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Tome 63 (2006) : résumés des articles

G. David

Les chartes de franchises du comté de Bourgogne aux XIIIe, XIVe et XVe siècles (suite).

En complément d'un article publié dans le volume 61 des MSHDB en 2004, sur les chartes de franchises du comté de Bourgogne aux xiiie, xive et xve siècles, trois thèmes sont ici développés : les différences de statut des sujets vivant au sein d'une même seigneurie, un essai de typologie des chartes de franchises accordées au cours de cette période, et la contrepartie quelquefois exigée par les seigneurs à la concession de nouvelles « libertés ». Dans ce dernier point, quatre formes de compensation sont exprimées dans les textes : de nouvelles taxes imposées aux sujets, le versement d'une somme d'argent, de nouvelles redevances ajoutées à une somme d'argent, et enfin quelques autres moins courantes relevées dans certaines chartes. Pour une éventuelle recherche de localisation des villes ou villages cités, des dates d'octroi des franchises et des noms des seigneurs concédants, il est présenté un tableau récapitulatif des communes qui apparaissent dans cet article.

Franchise charters in the county of Burgundy in the thirteenth, fourteenth and fifteenth centuries.

This article contains additional information concerning an article published in volume 61 of MSHDB (2004) on franchise charters in the county of Burgundy in the thirteenth, fourteenth and fifteenth centuries. Three topics will be discussed: the differences in status of the subjects living within the same lordship, an attempt to categorize the different types of franchise charters granted during this period, and what the lords sometimes demanded in return for these new "liberties." Concerning the last point, four forms of compensation are expressed in the texts: new taxes levied on the subjects, the payment of a sum of money, new fees added to a sum of money, and finally a few less common ones discovered in some charters. So as to permit possible research on the cities or villages mentioned, the dates on which the franchises were granted and the names of the lords granting them, there is a table summarizing the towns and cities appearing in the article.

N. Brocard

Le comté de Bourgogne dans la tourmente entre 1248 et 1273.

Les enjeux complexes de la politique européenne ne sont pas sans répercussions dans les principautés et l'histoire du comté de Bourgogne ne se comprend que dans le cadre des grandes ruptures de l'histoire du xiiie siècle. Les années 1248-1273 sont sur ce point cruciales : elle y voient s'effacer la dynastie des Méranie après l'assassinat du comte palatin Otton III († 1248) et s'affirmer avec force Jean de Chalon († 1267). Ce dernier, très influent en Terre de Vaud, détenteur depuis 1237 sur la route du col de Jougne du château des Clées, s'accorde avec Pierre de Savoie, obtenant de lui une alliance de poids dans la guerre de succession qui ravage le comté de Bourgogne et l'oppose à son fils Hugues et à sa belle-fille Alix de Méranie, sœur du défunt comte. Dans ce contexte troublé, en 1248, l'abbaye de Luxeuil rompt ses liens avec le pouvoir comtal, passant un traité de pariage avec le comte de Bar et le duc de Lorraine, qu'elle associe à l'administration de son domaine. Thiébaud II de Bar accentue dès lors sa pression sur le comté de Bourgogne, si bien qu'en 1256, il doit s'engager envers les comtes Hugues et Alix à ne pas accroître ses domaines en Comté. Les années 1257-1273 accélèrent dans l'Empire la décomposition politique. Les grands électeurs portent en effet sur le trône impérial, en 1257, deux rois, Richard de Cornouailles et Alphonse de Castille, deux étrangers, par lesquels s'affrontent les grandes puissances du temps, France et Angleterre. S'ouvre la période dite du « Grand Interrègne ». Le duc de Bourgogne Hugues IV, attaché aux intérêts français, offre son appui à son compétiteur Alphonse de Castille, s'intéressant de façon active au comté de Bourgogne, terre d'Empire à conquérir. Rien de surprenant à ce qu'Alix de Méranie, après le décès d'Hugues de Chalon († 1266), épouse en 1267 Philippe de Savoie, partisan de Richard de Cornouailles. En 1272, la mort de ce roi conduit à un véritable coup de théâtre et marque une incontestable rupture. Le 1er octobre 1273, à la surprise générale, le comte Rodolphe de Habsbourg est élu roi des Romains. Face à lui, se dresse une royauté française au faîte de sa puissance, regardant avec insistance les territoires à l'est de ses limites et accédant directement, pour la première fois, à ses marches orientales par l'union prévue en 1275 entre Jeanne, héritière du comté de Champagne, et le fils du roi Philippe III le Hardi, le futur Philippe le Bel. Alors — comme le souligne Michel Bur — que la « politique frontalière était l'œuvre de grands feudataires », elle devient « entre le Massif ardennais et la plaine de la Saône, celle du roi ». Le comté de Bourgogne après 1273 se trouve pris entre deux ambitions. Le choix de la France, après 1285, ne peut être lu que comme le moyen d'écarter l'avidité des Habsbourg.

The county of Burgundy during the turmoil between 1248 and 1273.

