectif de suppression des corporations, mais pour une raison différente : l'accroissement du pouvoir de l'État et le contrôle de l'économie. Cela aboutit dans les années 1770-1780, à la suppression empirique d'abord, systématique ensuite, des corporations, et à leur remplacement par des chambres de commerce contrôlées par une administration elle-même davantage centralisée. Ainsi, la Lombardie offre un exemple de coopération — fondé sur une ambiguïté — de l'absolutisme et des Lumières contre les anciens corps, pour le plus grand bénéfice de l'État.

Reform of trade and guilds in eighteenth century Lombardy : the ideas of the Enlightenment and absolutist policies

In Austrian Lombardy in the eighteenth century, a new pro-Enlightenment generation counted trade reform amongst its concerns. Having been greatly influenced by ideas (and in particular those coming from France) inspired by the Enlightenment, these young Lombards — chief among whom were Cesare Beccaria and Pietro Verri — ceaselessly advocated the freedom of trade and the abolition of traditional social-economic constraints. Hence, the guilds became their favourite target because they appeared to be the principal obstacles to the good and normal running of trade. In that struggle they were aided and abetted by Hapsburg absolutism and those in Milan — such as Gian Rinaldo Carli — who shared the same goals of abolishing the professional corporations, although for different reasons, viz. strengthening state power and controlling the economy. During the years 1770-1780, this initially brought about a pragmatic suppression of guilds, leading to their complete suppression and replacement by the chambers of commerce, controlled by an even more centralised administration. Thus Lombardy represents an example of collusion — based on an ambiguity — between absolutism and the ideas of the Enlightenment against an ancient institution, ultimately to the State's greater advantage.

Marie-Bernadette Bruguière

Argent, commerce et droit à l'opéra

L'opéra met fréquemment en scène tout ce qui peut toucher à l'argent. Il s'intéresse surtout aux opérations illicites, plus dramatiques. Elles peuvent porter sur des choses qui ne sont pas dans le commerce, le don de faire des miracles, l'âme, le pouvoir, la vie, l'honneur ou la conscience des êtres humains. Elles peuvent aussi être contraires à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, trafic avec des courtisanes, chantage et « marchés infâmes », recrutement d'assassins, usure et prêt à intérêt, jeu, affaires financières louches, rançons, ventes d'esclaves, mariages « par lettre de change », « vente » de fiancée. Mais on trouve aussi des opérations licites : projets d'explorations et de commerce international, grand commerce, riches marchands, petites boutiques, colporteurs, récompenses ; on assiste à des ventes légales, on discute les prix, on suit même dans le détail une vente aux enchères tout à fait régulière : argent, droit et musique peuvent s'associer pour l'agrément du public.

Money, trade and law at the opera

The opera often puts on stage all that might pertain to money. It is specially concerned with all that is illicit and, therefore, more dramatic, and which is not necessarily linked to business dealings — the gift of performing miracles, the soul, power, life, honour and the human conscience. It might concern those things contrary to public order or morality, keeping company with courtesans, blackmail and « heinous bargains », the hiring of assassins, usury and interest bearing loans, gambling, shady financial deals, ransoms, the sale of slaves, marriage (through a bill of exchange) and the « sale » of a bride. However, licit dealings also figure — plans involving exploration and international trade, big business, rich merchants, small shops, peddlers and rewards. One might be present at lawful sales, at a discussion of prices ; and follow in detail an auction that is completely above board : money, law and music can all be brought to together for the pleasure of the audience.

Fernando de Arvizu

Le mariage, question d'argent ? Le cas du quatrième mariage de Ferdinand VII

Depuis les Rois Catholiques (fin du xve siècle), les mariages des princes ou des rois ont été fondés sur des raisons politiques, normalement d'ordre extérieur. Aussi, en épousant des princesses étrangères, les rois se sont-ils dérobés aux influences des grandes familles de l'aristocratie espagnole, tout en évitant, en même temps, d'en vexer la plupart lors du choix en vue un mariage royal ou princier. Lorsqu'il ne s'agit pas du mariage du prince héritier, des membres de la famille royale ou des grands d'Espagne, la pratique d'abord et la législation ensuite ont forcé le futur mari ou épouse à demander la permission du roi. Se marier sans ou contre l'avis de celui-ci entraînait de sérieuses conséquences d'ordre civil et de grande importance sociale. Le roi Ferdinand VII (1784-1833) se maria plusieurs fois, car ses épouses mouraient sans avoir pu laisser d'enfants. Lors de son troisième veuvage (1829), il devait se marier pour la raison susdite, mais cette fois, le choix étant toujours important, il y avait d'autres raisons qui conseillaient une princesse jeune et de la propre famille du roi. Non seulement à cause de la réaction que pourrait produire un retentissant quatrième mariage, mais et surtout, à cause de la pénurie économique dans laquelle l'État se trouvait à cette époque. Le roi s'adresse au Conseil des ministres en quête de son avis dans cette importante affaire. Et le Conseil, d'une façon très diplomatique, l'aiguille vers un choix adéquat, mais qui n'entraînerait pas trop de dépenses. L'argent étant une question importante dans ce quatrième mariage, il est presque passé sous silence aussi bien par le roi que par son Conseil des ministres.