What was at stake in the complexity of European politics had repercussions in the principalities, and the history of the county of Burgundy can only be understood in the light of the great changes that took place during the thirteenth century. The years from 1248 to 1273 were crucial to this point: they were witness to the disappearance of the Méranie dynasty following the assassination of the palatine count Otto III (1248) and the forceful rise of Jean de Chalon (1267). The latter, who was very influential in the region of Vaud, was the holder of the castle of Clées on the Jougne mountain pass. He entered into an agreement with Pierre de Savoie thus gaining a forceful alliance in the war of succession which ravaged the county of Burgundy and opposed him to his son Hugues and his daughter-in-law Alix de Méranie, the sister of the late count. In this troubled context, in the year 1248, the abbey of Luxeuil broke its ties with the county government, and entered into a pariage treaty with the count of Bar and the duke of Lorraine whom it associated in the management of its land. Thiébaud II of Bar from then on increased his pressure on the county of Burgundy, with the result that in 1256 he had to make a commitment to Count Hugues and Countess Alix not to increase his lands in the county. The political break-up of the Empire accelerated in the years between 1257 and 1273. In effect, the Great Electors put two foreign kings on the imperial throne, Richard of Cornwall and Alphonso of Castile, through whom the great powers of the time, France and England, confronted each other. The period referred to as the "Great Interregnum" opened. Hughes IV, the duke of Burgundy, attached to French interests, offered his support to his rival Alphonso of Castile, taking an active interest in the county of Burgundy as a land of conquest. It came as no surprise when, after the death of Hugues de Chalon (1266), Alix de Méranie married Philippe de Savoie (1267), who was in favor of Richard of Cornwall. In 1272, the death of the king led to a very dramatic turn of events and marked an indisputable rupture. On 1 October 1273, much to everyone's surprise, Count Rudolph of Habsburg was elected King of the Romans. Against him rose up the French royalty at the height of its power, with its eyes riveted on its eastern territories and for the first time with a direct access to his eastern borderlands through the marriage planned for 1275 between Jeanne, the heir to the throne of the county of Champagne, and the son of King Philippe III the Bold, the future Philippe the Fair. While — as Michel Bur points out — border politics was the undertaking of great feudal lords, between the Ardennes Mountains and the plains of the Saône River, it became that of the king. After 1273 the county of Burgundy found itself torn between these two ambitions. The choice made by France after 1285 can only be understood as the means of driving back the greed of the Habsburgs.

P. Gresser

Des « mesusants » et « mesus » méconnus : les pyromanes forestiers et les arbres incendiés dans le comté de Bourgogne aux XIVe et XVe siècles (suite et fin).

Créée sous le principat d'Eudes IV, premier duc-comte de Bourgogne (1330-1349), la gruerie eut pour tâche d'administrer et de gérer les eaux et forêts princières. Les comptes de l'office contiennent un poste consacré à l'énumération des amendes provenant des délinquants (« mesusants ») ayant commis des fautes (« mesus ») dans les bois de 1338 à 1428. Ensuite, seuls les revenus sont enregistrés sans aucun détail. Le dépouillement intégral des infractions fait apparaître 111 cas d'arbres brûlés : végétation naturelle (rarement des forêts) ou fruitiers plantés par les hommes. Les textes nous renseignent sur les « mesusants » (leur nombre, leur origine géographique, leurs liens de parenté et leurs professions) mais aussi sur leur « mesus » (forêts incendiées et arbres brûlés en dehors des forêts). C'est dans le cadre des « jours » de justice que les pyromanes furent jugés par les gruyers ou leurs lieutenants et soumis à des amendes variant de 1,5 à 60 sous. Au total, les feux détruisant les arbres naturels ou plantés par les hommes représentent environ 1  par la gruerie, ce qui est très peu. Mais au-delà de l'aspect quantitatif des données, l'étude révèle un aspect méconnu des rapports de l'homme avec son milieu naturel et, de façon inattendue, à l'égard des fruitiers hors des espaces boisés.

Little-known "mesusants" and "mesus" : forest arsonists and trees burned in the county of Burgundy during the fourteenth and fifteenth centuries.

The gruerie was created under the princeship of Eudes IV, the first duke-count of Burgundy (1330-1349), and its main responsibility was to administer and manage the forests of the prince. The accounts of the institution contained an entry devoted to the listing of the fines from offenders (mesusants) having committed a misdeed (mesus) in the woods from 1338 to 1428. Only the income received is recorded with no further information. A detailed study of all the offences shows 111 cases of trees burned: wild vegetation (seldom trees) or fruit trees planted by men. The texts not only furnish information on the mesusants (their number, their geographical origin, their kinship and their professions) but also on their mesus (forests burned and trees burned outside of forests). It was within the context of the jours of justice that the arsonists were tried by the gruyers or their lieutenants and sentenced to fines ranging from 1.5 to 60 sous. All in all, fires destroying wild trees or those planted by men represented about 1  But beyond the quantitative aspect of the information, the study reveals a little-known aspect of man's relations with his natural surroundings and, unexpectedly, with fruit trees planted outside wooded areas.

S. Bepoix

Une approche de la justice comtale en Bourgogne au début du XVe siècle à travers les livres de comptes, procédure, délits et sanctions.

Le comte de Bourgogne, au début du xve siècle, était seigneur souverain dans son comté, y détenant donc la haute justice. Cependant, sur son domaine propre, il était également seigneur de basse et moyenne justice. L'application s'effectuait par un personnel hiérarchisé mais dont les limites des attributions s'avéraient parfois floues. Le niveau judiciaire inférieur était souvent aux mains d'adjudicateurs et donc difficile à cerner. Le bailliage correspondait approximativement à la moyenne justice mais répondait aussi à des demandes de révision de sentences issues de l'échelon inférieur, ces appels se révélant fort nombreux. D'autre part, des crimes de sang y étaient également jugés. Enfin, le parlement de Dole marquait la souveraineté judiciaire sur tous les sujets du comte, quelque soit leur condition. Les assises de bailliage permettent de connaître un éventail assez vaste de différents types de délits commis en ce début de xve siècle. La violence verbale ou physique, individuelle ou en groupe, prédominait. Mais les abus de pouvoir des officiers, les faux ou encore les vols étaient aussi bien présents dans le paysage délictueux. Les sanctions se composaient principalement d'amendes, fixées ou arbitraires, cela représentait un revenu important pour le comte. Les sanctions exemplaires étaient peu attribuées au niveau du bailliage, et la prison s'avérait un intermède obligé uniquement pour les délinquants incapables de s'appuyer sur une personne pouvant les cautionner. Confiscation et bannissement, tout comme la peine capitale, touchaient surtout les plus pauvres, qui n'avaient pu remplacer ces lourdes sanctions par une lettre de grâce que le comte octroyait en échange d'une forte somme d'argent. Les exécutions s'avéraient d'ailleurs coûteuses et leur nombre dans le domaine comtal apparaît peu élevé.

An approach to county justice in Burgundy in the early fifteenth century through account books, procedures, crimes and punishment.

The count of Burgundy in the early fifteenth century was the sovereign lord in his county, thus holding the power of high justice. However, on his own estate, he was also the lord of lower and middle justice. Enforcement was implemented by a personnel who were organized into a hierarchy but whose limits of power were at times imprecise. Power at the lower judicial level was often in the hands of adjudicateurs and thus difficult to define. The bailliage roughly corresponded to middle justice but also took charge of the numerous requests to review sentences that had been delivered by lower courts (appeals). In addition, blood crimes were also tried. Finally, the Parliament of Dole was empowered with the judicial sovereignty over all of the subjects of the count, whatever their condition might have been. The assizes of the bailliage reveals the rather vast range of different types of offences committed in the early fifteenth century. Verbal or physical violence, by individuals or by groups, was predominant. But abuses of power by officers, forgeries or even thefts were also present in the criminal landscape. Penalties were mainly fines, fixed or arbitrary, and they represented an important source of revenue for the count. Exemplary penalties were not often handed down at the bailliage level, and prison was an interlude required only for those delinquents who could count on no one to be a guarantor for them. Confiscation and banishment, just as capital punishment, affected the poorest in particular, those who were not able to replace the heavy penalties with a letter of pardon that the count would grant in exchange for a large sum of money. Moreover, executions were very expensive and there seem to have been very few in the county.

P. Delsalle, L. Delobette

Les « charges » et les « offices » des ouvrières spécialisées des salines de Salins, XVe-XVIIIe siècles.

À la fin du Moyen Âge et aux siècles suivants, l'activité féminine est notoire surtout dans l'industrie textile. On a moins prêté attention à d'autres secteurs industriels, notamment celui des salines, où l'on trouve des femmes, parfois en grand nombre. Il ne s'agit aucunement de paysannes qui, de façon temporaire, pourraient louer leurs bras mais de véritables salariées à plein temps. Les archives exceptionnelles des salines de Salins, dans le massif du Jura, permettent l'étude des ouvrières jusqu'à la fin du xviiie siècle. Elles soulèvent surtout la question de la définition et du statut de l'« ouvrière » ou de la « manœuvre ». Derrière ces termes assez vagues se cache une grande variété d'emplois féminins, mais surtout des spécialisations et des responsabilités parfois très surprenantes. Le sort de la femme ouvrière dans cette saline de Salins est un des plus singuliers qu'on puisse imaginer. La situation est très différente de celle observée dans d'autres salines d'Europe. À Salins, les femmes sont présentes en grand nombre dans la saline et, de surcroît, certaines d'entre elles occupent des postes de responsabilité au sein de la grande usine, pendant plusieurs dizaines d'années consécutives. On y observe la quasi-hérédité de certaines charges ou offices, et même l'existence d'un système de versement de pensions. C'est peu de chose, certainement, mais les entreprises offrant cela, surtout aux femmes, sont alors très rares.

The "duties" and "offices" of specialized women workers in the saltworks in Salins during the fifteenth and sixteenth centuries.

In the late Middle Ages and in the centuries that followed, female employment was well-known especially in the textile industry. Less attention has been given to other industrial sectors notably that of saltworks where women in great numbers could be found. This in no way concerned peasant women who temporarily gave a helping hand, but real full-time employees. The exceptional quality of the archives of the saltworks in Salins, located in the Jura Mountains, allows us to study female workers until the late eighteenth century. They especially raise the question of the definition and the status of the female worker or the female laborer. Behind these rather vague terms could be found a great variety of female jobs, and above all, specializations and responsibilities that were at times very surprising. The lot of the women workers in the saltworks in Salins was one of the most unusual that could be imagined. The situation was very different from that observed in other saltworks in Europe. In Salins, women were present in great numbers in the saltworks and, moreover, some of them held responsible jobs throughout the great factory for several consecutive decades. We can observe the nearly hereditary aspect of some duties or offices, and even the existence of a pension plan. This was certainly not much but enterprises offering the latter especially to women, were at the time few and far between.

N. Morard

Le sort des ruraux attirés par les villes : mainmorte et liberté réelle à Fribourg (Suisse) (XIIIe-XIVe siècle).