Marriage — a question of money ? The case of the fourth marriage of Ferdinand VII

Since the time of the Catholic Kings (late fifteenth century), the marriages of princes and kings were based on political considerations, normally of an international nature. Thus, by marrying foreign princesses, the kings were able to shy away from the influence of important families of the Spanish aristocracy, and at the same time to avoid offending most of them with their choice for the royal or princely marriage. It was the custom (and later through legislation) for the crown prince, members of the royal family or Spanish nobility to ask the king's permission to marry. To marry without or against the advice of the king could entail serious legal and social consequences. King Ferdinand VII (1784-1833) married several times, since his brides died childless. After having been widowed a third time in 1829, he again found himself in the position of having to remarry. The choice of bride this time round was particularly delicate. Not only had she to be a young princess from the king's family, but public opinion was sensitive to the fact that it was the king's fourth marriage, and, more importantly, that the country was undergoing a period of economic hardship. The king therefore sought the advice of the Council of Ministers who tactfully steered him towards a suitable choice that would not incur great expense. Although money was the chief consideration in this fourth marriage, it is notable that neither the king nor the Council of Ministers ever spoke about it.

Jean Hilaire

Du droit du Code de 1807 au « droit économique »

Le concept de « droit économique » est le dernier avatar des efforts doctrinaux pour couvrir l'élargissement du droit commercial depuis la promulgation du Code de commerce de 1807 qui ne comportait qu'un simple droit d'exception par rapport au droit civil. En réalité la vision qu'avait eue déjà un Domat du droit du commerce à la fin du xviie siècle annonçait une esquisse de droit des affaires ; en 1801 Vital Roux avait publié, dans le même sens et peut-être sous cette influence, des réflexions déjà élaborées pour une codification du droit commercial largement entendu. Bien qu'il ait fait partie de la commission de rédaction ses idées n'ont pas marqué l'esprit du projet ; le Code est même très en retrait de l'évolution contemporaine des usages du commerce et de l'industrie. Or au Conseil d'État, seconde phase de l'élaboration du Code, les « civilistes » en majorité attachés à la stricte conception d'un droit d'exception et défenseurs de la propriété, en fait de la propriété terrienne, ont pesé sur les ultimes discussions par une suspicion constante à l'égard du monde des affaires.

From the law of the Code of 1807 to « economic law »

The concept of « economic law » reflect the latest efforts in legal doctrine towards encompassing the ever widening scope of commercial law since the Code of commerce of 1807, which, initially, was simply viewed as a set of exceptional rules with respect to the common civil law. Arguably, Domat's concept of commercial law at the beginning of the seventeenth century anticipated in his time the notion of business law. In 1801, Vital Roux, perhaps inspired by Domat's writings, published in the same vein the ideas he had worked out for a codification of commercial law in a wider sense. Although he was a member of the drafting commission, he was unable to press his ideas on the fundamental outline of the project. The Code lagged far behind contemporary developments in the practices of trade and industry. In the Council of State, during the following stage of the Code's drafting, the final discussions were heavily skewed by the representatives of the droit civil, who mostly favoured a restrictive approach to the concept of commercial law as a exceptional legal regime, and whose major concerns were the protection of (mainly, real) property interests, conveying their unrelenting distrust of the world of business.

Laura Moscati

Au-delà du Code de commerce : quelques réflexions sur l'apport de Jean-Marie Pardessus

Les Consultations imprimées et manuscrites de Pardessus, premier professeur de Code de commerce à l'École de droit de Paris, conservées à la Bibliothèque de la Cour de cassation, offrent des éléments nouveaux sur l'évolution du Code de commerce et sur la personnalité d'un juriste qui s'impose dans la doctrine commerciale française entre Delvincourt et Thaller. Bien qu'adhérant à la culture dominante de son pays et fervent partisan du droit codifié, Pardessus nourrit une forte tendance à la conceptualisation résultant de ses rapports avec la science juridique allemande. Son principal mérite est d'avoir présenté un renouveau systématique du code, bien conscient de ses limites par rapport au Code Napoléon. Pardessus, en effet, aboutit à construire et à affiner une matière brute où il emprunte souvent des catégories au droit civil, mais toujours en tenant compte de l'aspect économico-social et de la dimension croissante, pressante et autonome de la matière. Son objectif constant consiste dans l'amélioration de la législation du droit commercial, fondée sur une tradition ancienne et bien établie, qui doit être prise en considération et confrontée aux exigences économiques et sociales et aux mutations que les vicissitudes révolutionnaires et les exigences du marché imposaient.

Beyond the Code de commerce : some considerations on the contribution of Jean-Marie Pardessus

The hand-written and printed versions of the Consultations by Pardessus, the first to be professor of the Code de commerce chaire at the law school in Paris, are now kept at the library of the Cour de cassation. They offer new insights into the development of the Code de commerce and the personality of a lawyer outstanding between Delvincourt and Thaller in French commercial legal science. Although a supporter of the prevailing dominance of French culture and a fervent advocate of codified law, Pardessus fostered a strong tendency towards conceptualisation which sprang from his contacts with German legal theory. His main merit lays in the presentation of a renouved systematic working of the Code whilst being aware of its limitations when compared to the Napoleonic Code. Pardessus succeeded in putting together and clarifying a hitherto untreated subject with categories, often borrowed from civil law, but at the same time paying attention to the socio-economic aspect and the growing, pressing and autonomous nature of the subject-matter. His steadfast purpose was to improve and normalise commercial law, based on an old and well established tradition, which had to be taken into consideration even though it was confronted with economic and social demands as well as with changes imposed by the revolutionary vicissitudes and by the market.