Les liens de dépendance, en pays de Fribourg (Suisse) — entendu lato sensu : environs immédiats de la ville et mouvance savoyarde, plus au sud ou à l'ouest —, sont loin de se limiter à des qualifications strictement définies. Celles-ci peuvent même signifier le contraire de ce qu'elle paraissent vouloir dire, ainsi les épithètes « franc », « libre ». Bien plus, les quelques exemples analysés dans cet article révèlent clairement les obstacles réels auxquels étaient exposés, de la part de leurs seigneurs, les tenanciers ruraux, même « libres », désireux de quitter la terre et de s'installer en ville.

The fate of country people attracted to the cities: "mainmorte" and real freedom in Fribourg (Switzerland) from the thirteenth to the fifteenth centuries.

Seigniorial dependency in the area around Fribourg (Switzerland), which must be understood lato sensu as the immediate area around the city and the Savoyard sphere of influence more to the south or to the west, is far from being limited to strictly defined terms. They may even mean the opposite of what they appear to mean, as in the case of the adjectives franc or libre, both meaning free. Furthermore, the few examples analyzed in this article clearly show the genuine obstacles, set up by their lords, confronting the rural tenant people, even the "free" ones, who were anxious to leave the land and move to the city.

L. Dorthe

Personnel judiciaire, témoins et capacité de mémoire dans une enquête testimoniale (diocèse de Sion - XVe siècle).

Dès le milieu du xve siècle, la petite paroisse d'Ayent (diocèse de Sion, actuel Valais central) connaît des changements importants : le vicaire du prieur bénédictin à qui appartient le jus patronatus, c'est-à-dire le droit de collation du desservant paroissial, devient le curé du lieu et récupère une bonne part des oblations qui tombaient autrefois uniquement dans la mense du religieux. Si cette situation de jure confirme officiellement, par décision épiscopale (1457), une situation qui existait de facto, les prieurs ont néanmoins tenté de s'opposer à ce nouvel ordre des choses. C'est ainsi qu'à la fin du xve siècle, le prieur d'Ayent a rouvert ce litige en demandant l'annulation de l'arbitrage prononcé quelques décennies plus tôt. Tout l'intérêt de ce dernier conflit pour notre propos réside dans l'enquête testimoniale réalisée auprès de 20 témoins, tous issus de la paroisse. Il nous a alors été permis d'étudier le personnel judiciaire en présence, du vicaire de l'évêque aux avocats des parties. Les occurrences de ces derniers dans d'autres sources nous ont permis d'émettre l'hypothèse d'une collaboration fréquente entre les mêmes individus. De même, la fortune des déposants et les charges que certains d'entre eux ont occupées montrent que l'on ne s'adressait qu'aux plus riches des paroissiens et aux plus « respectables » d'entre eux. Leur âge étant également donné, il a été possible de poursuivre l'analyse au niveau de leur capacité de mémoire. Il en ressort alors que l'on est capable de se souvenir d'événements dès son adolescence (même si l'on demeure encore incapable de formuler une date précise, hormis des faits marquants ou des fêtes religieuses), et que l'on se réfère très souvent à la fama, pour ne pas dire la mémoire collective, les témoins ayant l'habitude d'assortir leur déposition d'un dici audivit et d'un « cela est cru » palam, communiter et inter omnes.

Judicial professions, witnesses and the capacity of memory in an inquiry based on testimony (diocese of Sion - fifteenth century).

As early as the mid-fifteenth century, the little parish of Ayent (diocese of Scion, present-day central Valais) experienced important changes: the vicar of the Benedictine prior to whom the jus patronatus (the right of collation of the parish priest) belonged, became the parish priest of the place and collected a great extent of the oblations which had formerly been included solely in the mense of the monk. Even though this de jure situation, through an episcopal ruling (1457), officially confirmed an existing de facto situation, the priors however tried to oppose this new measure. It was in this way that in the late fifteenth century, the prior of Ayent reopened the dispute when he asked that the ruling that had been handed down decades before be quashed. The real interest of the latest conflict for the purposes of our study lies in the inquiry into the testimony of 20 witnesses, all of whom were from the parish. We were thus able to study the judicial professions facing one another, from the vicar of the bishop to the lawyers of the parties. The presence of the latter in other sources has allowed us to surmise a frequent collaboration of the same individuals. Likewise, the fortune of the deponents and the offices that some of them held showed that only the richest parishioners as well as the most respectable were called upon to testify. Since their age was also given, it was possible to continue the analysis of the capacity of their memories. What emerges is that they were able to remember events as early as their teenage years (even if still unable to give a precise date, except for outstanding events or religious feasts), and that they often referred to the fama, not to use the term of collective memory, the witnesses being used to accompanying their testimony with a dici audivit and with a "that is believed" palam, communiter et inter omnes.

G. Tarbochez

Les fabriques dijonnaises à la fin du Moyen Âge

À Dijon, l'existence de fabriques est avérée dès le milieu du xive siècle. Leur principale mission était la préservation, voire l'augmentation, des patrimoines paroissiaux, ce qui impliquait notamment un entretien régulier des bâtiments cultuels et du mobilier liturgique. Ces obligations induisaient d'importantes dépenses, en particulier lors des phases de reconstruction dont plusieurs églises firent l'objet à la fin du xve siècle et au début du xvie siècle. Leur financement était en grande partie assuré par les offrandes des fidèles et par les revenus tirés de nombreuses rentes. L'essentiel de l'activité des fabriques était donc de nature matérielle. Toutefois, les archives locales prouvent qu'elles avaient également une responsabilité spirituelle. Par exemple, leurs représentants supervisaient les cérémonies religieuses. Surtout, dans la plupart des paroisses, ils disposaient du droit de nommer les chapelains. Malgré d'importantes lacunes documentaires, il apparaît que toutes les fabriques dijonnaises avaient une ossature identique, même si des nuances teintaient leur organisation interne. Celle de Notre-Dame est bien connue grâce à de rares règlements. L'assemblée générale des paroissiens en était la base. Mais les véritables administrateurs de la fabrique étaient les procureurs spéciaux, assistés par d'autres officiers comme le sacristain, le receveur ou le marguillier. Les procureurs spéciaux étaient donc les interlocuteurs privilégiés des autorités ecclésiastiques et civiles avec lesquelles ils entretenaient des liens étroits. En effet, ils étaient généralement issus du patriciat urbain et faisaient partie soit de la mairie, soit de l'administration ducale ou royale. Finalement, cette interpénétration des milieux et le rôle actif joué par les fabriques dijonnaises au niveau économique et religieux plaçaient ces communautés laïques au cœur de la vie urbaine.

Fabrics in Dijon in the late Middle Ages.

In Dijon fabrics came into existence as early as the mid fifteenth century. Their main objective was that of preserving, or even increasing, the parish patrimony, which involved notably a regular upkeep of the worship buildings and liturgical furniture. These obligations entailed considerable expense, particularly during reconstruction phases from which several churches benefited in the late fifteenth century and the early sixteenth century. The financing was ensured for the most part by the offerings of the congregation and by revenues from numerous rents. The main part of the activity of these fabrics was thus of a material nature. However, the local archives prove that they also had spiritual responsibilities. For example, their representatives supervised religious ceremonies. In the most parishes, in particular, they had the right to appoint chaplains. In spite of the gaps in documentary evidence, it appears that all of the fabrics in Dijon had the same structure, even if there were slight differences in their internal organization. That of Notre-Dame was well known due to some rare regulations. The annual general meeting of the parishioners was the basis for this. But, the true administrators of the fabric were the special procurators, assisted by other officers such as the sacristan, the collector, or the marguillier. These special procurators thus had a priviledged relationship with ecclesiastical and civil authorities with whom they had close ties. Indeed, they were generally from the city's elite and were members of the town council or the ducal or royal government. Ultimately, this interpenetration into the different social environments and the active role played by the fabrics in Dijon from an economic and religious point of view put these secular communities at the heart of city life.

P. Bodineau

Tradition et modernité dans l'administration communale de Dijon à la fin de l'Ancien Régime

La commune de Dijon a toujours été attachée à la maîtrise des offices de son administration : pourtant à la fin du dix-huitième siècle, certaines fonctions sont contestées par la tutelle qui demande la suppression de charges inutiles comme celles de prud'homme, de fourrier ou encore de capitaine et lieutenant des murailles. D'autres fonctions prennent une importance nouvelle, celle qui concernent la police et l'urbanisme et qui s'expriment dans les fonctions de commissaires de police et d'architecte-voyer ; la permanence et l'action de l'administration municipale : le secrétaire de la ville et les receveurs auxquels on peut ajouter le concours extérieur des conseillers juridiques.

Tradition and modernity in the city government of Dijon in the late Ancien Régime.

The city of Dijon has always been very attached to the control of its municipal officers. However, in the late eighteenth century, some offices were called into question by their higher authorities which requested the suppression of useless duties such as that of prud'homme, fourrier or even that of capitaine et lieutenant des murailles. Other offices took on a new importance, that of the police and town planning whose expression could be found in the duties of police superintendents and architecte-voyer; that of the continuity and action of the city government: the town secretary and collectors to which could be added the outside support of legal consultants.

J. Dumoulin

Continuité royale, finances municipales et ferveur populaire : Aix-en-Provence au XVIIe siècle.

Sous l'Ancien Régime, il est communément admis que l'adhésion du peuple à la monarchie repose sur la représentation qu'est capable d'en donner le roi et que les préséances correspondent à la place de chacun dans la société du fait de sa naissance. Les cérémonies autour du souverain sont alors un marqueur de la toute puissance royale, un facteur de sécurité dans une société d'ordres strictement hiérarchisée, un pointeur de la distance entre le monarque et ses sujets. Ces instruments du culte monarchique destinés à exalter le pouvoir, se rencontrent notamment au niveau local lors des entrées solennelles du roi. Pour l'organisation et le financement de ces manifestations, il semble que les consuls jouissent d'une liberté parfois toute relative, notamment lorsqu'ils sont contraints de suivre les instructions du parlement. Le dépouillement des comptes trésoraires découvre l'attachement des élus au régime, leur façon de stimuler la ferveur populaire, leur organisation de la propagande royale, leur comportement comme agents du monarque. À la fin de la période considérée, les dépenses sont en harmonie avec le siècle de Louis XIV, avec les fastes qui se déroulent à Versailles, avec la conscience que la capitale provençale doit tenir son rang et faire aussi bien que les autres grandes villes du royaume.

Royal continuity, municipal finances and popular fervor : Aix-en-Province in the seventeenth century.