Justo García Sánchez et Beatriz García Fueyo

Quelques observations sur l'article L. 521.3, § 1 et 4, du Code de commerce. Aspects historiques et comparatifs

L'objet de la présente communication est de présenter l'une des lignes de recherche suivie à l'université d'Oviedo durant le siècle dernier, et à laquelle le professeur Altamira apporte une contribution autorisée en retraçant l'évolution des institutions au fil des siècles, tout en mettant en évidence la profonde méconnaissance qui existe encore aujourd'hui en la matière. L'institution étudiée en l'occurrence est celle du pignus, qui n'était pas spécifiquement régulé par le Code napoléonien de 1807 mais qui est introduit dans la législation commerciale française codifiée dans le courant de la seconde moitié du xixe siècle. La législation espagnole imite la française et le Code de commerce ne régule pas non plus cette même figure juridique ; la réglementation applicable est donc reprise dans les Codes civils français de 1804 et espagnol de 1889. L'empreinte de la tradition romaniste dans le régime appliqué au pignus ne peut pas être mise en doute et ce, notamment, dans deux contextes : le ius vendendi inhérent au profit du créancier non honoré, et la prohibition du pacte commissoire qui est imposé en occident à partir de Constantin. Par ailleurs, la présente communication est suivie de documents notariés espagnols de l'époque moderne qui proviennent des archives historiques provinciales de la principauté des Asturies et antérieurs à la codification française ; l'application effective de cette réglementation dans la pratique commerciale de la période pré-codificateur y est parfaitement illustrée.

A brief historical and comparative outline on article L. 521.3, § 1 & 4, from the Code de commerce

The aim of this paper is to present one of the avenues of research followed at the University of Oviedo during the last century ; and to which Professor Altamira's work has decisively contributed by retracing the development of institutions down the centuries while conclusively showing how even today this subject remains little known. In this case the institution under examination is the pignus which was not specifically regulated by the 1807 Napoleonic Code, but was introduced into French commercial legislation that was codified during the second half of the nineteenth century. As in French legislation, the Spanish commercial Code did not regulate this legal institution. The regulations implemented were thus taken from the 1804 French civil Code and from the 1889 Spanish civil Code. There can be no doubt that the Romanist tradition has left a twofold mark on the regulations applied to the pignus : the ius vendendi inherent to the profit of the unpaid creditor, and the ban of a condition based on the lex commissoria, which was imposed in the West from the time of Constantine onwards. In addition, Spanish notary deeds from the Early Modern period, predating the French codification, and which come from the provincial historical archives of the Principality of Asturias are attached to the present paper. In those deeds, the effective implementation of these regulations in commercial practices of the pre-codification period is fully illustrated.

Attila Pókecz Kovács

Le Code de commerce en Hongrie au XIXe siècle

L'influence du Code de commerce de 1807 a été directe et indirecte sur la législation commerciale européenne au xixe siècle. Au cours des guerres napoléoniennes, celui-ci est entré en vigueur dans plusieurs pays, mais après la chute de Ier Empire, il n'était plus appliqué. L'influence indirecte s'est présentée au début de la première moitié du xixe siècle dans les lois commerciales, très souvent elles ont recopié mot à mot les institutions commerciales françaises. Parmi les codes les plus importants se trouvent le Code de commerce espagnol de 1829, le Code portugais de 1833 et le Code hollandais de 1838. Dans les États allemands, le projet de Code de commerce de Wurtemberg de 1839 cite, dans son préambule, le Code de commerce français comme modèle. Le Parlement hongrois a adopté plusieurs lois commerciales en 1840, qui peuvent être considérées ensemble comme un véritable code : la loi nº 15 sur la lettre de change et sur l'organisation des tribunaux de commerce, la loi nº 16 sur les commerçants, la loi nº 17 sur les fabriques, la loi nº 18 sur les sociétés commerciales, la loi nº 19 sur l'organisation commerciale et sur les courtiers, la loi nº 20 sur les voituriers et la loi nº 22 sur la faillite. Après l'analyse des circonstances économiques et politiques de la Hongrie de l'époque, la première partie de l'étude se demande pourquoi seules de simples lois commerciales ont été réalisées et non pas un code ; la deuxième partie de l'étude présente l'influence du Code de commerce français de 1807 sur la législation commerciale hongroise, qui se manifeste surtout dans la réglementation du statut des commerçants et des courtiers, ainsi que dans le domaine des sociétés commerciales et la faillite. Le Code de commerce a été repris par les lois commerciales hongroises, d'une part directement de la pratique des villes portuaires de la Côte Adriatique qui a été sous l'autorité française, d'autre part indirectement par l'intermédiaire de projet de Wurtemberg.

The Code de commerce in Hungary in the 19th Century

The Code de commerce took effect on the commercial legislation of Europe both in direct and indirect ways in the 19th century. As a result of Napoleonic conquests, the French code came into force in several countries, but after the Empire's downfall their application ended. The indirect effect appeared in the commercial codes of the early 19th century, which had taken over certain legal institutions almost word by word from the French commercial code. The most significant of these were the Spanish Code of 1829, the Portuguese Code of 1833 and the Dutch Code of 1838. From the German states, Württemberg's bill of commercial Code explicitly refers in its preamble to the Code de commerce as its model. Several bills of commercial subject passed in the Hungarian Parliament in 1840, which can considered all together as one commercial code. These acts were the following : Act nº 15 on the bill and commercial courts of justice, Act nº 16 on the legal status of traders, Act nº 17 on the factories, Act nº 18 on the commercial companies, Act nº 19 on the brokers, Act nº 20 on the carriers, Act nº 22 on the bankruptcy proceedings. Firstly, in connection with the analysis of economic and political conditions of the age, the treatise tries to answer the question why a uniform Hungarian commercial Code was not born. In its second part, the treatise describes the effects taken on Hungarian commercial legislation by the French commercial Code of 1807, which are primarily noticeable in the subject of brokers', consignees', commercial companies' and the bill's regulation as well as on the regulation of traders' legal status. The Code de commerce was taken over into the Hungarian commercial acts of 1840 on the one hand directly through practice of the Adriatic Sea's port-towns, on the other hand indirectly through the bill of Württemberg.