Under the Ancien Régime, it was a commonly accepted fact that the people's support of the monarchy depended on the representation that the king was able to give it and that precedence corresponded to everyone's station in society due to his birth. The ceremonies taking place around the sovereign were thus an indicator of his royal omnipotence, a factor of security in a society of strict hierarchal orders, a register of the distance between the monarch and his subjects. These instruments of the monarchial cult, meant to exalt royal power, notably came together locally during the solemn entries of the king. Concerning the organization and financing of these demonstrations, it seems as if the consuls sometimes had only relative freedom, especially when they were forced to follow the instructions of the parlement. A study of treasury accounts shows the affection of the officials for the of government, their manner of stimulating popular fervor, their organization of royal propaganda, their behavior as representatives of the monarchy. At the end of the time under consideration, the expenses are in harmony with the century of Louis XIV, with the pomp taking place in Versailles, with the awareness that the Provençal capital had to maintain its rank and do as well as the other large cities of the kingdom.

É. Gojosso

La ville, le seigneur et l'intendant : Martigues à la fin de l'Ancien Régime.

Si la rédaction des cahiers de doléances, en mars 1789, fournit aux Provençaux l'occasion d'exprimer hostilité et défiance à l'encontre de l'intendant Des Gallois de La Tour, les habitants de la ville et principauté de Martigues font preuve d'une étonnante modération. Celle-ci pourrait bien s'expliquer par le contexte local ; dans le long conflit qui oppose la communauté à ses seigneurs et qui revêt à maintes reprises un tour juridique, les Martégaux attendent beaucoup du représentant du roi. Les deux affaires des bourdigues et du « conseil politique » le confirment, révélant au demeurant le vrai visage d'un homme habile qui ne cherche à s'aliéner aucun parti.

The town, the lord and the intendant: Martigues at the end of the Ancien Régime.

If the drawing up of the cahiers de doléances in March 1789 gave to the inhabitants of Provence the opportunity to express their hostility towards the intendant Des Gallois de La Tour, the inhabitants of the city and the principality of Martigues showed surprising moderation. That could probably be easily explained by the local context; in the long struggle which opposed the community to the lords, and which several times took on a legal turn, the residents of Martigues expected much from the king's representative. The two cases of the bourdigues and the conseil politique affirm this fact, revealing incidentally the true colors of a clever man who was trying to alienate nobody.

C. Reich

La rédaction des usages locaux de Toul et du pays Toulois (1741-1747).

Il nous a semblé intéressant d'étudier une rédaction officielle qui n'a pas encore retenu l'attention des historiens du droit, celle des usages de la ville de Toul et du pays toulois. Cette rédaction fut décidée au début de l'année 1741, sous le règne de Louis XV, et menée à bien par Nicolas-François Lançon qui était alors conseiller au parlement de Metz. La première partie de l'article aborde la période de la procédure qui s'étend de la décision de provoquer la rédaction à l'appel des représentants des trois ordres, lors de la première réunion à l'hôtel commun de la ville de Toul. Cette rédaction est l'une des dernières de l'Ancien Régime. Ce constat nous amène à rechercher les raisons de ce retard ainsi que les circonstances qui ont, en définitive, conduit le roi à engager la procédure en 1741. Il apparaît que le rattachement tardif de l'évêché au royaume ainsi qu'une dégradation de l'application des règles coutumières sont des causes pouvant être mises en avant. Les représentants des trois ordres sont réunis en 1742. L'appel des délégations donne lieu à quelques querelles de préséance et à différentes remarques sans réelle importance pour la discussion qui doit avoir lieu. L'examen des délégations n'en demeure toutefois pas dénué d'intérêt, au regard notamment du nombre et des qualités des délégués, principalement des juristes venus en remplacement des personnes assignées. La seconde partie de notre étude porte sur les résultats de la rédaction. Sur les 181 articles définitivement adoptés, seuls neuf sont mentionnés dans le procès-verbal. Il s'agit des nouvelles dispositions coutumières et des articles adoptés sous réserve de remontrances. Il est question, pour l'essentiel, du retrait féodal, des testaments, de la dissolution de la communauté ainsi que des règles en matière de parcours et de vaine pâture. Le commissaire du roi tranche fréquemment en faveur du tiers état et de la noblesse, contre les prétentions du clergé. Il adopte, par ailleurs, une position peu favorable aux droits seigneuriaux. L'examen du procès verbal de rédaction permet toutefois de considérer que la réunion des trois états a eu un caractère particulièrement consensuel. La fin de l'étude est un essai de synthèse qui tente de déterminer l'influence des différents acteurs de la rédaction sur l'évolution du droit toulois et souligne le rôle fondamental des représentants locaux. Au regard de sa procédure, la rédaction des usages de Toul a pour principale particularité d'avoir été menée par un seul commissaire et non pas par deux ou trois, comme à l'accoutumée. En définitive, cette rédaction a permis de satisfaire différents objectifs traditionnels : satisfaction, d'une part, de la population et des institutions du Toulois grâce à la sécurité juridique et à l'adéquation de leur droit aux besoins de l'époque ; satisfaction, d'autre part, du roi, gardien des coutumes et qui consacre, dans les faits — par son droit de correction et par son approbation —, l'absolutisme de son pouvoir sur l'un des derniers territoires adjoint à son royaume.

The compilation of the local customs in Toul and its surrounding area (1741-1747).