Georges Martyn

Le débat à propos des tribunaux de commerce en Belgique depuis 1807

Bien qu'il ait eu des juridictions de type consulaire parmi les institutions corporatives des villes de l'Ancien Régime, les tribunaux de commerce belges sont aujourd'hui avant tout les héritiers des tribunaux français, institutionnalisés par l'édit de 1563 et qui ont survécu à la Révolution française. C'est en effet trois ans après annexion des « Neuf Départements Réunis » (aujourd'hui la Belgique) à la France, que les premiers juges consulaires ont été élus (1798). Dans les provinces septentrionales (aujourd'hui les Pays-Bas) aussi, ces tribunaux ont été introduits pendant l'occupation française (1810). Au nord toutefois, ils n'ont jamais pris racine et ils ont été abolis en 1838. Pendant la courte période d'existence du Royaume Uni des Pays-Bas (1815-1830), rien n'a été changé au système français. Les nouveaux codes qu'avait prévus la Constitution de 1815 ne sont jamais entrés en vigueur. Aussi après l'indépendance belge (1830), la nouvelle législation sur l'organisation judiciaire (1832) ne change que très peu de choses. Quelques nouveaux sièges de tribunaux de commerce ont été créés et le système électoral des juges consulaires a été adopté. Mais l'évolution la plus remarquable est celle de la « colonisation » par les juristes. Dès le début, le greffier du tribunal de commerce était presque partout un diplômé en droit. À partir de 1910, il porte le nom de « référendaire » et le nouveau Code judiciaire, entré en vigueur en 1970, le mettra au siège de président, flanqué de deux juges consulaires. C'est à ce même moment que l'institution de juridiction commerciale est généralisée, obtenant un siège dans chaque arrondissement. Pourtant, les critiqueurs de cette juridiction d'exception n'ont, pendant ce temps, jamais cessé de la désapprouver...

The debate about commercial courts in Belgium since 1807

Although under the Ancien Régime there were consular-like jurisdictions among the towns' corporative institutions, Belgian commercial courts today are directly descended from the French courts which were set up under the edict of 1563 and which withstood the French Revolution. It was in 1798, three years after France's annexation of the « Neuf Départements Réunis » (present-day Belgium), that the first consular judges were elected. In 1810, under the French occupation, these courts were introduced into the Northern Provinces (the Netherlands today) but never really took root, and were abolished in 1838. During the short time that the United Kingdom of the Netherlands existed (1815-1830) nothing pertaining to the French system was changed. The new codes signalled in the Constitution of 1815 never came into effect. Also after Belgian independence (1830), the new legislation on the organisation of the judiciary (1832) brought little change. Some new commercial courts were created and the electoral system of consular judges was adopted. However, the most noteworthy development was that of the « colonisation » by lawyers. From the outset, most clerks of the commercial courts had a law degree ; and from 1910 onwards they were known as « référendaires ». When the new judicial Code came into force in 1970, the clerk was assigned the seat of president, flanked by two consular judges. At that same time the institution of commercial courts was expanded so that each district had its own court. However, this particular jurisdiction has never ceased to attract criticism...

Rosalía Rodríguez López

Le rôle du « contrat à la grosse » dans le cadre des affaires. Une réflexion historico-juridique

L'organisation de ce congrès qui commémore le bicentenaire du Code de commerce français, m'a amenée à étudier une des institutions juridiques régulée par celui-ci et qui est amplement justifié dans son Exposé de motifs, d'où la réalisation de cet exposé historique sur le développement du prêt « à la grosse », de son origine gréco-romaine jusqu'à aujourd'hui, dans le droit français. Les risques du commerce maritime dans l'Antiquité conduisent les commerçants à apprécier cette figure juridique largement utilisée. Déjà, au Moyen Âge, l'interdiction ecclésiastique du prêt à intérêt modifie la trajectoire de cette institution, qui doit se masquer dans d'autres opérations commerciales. Ainsi beaucoup de formes de société, comme la fraterna, la colonna ou la commenda, et plus tard l'assurance, surgissent dans le trafic commercial et elles font concurrence au prêt maritime pour la maîtrise des marchés financiers. Les routes commerciales expérimentent des modifications de la mer Méditerranée aux Pays-Bas, dès le xvie siècle avec la course aux Indes (Carrera de Indias). On passe alors nettement d'un petit commerce d'association à un grand commerce de type capitaliste, mais encore assez limité. Dans la structure de l'activité financière du commerce avec le continent américain, la fonction de prêt est généralement liée à l'assurance. Par la nécessité d'éluder le monopole imposé par les États, le groupe de commerçants étrangers dénature le prêt maritime en le déguisant en achat ou en prêt fictif. En outre, les plus anciennes polices d'assurance connues remontent aux premières années du xve siècle, mais l'assurance y était déjà pratiquée dès la seconde moitié du siècle précédent. Puis on établit l'ordonnance de Barcelone et rapidement à Rouen, les « Guidons des marchands de la mer ». Cette codification sera perfectionnée au xviie siècle, notamment par l'ordonnance de Colbert (1681). Dans cette ligne évolutive, le prêt maritime arrive de façon testimoniale à nos textes législatifs.