The study of an official redaction which has not as yet been of interest to historians of law, that of the customs of the town of Toul and its surrounding area, seems worthy of our interest. Its drafting was decided in early 1741, under the reign of Louis XV, and carried out by Nicolas-François Lançon who was at that time a counsellor to the parlement of Metz. The first part of this article will discuss the period of the procedure which extended from the decision prompting the compilation to the summoning of representatives of the three orders to the first meeting at the hotel commun of the town of Toul. The drafting was one of the last of the Ancien Régime. This last remark leads us to try to find the causes for this delay as well as the circumstances which, in fact, led the king to institute the procedure in 1741. It seems as if the late uniting of the see to the kingdom as well as the decline in the implementation of the customary laws are the causes which seem to stand out. The representatives of the three orders met in 1742. The call of the delegations gave rise to some precedence quarrelling and to different remarks of no real importance to the discussion which was to take place. A closer look at the delegations is not, however, devoid of interest to us, concerning notably the number and qualities of the delegates, mainly the jurists who came instead of the persons who had been summoned. The second part of our study concerns the results of this compilation. Of the 181 articles finally adopted, only nine are mentioned in the minutes. They concern new customary provisions and articles adopted subject to reproval and were mainly concerned with feudal withdrawal, testaments, dissolution of the community as well as the regulations about parcours and vaine pâture. The representative of the king frequently decided in favour of the third estate and the nobility, against the claims of the clergy. Furthermore, he adopted a position that was not very favorable to seigniorial rights. An examination of the statement of the drafting, however, allows us to consider that there was a high degree of consensus during the meeting of the three states. The last part of the study is an attempt to summarize the major points and to determine the influence of the different participants in the drafting on the development of the customary law of Toul, and it underlines the fundamental role of the local representatives. From the point of view of procedure, the compilation of local customs of Toul has as its main particularity the fact that it was carried out by a single representative and not by two or three, as usual. When all is said and done, this compilation was a means of satisfying the different traditional objectives. On the one hand, it satisfied the population and the institutions of Toul and its surrounding area thanks to the legal security and the appropriateness of their law to the needs of the time. On the other hand, it satisfied the king, who was the guardian of customs and who established, in reality — through his right of correction and through his approval—, the absolutism of his power on one of the last territories added to his kingdom.

D. Destouches

Recherche sur l'histoire du contrat d'engagement dans le droit colonial français (XVIIe - début XVIIIe siècle).

Le problème de la main-d'œuvre a toujours dominé l'histoire des institutions coloniales, et en particulier sous l'Ancien Régime, il conditionnait en effet toute la politique économique et sociale et déterminait en grande partie l'essor ou la régression des colonies. La main-d'œuvre dans les îles et particulièrement à la Guadeloupe, jusqu'au milieu du xviiie siècle, comprenait deux éléments fort différents : la main-d'œuvre blanche connue sous le nom « d'engagés », d'une part ; la main-d'œuvre esclave d'autre part. Le maître jouit, pendant toute la durée du contrat, d'un véritable droit de propriété sur son engagé. Le régime de l'engagement fut mis en place par Richelieu, puis modelé progressivement par la réglementation des gouverneurs coloniaux. Le contrat d'engagement est un acte juridique de forme originale plaçant l'engagé sous un statut de travailleur non-libre pour une durée déterminée (dix-huit mois). Ses obligations prenaient fin par l'arrivée du terme ou par le rachat. L'arrivée du terme était naturellement le mode d'extinction le plus fréquent des contrats d'engagement et donc des obligations relatives. Les résultats du régime institué furent très contrastés si l'on en croit les nombreux textes nationaux et locaux qui tentèrent à la fois d'humaniser l'institution et de la rendre indispensable avant le choix définitif de l'institution de l'esclavage. Toutefois, il est indéniable que les engagés jouèrent un rôle capital dans la période de l'histoire de la Guadeloupe jusqu'au milieu du xviiie siècle ; période durant laquelle ils furent la cheville ouvrière de la mise en valeur de la Colonie.

Research on the history of the "contrat d'engagement" (engagement contract) in French colonial law in the seventeenth and eighteenth centuries.

The problem of manpower has always dominated the history of colonial institutions. Under the Ancien Régime, in particular, it regulated the whole of political and economic policy and largely determined the rise or the decline of the colonies. Manpower in the islands, particularly in Guadeloupe until the mid-eighteenth century, was comprised of two very different elements: white labor known as engaged workers on the one hand, and slave labor on the other. The master had, throughout the entire period of time covered by the contract, a true right of property over his engaged worker. This system of engagement was set up by Richelieu and then molded by the regulations of the colonial governors. The work contract was a legal document of an original sort that gave the engaged worker the status of a non-free worker for a determined length of time (eighteen months). His obligations ended at the term of the contract or upon redemption. The most common method of extinguishment of the labor contract and the obligations therein was at term. The results of the established system varied greatly if we consider the numerous national and local texts which tried not only to make the institution more humane but also to make it indispensable before the definitive choice of the institution of slavery. However, there is no doubt that engaged workers played a major role in the history of Guadeloupe until the mid-eighteenth century, during which time they were the kingpin of the development of the colony.

F. Hoarau

L'évolution des baux au cours de la Révolution française : l'exemple de maître Gilliot, notaire à Dijon.