Some historical-legal considerations on the role of the « contrat à la grosse » in a business context

The organisation of this conference commemorating the bicentenary of the French Code de commerce has been an opportunity to study the development of the loan « à la grosse » (litt. for major and high-risk ventures), from its inception in Greco-Roman times to the present day, and as a legal institution in French law that has been regulated by the code and amply covered in its Exposé de motifs. In Antiquity, risks in maritime trade led tradesmen to value this widely used legal device. During the Middle Ages, the ban by the Church on interest bearing loans affected the evolution of this institution, forcing it to conceal itself behind other types of business transactions. Thus many sorts of business organisations, such as the fraterna, the colonna or the commenda and later on insurance companies, sprang up in commercial trade, competing against each other for the maritime loan in order to control the financial markets. Various trade routes were tried out from the Mediterranean to the Low Countries, and from the sixteenth century onwards in the race to the West Indies (Carrera de Indias). There was a distinct change from the small trading company to the large capitalist company, though as yet still limited. As regards financial dealings with the American continent, the function of the loan was usually linked to insurance. To circumvent the monopoly set in place by the States, the group of foreign tradesmen changed the nature of the maritime loan by disguising it as a purchase or a fictitious loan. So, although the oldest insurance policies date back to the first years of the fifteenth century, insurance was already being sold during the latter half of the fourteenth century. Thus were passed the ordinances of Barcelona and Rouen (« Guidons des marchands de la mer »). In the seventeenth century this codification was to be improved, notably by the ordinance of Colbert (1681). In its ever-changing movement forward, the maritime loan has left its trace in statutory texts.

Jean-Philippe Agresti

La découverte d'« un vaccin contre le hasard » : le contrat d'assurance sur la vie au XIXe siècle

Le contrat d'assurance sur la vie, longtemps confondu avec les tontines et autres gageures sur la vie humaine, s'est difficilement imposé au xixe siècle. D'une part, il devait dépasser une prohibition inscrite dans l'ordonnance de la marine de 1681 et rappelée avec force par les rédacteurs du Code civil et du Code de commerce. D'autre part, même après la reconnaissance de sa validité par un avis du Conseil d'État de 1818, l'assurance-vie a eu du mal à rencontrer le succès car ses effets juridiques pour le souscripteur et pour le bénéficiaire étaient incertains. La jurisprudence, sous l'influence régulatrice de la Cour de cassation, a donc œuvré pour établir des conséquences juridiques conformes à la volonté des parties au contrat. En l'absence d'intervention du législateur sur le fond jusqu'en 1930, la jurisprudence par petites avancées, soutenue par la doctrine, a fourni au contrat tous les moyens utiles à son développement au point d'en faire un contrat de prévoyance permettant au bon père de famille de se « vacciner contre le hasard ». Le succès actuel du contrat, outil à part entière de gestion patrimoniale, est largement redevable à cette œuvre de consolidation et de diffusion qui a parcouru tout le xixe siècle.

The discovery of « a vaccine against risk » : the life insurance contract in the nineteenth century

The life insurance contract, for a long time confused with tontines and other forms of speculation on human life, was established only with great difficulty in the nineteenth century. On one hand it had to overcome a ban included in the Navy Ordinance of 1681 and reiterated forcefully by those who drafted the Code civil and the Code de commerce. On the other hand, even after its validity had been recognised by an opinion of the Conseil d'État in 1818, the success of life insurance remained elusive, since the legal effects for the underwriter and the beneficiary remained uncertain. Case law, under the regulatory influence of the Cour de cassation, strove to give rise to legal consequences acceptable to all parties of the contract. Since the lawmaker did not intervene on the substance until 1930, it was case law, upheld by doctrine, which step by step endowed the contract with all the means that facilitated its evolution into a contract that provided for the future, allowing the standard reasonable man (known ikn French law as the bon père de famille) to « vaccinate himself against risk ». The actual success of the contract, a fully-fledged tool in inheritance planning, owes much to the way it was gradually strengthened and applied on a wider scale throughout the nineteenth century.

Olivier Tholozan

Un droit français des professions d'affaires : l'exemple de la jurisprudence sur les agents d'affaires

Cette communication voudrait montrer que le monde des affaires est moins homogène qu'il n'y paraît. Il est composé notamment d'un monde d'intermédiaires, tel l'agent d'affaires, encadré par un véritable droit professionnel remplissant deux fonctions type : identification et régulation d'une profession. L'exemple de la jurisprudence de l'agent d'affaires conduit à renouveler notre approche du droit du travail trop focalisée sur le travail juridiquement subordonné. L'histoire permet ainsi d'éclairer l'appréhension du travailleur par l'actuel droit communautaire.

The French law for business professionals, as illustrated through the case law with regard to business agents

This aim of this paper is to show that the business world is less homogenous than it might first seem. It is made up of a host of intermediaries, such as the business agent, regulated by a comprehensive set of laws fulfilling two standard functions : the identification and regulation of the profession. The case law regarding business agents leads us to renew our approach towards labour law which has placed too great an emphasis on a relationship of employment implying a degree of subordination. History thus allows us to shed some light on the concept and status of workers in general in the light of present-day Community law.

Sigrid Choffée-Harouel

La Seconde République et les faillites. Droit commercial et combat politique

La situation économique désastreuse de la France au lendemain de la Révolution de 1848 pose avec acuité le problème de l'inadaptation du droit de la faillite, tel qu'il résulte du Code de commerce de 1807, modifié par la loi du 23 mai 1838. Dès la fin de la monarchie de Juillet, les commerçants en péril de faillite ont pris le parti des républicains, dont ils espèrent un adoucissement du régime de la faillite. Il est donc difficile à la Seconde République de ne pas le leur accorder, ce que fait l'Assemblée constituante par le décret du 22 août 1848. Cependant, ce texte n'est pas voté sans difficulté. Ses travaux préparatoires donnent lieu à une grande bataille entre défenseurs de l'orthodoxie du droit commercial et partisans d'une plus grande bienveillance envers les commerçants en difficulté. Les premiers invoquent la nécessité de maintenir une moralité rigoureuse de la vie commerciale ; les seconds affirment que la réforme qu'ils prônent relancera l'économie et sera favorable à l'emploi. Mais, derrière ces arguments, se dissimule un fort antagonisme politique entre d'une part les républicains, depuis les socialistes jusqu'aux modérés, et d'autre part un courant conservateur en plein développement dans l'assemblée, lequel sera bientôt appelé le parti de l'ordre. Le triomphe de celui-ci lors des élections à l'Assemblée législative, en mai 1849, entraînera l'abrogation du texte d'inspiration républicaine qu'était le décret du 22 août.

Bankruptcy and the Second Republic. Commercial law and political struggle

The disastrous economic situation in France shortly after the Revolution of 1848 put in sharp relief the shortcomings of the law on bankruptcy dating from the 1807 Code de commerce and reformed by the Act of 23 May 1838. At the ending of the July Monarchy, tradesmen, on the verge of bankruptcy, sided with the Republicans, who, they hoped, would attenuate bankruptcy regulations. Thus the Second Republic found itself in the awkward position of having to meet those demands, and the Constituent Assembly duly passed the decree of 22 August 1848. However, this piece of legislation did not have an easy passage. The travaux préparatoires gave rise to a major struggle between those defending orthodox policies in commercial law (and the necessity of maintaining rigorous moral standards in business) and those in favour of a more lenient attitude towards tradesmen in difficulty (with the objective of putting the economy back on its feet and creating employment). These arguments concealed strong political differences between the Republicans (drawn from the socialists and those holding a more moderate position) and a blossoming conservative trend in the Assembly, which was soon to be identified as the party standing for law and order. It was this party that was to triumph in the general election of May 1849 ; which resulted in the repeal of the Republican inspired decree of 22 August.

Christophe de la Mardière

L'impôt sur le revenu des valeurs mobilières en France (1872)

Face au développement de la richesse mobilière, dans la seconde moitié du xixe siècle, une série d'impositions s'attaquèrent au capitalisme. La plus notable d'entre elles, l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières (IRVM), atteignait les distributions de bénéfices opérées par les sociétés. Issu d'un projet avorté d'impôt sur le revenu, ce prélèvement avait, à l'époque, la vertu de respecter l'anonymat du contribuable. Bien au-delà du revenu, il frappait tout avantage que le capitaliste tirait de sa situation, taxant ainsi tant le capital que les fruits issus de celui-ci. Doté d'une forte idéologie, l'IRVM avait notamment pour finalité d'établir une égalité dans la taxation de la richesse foncière et de la fortune mobilière. S'il a été présenté comme le précurseur de l'impôt sur le revenu, il appartenait en réalité bien davantage au xixe qu'au xxe siècle. Certes il s'agissait d'une imposition réelle, au sens de réaliste, comme d'un impôt de quotité, mais il était proportionnel et non progressif, perçu par la régie de l'enregistrement et non celles des contributions directes. Au plan budgétaire, son rendement fut important, bien qu'il n'atteignait pas les rentes sur l'État. Par ce moyen, la puissance publique ménageait son propre crédit. Par ailleurs l'IRVM fut utilisé pour appauvrir les congrégations religieuses. Fondé sur des considérations politiques, et surtout des besoins budgétaires, ce prélèvement était loin de présenter tous les avantages d'une imposition générale sur le revenu.

Tax on revenue from stocks and shares in France (1872)

Faced with the growth of personal wealth in the latter half of the nineteenth century, a series of taxes was levied on capitalism, the most noteworthy of these being the tax on the revenue from stock and shares which affected the paying out of dividends on company profits. Arising from an unsuccessful bill on income tax, the merit of this tax was that the taxpayer remained anonymous. Thus by going beyond the revenue, it struck at any advantage that the capitalist might draw from his (financial) situation, taxing both the capital and any profit made from it. Being highly ideological, this tax on the revenue from stocks and shares had as its end goal the same taxation on wealth derived from real estate and personal property. Even if this tax has been presented as the forerunner to income tax, in reality it was more a tax belonging to the nineteenth century than the twentieth century. Although it could be considered as a « real » (in the sense of : realistic) tax, which qualified as a quota tax, it was proportional and not progressive, and was collected by the régie de l'enregistrement (an official body recording property) and not by the direct taxation department (i.e. the Revenue administration). Budget-wise, it yielded a very good return, although it did not reach the same level as government funds. By these means, the public authorities were able to organise their finances. The tax on the income from stocks and shares was also used to impoverish the religious congregations. Based on political considerations, and above all on budgetary requirements, the strengths of this tax fell far short of a general income tax.