La profession notariale subit une profonde réorganisation après le déclenchement de la Révolution française. Les baux à ferme, les baux à loyer et les baux à cheptel, qui occupaient une place non négligeable dans l'activité de ces derniers, connurent eux aussi des évolutions assez singulières, évolutions liées aussi bien aux mutations juridiques qu'aux changements économiques. L'étude de Maître Gillot, notaire à Dijon, offre l'avantage de couvrir l'ensemble de la période révolutionnaire, l'activité de ce dernier débutant en 1784 pour s'achever en 1810. Sur un plan matériel, l'activité du notaire subit une très forte croissance au cours de la Révolution, à partir de 1791 notamment (même si cette activité baisse temporairement par la suite), croissance vraisemblablement liée à la baisse du nombre de notaires dijonnais. Le nombre des baux conclus augmente ainsi significativement à partir de 1793. Sur un plan juridique, le contenu des contrats ne connaît pas de transformations radicales, et ce pour les baux à ferme comme pour les baux à loyer. Des changements importants se produisent néanmoins au cours de la période envisagée : les visites amiables préalables, ordonnées pour constater l'état du bien amodié, se généralisent ainsi à partir de la Révolution française. La plus grande évolution concerne toutefois les rapports entre les bailleurs et les propriétaires : ces derniers, on le constate aisément, cherchent à apparaître comme la partie dominante dans la relation contractuelle (les clauses relatives à l'absence de garantie de contenance des terres affermées, l'exclusion de toute diminution du prix du bail pour quelque cause que ce soit le démontrent). Le paiement du loyer constitue notamment une question centrale pour des propriétaires préoccupés au plus haut point par la tourmente inflationniste : les références au paiement en numéraire métallique se généralisent après l'an IV, au point de devenir l'unique mode de paiement des loyers. L'examen des actes de Maître Gillot témoigne donc bien du fait que les propriétaires ont joué un rôle moteur dans la modification des clauses contenues dans les différents baux, et tiré profit de la destruction du régime seigneurial, même s'ils ne furent pas toujours les bénéficiaires de ces relations contractuelles.

The development of leases throughout the French Revolution: the case of Mr. Gilliot, a "notaire" in Dijon.

The profession of notaire underwent great organizational changes after the French Revolution broke out. Farming leases, rental leases and livestock leases, which made up a rather significant part of the work of the notaires also experienced remarkable development which was linked as much to the legal transformations as to the economic changes. The office of Mr. Gilliot, a notaire in Dijon, had the advantage of covering the whole revolutionary period, since he began his practice in 1784 and finished in 1810. Materially speaking, the activity of this notaire greatly increased throughout the Revolution, notably from 1791 (even if this activity decreased temporarily afterwards). The increase was probably linked to the fact that there were fewer notaires in Dijon. The number of leases signed thus increased significantly from 1793. Legally speaking, the content of the contracts experienced no radical changes; this was true for farming leases as well as for rental leases. Nevertheless, important changes took place throughout the period under study: preliminary amicable visits, ordered to certify the state of the rented property, thus became widespread from the French Revolution onwards. The greatest development, however, concerned the relationship between lessors and owners: the latter, a fact which stands out, tried to appear as the dominating party in the contractual relationship (the clauses relative to the absence of guarantee of the capacity of the leased lands, the exclusion of any reduction in price for any reason whatsoever illustrate this point). The payment of rent in particular constituted an essential question for owners worried to the utmost about the inflationary turmoil: references to payment in metal currency became widespread after year IV, to the point of becoming the sole method of rent payment. An examination of the leases of Mr. Gilliot thus brings out that owners played a leading role in the changes of the clauses contained in the different leases, and benefited from the destruction of the seigniorial system, even if they did not always benefit from these contractual relations.

V. Azimi

Pouvoir administratif et démocratie en France.

Pouvoir administratif et démocratie : voilà deux concepts perçus comme irréconciliables de l'Ancien Régime à nos jours. Reconnu, redouté mais non nommé, ou nommé, identifié et parfois justifié, le pouvoir administratif a toujours été discuté et soupçonné dans sa légitimité et dans son fait, partant critiqué avec plus ou moins de virulence dans l'opinion publique comme dans la doctrine savante. Placé sur le terrain de l'idéologie, le pouvoir administratif se trouve à l'articulation de la constitution politique et de la constitution administrative de l'État et montre les décalages entre les avancées politiques et les permanences voire les conservatismes administratifs. Aussi, depuis plus de deux siècles, cette dichotomie continue à hanter toutes les réflexions sur la réforme de l'État en France et nourrir jusqu'aux exigences actuelles d'une administration voulue « citoyenne », enracinée dans le terrain fécond de la démocratie, elle-même sujette à de nouveaux questionnements.

Administrative power and democracy in France.

Administrative power and democracy are two concepts perceived as irreconcilable from the Ancien Regime to the present. Recognized, feared and not named, or named, identified and sometimes justified, administrative power has always been questioned. Its legitimacy and its acts were considered with suspicion and consequently more or less harshly criticized in public opinion as well as in scholarly doctrine. From an ideological point of view, administrative power is located at the crossroads of the political constitution and the administrative constitution of the State and demonstrates the gaps between political progress and administrative permanency or even conservatism. Consequently, for the past two centuries, this dichotomy has continued to haunt all thought about reform of the State in France and to nurture even the present-day demands of an intentionally "citizen-minded" administration, rooted in the fertile earth of democracy, which is itself again being called into question.