Édouard Richard

Les « incivilités » des affaires : le droit des exploitations minières, avatar de la commercialisation du droit (XIXe-XXe siècles)

En matière d'obligations le droit civil a toujours spolié le droit commercial. Ingrat, il annexa les contrats consensuels régis par le Code Napoléon. Le droit commercial devait se contenter d'un hochet : son statut de droit dérogatoire. Loin d'être attentiste, il ourdit sa vengeance, harcèle et place vite le droit civil dans une situation intenable, lui opposant une logique imparable d'essor économique. Il va même affronter son adversaire sur son terrain de prédilection : la nature des choses. Le géant civiliste finit par s'effondrer lorsque les fondements de son combat révèlent leur inconsistance. Le cheval de Troie est ici la législation minière. Faut-il se réjouir de la victoire du commercial car, derrière lui c'est le droit français qui tremble sur ses bases ?

A lack of manners in business : the law concerning mining and how commercial law was bungled in the nineteenth and twentieth centuries

In the area of the law of obligations, civil law has always made ahabit of looting commercial law — a case in point being the annexation of consensual contracts governed by the Code Napoléon. As a consolation prize, commercial law was accorded the status of exceptional law. However, from early on, those supporting commercial law interests did all in their power to wreak revenge on their civil law counterparts ; and with the unassailable logic of rapid economic growth on their side, quickly put those civil law interests in an untenable position. The Trojan horse that was to reveal the inherent weakness of its rationale referring to « the nature of things » and to bring about the downfall of the prevailing civil law principles was legislation on mining. However, was this victory for commercial law a cause for rejoicing, for it was the cornerstone of French law that had been defeated ?

Philippe Roussel Galle

La sémantique au secours du législateur. L'exemple du livre VI du Code de commerce : du Code de commerce au « code des entreprises en difficulté » en passant par le « code des procédures collectives »

Depuis 1807, tout comme le Code de commerce, le droit des faillites a subi d'importantes mutations pour devenir un droit économique moderne, ces mutations profondes s'étant accompagnées d'un changement de vocabulaire parfois plus ou moins heureux. On est ainsi passé du droit des faillites au droit des entreprises en difficulté. L'objectif premier n'est plus de sanctionner le débiteur, ni même de payer les créanciers, mais de maintenir l'activité de l'entreprise, sa défaillance entraînant des effets économiques et sociaux jugés de plus en plus regrettables voire insupportables. Pour parvenir à sauver plus d'entreprises en difficulté, car c'est bien de cela qu'il s'agit, encore faut-il que les chefs d'entreprises disposent d'instruments juridiques adaptés et performants et qu'ils acceptent d'y recourir. En effet, l'efficacité de ces instruments supposent qu'ils soient utilisés suffisamment tôt, c'est-à-dire avant que les difficultés ne soient trop graves et même avant cessation des paiements, c'est-à-dire lorsque l'entreprise est encore in bonis. Une telle approche commande une évolution des mentalités que le législateur peut seulement accompagner mais certainement pas imposer. Dès lors, il doit en quelque sorte communiquer sur ces nouveaux instruments en adoptant un langage traduisant cette évolution souhaitée et, en ce sens, la sémantique présente en ce domaine peut-être plus encore que dans d'autres, une importance indéniable.

Semantics to the rescue of the lawmaker. An example taken from Book VI of the Code de commerce : from the commercial Code to the « code for struggling businesses » via the « code of collective procedures »

The modernisation of the law concerning bankruptcy has, since 1807, entailed (like the commercial Code) some major shifts which have been accompanied by a sometimes less than satisfactory change in terminology. Thus the focus of the law has changed from dealing with bankruptcy to dealing with businses experiencing difficulties. The law's principal aim is no longer to sanction the debtor or ensure that creditors are paid off, but to keep the company in business as its failure would bring about undesired, if not intolerable, social and economic consequences. To achieve this objective all those at the head of a company should have at their disposal appropriate and effective legal means which they can have recourse to. However, it presupposes that these means be employed sufficiently early before the problems become overwhelming or payments cease — that is to say when the company is still in bonis. Such an approach has demanded a change in mentality that the lawmaker can only accompany, but not impose. Consequently, in order to make known these new measures, the lawmaker has had to adopt a style that explains such a change in direction ; and in that sense in this domain semantics have an undeniable importance.

Pascal Pichonnaz

Le manque d'argent et ses conséquences à travers l'histoire. Éléments choisis

Cette contribution examine les conséquences du manque d'argent. Un texte de Vénuleius, rapporté dans le Digeste de Justinien, pose le principe selon lequel le débiteur reste tenu de ses dettes d'argent même s'il n'a ni argent chez lui, ni débiteur, ni personne à qui emprunter de l'argent. Il s'agit d'une difficulté d'exécution qui n'équivaut pas à un obstacle qui suspendrait l'exigibilité de la créance. Trois tempéraments ont cependant été apportés à ce principe à travers l'histoire. Premièrement, en extrapolant un texte de Celse, la Glose affirme que le cas fortuit excuse celui qui n'obtempère pas à la sentence de l'arbitre et au jugement du juge. Cette interprétation fait apparaître une tension entre, d'une part, le principe selon lequel une dette d'argent porte sur une chose de genre, ce qui exclut par nature la possibilité de se libérer pour impossibilité (genera non pereunt) et, d'autre part, des considérations d'humanité, selon lesquelles un débiteur qui n'est pas responsable de son insolvabilité ne devrait pas pouvoir être poursuivi. Deuxièmement, partant également de considérations d'humanité, les canonistes, en particulier saint Thomas d'Aquin, considèrent que la question primordiale est celle de savoir s'il est juste et humain d'imposer l'exécution de la dette d'argent considérée. Le promettant n'est ainsi pas tenu de manière illimitée, mais uniquement pour ce qu'il peut payer. Le troisième tempérament est apporté par la clausula rebus sic stantibus, clause implicite au contrat en vertu de laquelle le débiteur ne s'engage que pour autant que les circonstances ne changent pas. En droit moderne, le principe genera non pereunt vaut pleinement dans la plupart des ordres juridiques. Il est cependant limité par des institutions du droit procédural, telles que la procédure de rétablissement personnel du droit français ou la Restschuldbefreiung du droit allemand.

The lack of money and its consequences throughout history. Some examples

This paper analyses the consequences of the debtor's lack of money. According to a text by Venuleius, to be found in the Justinian's Digest, the debtor remains liable for monetary debts even if he has no money himself, no debtor or any potential lender, because he faces only a difficulty in fulfilment and not an impediment which would suspend the payment of the debt due. However, this principle has three limits. Firstly, extrapolating from a text by Celsus, the Glose states that the act of God (vis maior) excuses the debtor who does not obey an arbitral sentence or a judge's decision. This interpretation implies a conflict between two elements : on the one hand, the principle that a debt of money constitutes a generic thing, which excludes being freed from the debt due to frustration (genera non pereunt) ; on the other hand, certain humane considerations, according to which a debtor who is not responsible for his insolvency should not be taken to court. Secondly, also for humane reasons, canonists, especially Saint Thomas Aquinas, consider that the fundamental question is to determine whether it is fair and humane to impose the fulfilment of the debt. Thus, the debtor does not have unlimited liability, but he is only liable for what he can actually pay. The third limit refers to the clausula rebus sic stantibus, an implied term or condition in a contract, which states that the debtor must fulfil his obligation as long as the circumstances do not change. In modern law, the principle genera non pereunt applies. However, it is limited by procedural institutions, notably the French procédure de rétablissement personnel and the German Restschuldbefreiung.

Valérie Pironon

Le prix dans la vente internationale de marchandises

La question de la détermination du prix dans le contrat de vente fait l'objet d'une controverse ancienne. Si le droit français reste attaché à l'exigence d'un prix déterminé ou objectivement déterminable lors de la formation de la vente, cette position est aujourd'hui minoritaire en droit comparé. La convention de Vienne du 11 avril 1980 portant droit uniforme de la vente internationale de marchandises n'a pas résolu la difficulté. Il n'en demeure pas moins qu'en fait, de nombreuses ventes internationales de marchandises sont conclues sans prix déterminé ou objectivement déterminable sans que leur efficacité soit menacée. Cet éclairage du droit positif sur une question qui traverse l'histoire du droit traduit le recul du rôle du prix comme élément de validité du contrat de vente mais aussi comme élément nécessaire à sa qualification.

Prices in the international sale of goods

The question of how the price is determined in a sales contract is a long-standing controversy. If French law remains attached to the requirement of a price that is fixed or which can be objectively determined when a sale is being drawn up, a comparative law perspective shows that this is a position being increasingly sidelined elsewhere. The Vienna Convention of 11 April 1980 on a law promoting the uniform international sales of goods has not resolved the problem. It remains a fact that numerous international sales of goods are concluded without a specific or objectively determined price, without any threat to their effectiveness. The understanding of substantive law on this issue (which has been historically a recurrent theme in law) expresses the decline of the role played by price not only as an element of validity in the sales contract, but also as a necessary element for been recognised as a contract of sale.

Éric Loquin

Les règles informelles du droit commercial international du début du XXIe siècle

Une codification nationale peut-elle encore prétendre réguler des activités commerciales s'exerçant dans un espace mondialisé ? Le droit commercial du xxie siècle est largement transnationalisé et est appréhendé par des phénomènes informels normatifs extérieurs à l'activité normative des États. Compte tenu de l'impuissance des États devant l'émergence de marchés transnationaux, ces derniers s'autorégulent à travers des normes contractualisées par les opérateurs du commerce international, (pratiques contractuelles, règles modélisées), ou reconnues comme des usages du commerce par les autorités du commerce international. Les sources informelles du droit du commerce international influencent également indirectement le droit des États, qui en assimile le contenu ou qui délèguent à ces sources la régulation des marchés. Ainsi se forme par des processus inédits un droit transnational du commerce international, acculturé, qui traverse les ordres juridiques étatiques dont on peut craindre qu'il prenne plus en compte l'intérêt des marchés que l'intérêt général.

Informal rules in international trade law in the early twenty-first century

Can a national codification still claim to regulate trade in a global economy ? The commercial law of the twenty-first century is, to large extent, trans-national in nature and governed by normative phenomena that do not follow established procedures, and are outside the competence of any one State. As States have shown themselves impotent before the emergence of trans-national markets, a form of self-regulation of the international marketplace has arisen either through standards formulated in contracts by those operating in international trade (contractual practices, modelised rules), or through standards recognised as common trade practices by international trade authorities. The body of rules that has resulted from this self-regulation has therefore indirectly influenced the national legislation of States either by its incorporation into state legislation or by state delegation of regulation of the market to those unofficial authorities. As a result, it is through this novel process that a culturally integrated, trans-national law of trade is being shaped. However, there are concerns that the interests at stake are those of the market, at the expense of society's common welfare.