Société pour l'Histoire du Droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois et romands
Tome 62 (2005) : résumés des articles
- M. Ioannatou : Liens d'amitié et opérations de crédit à la fin de la République romaine.
- M. Petitjean : Le crédit dans la société dijonnaise (du XIIIe au XVe siècle).
- A. Wijffels : Le contentieux entre les villes hollandaises et leurs crédirentiers sous Maximilien d'Autriche et Philippe le Beau.
- J. Dumoulin : « Dette passive » et finances municipales — L'exemple d'Aix-en-Provence au XVIIe siècle.
- U. Bellagamba : Les tentatives de réforme hypothécaire de la fin de l'Ancien Régime jusqu'au Code civil (1771-1804).
- J.-L. Halpérin : La diffusion des coopératives de crédit en Europe* au XIXe siècle.
- A. Grilli : Législateur, juge et public : la répression de l'usure en Italie, de l'Ancien Régime au XXe siècle.
- R. Hepting : Le développement des sûretés réelles principales en droit allemand et français.
- G. Trimaille : Le rôle de la Banque de France selon Adolphe Thiers.
- S. Kotovtchikhine : La Société de Crédit mutuel agricole de Pouilly-en-Auxois (1896-1926).
M. Ioannatou
Liens d'amitié et opérations de crédit à la fin de la République romaine.
Les créanciers des aristocrates romains se recrutent, du moins pour partie, au sein des cercles concentriques de leurs parents et de leurs amis. S'évertuant à observer le jus amicitiae, ils se prêtent mutuellement secours au moyen des services gratuits de crédit. Consentis dans la volonté généreuse d'obliger, ceux-ci se manifestent essentiellement dans des moments critiques pour l'existence civique de l'individu. Ils constituent ainsi une noble expression de la solidarité financière établie entre parents et entre amis. Porteur de gratia, le prêt d'amitié illustre ainsi le double aspect de la dette : lien juridique, mais aussi devoir moral servant de support au lien social.
Friendship relationships and credit services at the end of the Roman Republic.
The creditors of roman aristocrates are partly recruited in the concentric cycles of their parent and friendship relationships. Respecting the jus amicitiae being a matter of honor, they reciprocally assist each other through gratuitous credit services. The latter, accorded with the generous intention to oblige, are essentially expressed at crucial moments for the civic status of a roman aristocrat. Because confering gratia, a gratuitous loan illustrates the double aspect of debt : legal bond of obligatio, but also moral duty supporting the social bond.
M. Petitjean
Le crédit dans la société dijonnaise (du XIIIe au XVe siècle).
Un important besoin d'argent se fait sentir partout à l'époque. À tous les niveaux de la société et pour des motifs très divers, surtout pour les exigences de la vie quotidienne, ducs, nobles, membres et institutions du clergé séculier et régulier, bourgeois, artisans et ruraux empruntent. Changeurs et marchands, Juifs et Lombards prêtent, mais les prêteurs sont souvent aussi emprunteurs et vice-versa. Les liquidités sont obtenues par divers procédés : prêt sur gage, cautions et ôtages, bail à cheptel, mort-gage, constitution de rente. Nécessaire à la prospérité des affaires, l'argent doit effectivement circuler et le crédit est indispensable, même s'il coûte cher, très cher parfois.
Credit in the society of Dijon from the thirteenth to the fifteenth centuries.
An important need for money was felt everywhere at the time. At all levels of society and for very different motives, especially for the demands of everyday life, dukes, nobles, secular and regular members of the clergy as well as their institutions, bourgeois, craftsmen and people from the countryside obtained loans. Moneychangers and merchants, Jews and Lombards, lent money, but the lenders were often themselves borrowers and vice-versa. Cash could be obtained through various methods: pawning, bail and hostages, livestock as security, mortgage, the establishment of an annuity. Necessary for the prosperity of business, money did indeed have to be in circulation and credit was indispensable, even if its cost was high, very high at times.
A. Wijffels
Le contentieux entre les villes hollandaises et leurs crédirentiers sous Maximilien d'Autriche et Philippe le Beau.
Au cours de la dernière décennie du xve siècle, alors que le pouvoir habsbourgeois s'affirmait dans les anciens Pays-Bas après plusieurs années de troubles, les villes hollandaises firent face à de grandes difficultés financières. Leur soutien au souverain avait été largement financé par la vente de rentes, que plusieurs villes ne parvenaient plus à payer. Les défauts de payement, mais aussi les moratoires et autres facilités que les villes s'efforcèrent d'obtenir du Prince, furent contestés par de nombreux crédirentiers, ce qui provoqua une vague de procès portés devant les cours supérieures de justice. Ce contentieux permet non seulement de reconstituer les différentes modalités judiciaires de ces litiges, mais, au-delà des stratégies procédurales et argumentations juridiques, il permet d'entrevoir le fonctionnement d'un système de crédit alors même que l'ordre politique subissait une mutation profonde, consacrant définitivement la relégation des villes à l'arrière-plan au profit du pouvoir ascendant du souverain supra-territorial. Le contentieux n'était d'ailleurs par seulement alimenté par les difficultés d'exécuter les conventions de rente, mais en outre par la politique financière du souverain, en l'occurrence par l'ordonnance de 1489 sur la réduction des monnaies, qui s'efforçait d'arbitrer les conflits d'intérêts résultant d'une forte réévaluation de la monnaie sous Maximilien d'Autriche. À travers les dysfonctionnements du système de crédit public basé sur les rentes constituées à charge des villes, on assiste ainsi à une métamorphose du pouvoir politique marquant la transition du Moyen Âge finissant à l'aube des Temps Modernes.
Litigation between Dutch Cities and their Rent-Creditors under the Reigns of Maximilian of Austria and Philip the Fair.
During the last decade of the 15th century, whilst the Habsburg regime consolidated its hold over the Low Countries after several years of political unrest, Dutch towns were faced with unsustainable financial hardship. Their support to the sovereign had been largely financed by the sale of annuities or rents, which several towns were no longer able to pay. They were increasingly sued before the higher courts by their unpaid creditors, who also challenged the moratories and other concessions granted by the sovereign in order to allow the towns greater latitude in paying back their debts. From the records of that wave of litigation, one can reconstruct the legal framework of the annuities, i.e. both the general rules and the many exceptions linked to the privileged status of various categories of creditors, but also the forensic strategies and standard arguments developed by both towns and rent-creditors. Beyond these legal features of the proceedings, the records also offer a glimpse into the public credit-system at a time when the political system was undergoing a momentous shift which saw the lasting demise of the cities as major political actors and the ascendancy of the supra-territorial sovereign as the holder of effective power within a newly configured polity. Rent-related litigation was not only influenced by the various alterations of the terms of payment granted to the towns, but also by the financial policy pursued by the central government. Thus, the position of both towns and creditors were affected by the 1489 Ordinance on the « reduction » (which effectively meant a revaluation) of the currency. Although the Ordinance tried to strike a balance in the conflict of interests which resulted from the adjustment of the currency and its effects on the payment of annuities, the courts were nonetheless faced with the issue of the rate to be applied to payments following the enactment of the revaluation. Litigation on annuities in the 1490s reflected the dysfunctional effects of the traditional public credit-system and, beyond those controversies, the metamorphosis of political power during the transition from the late Middle Ages to the Early Modern Times.
J. Dumoulin
« Dette passive » et finances municipales — L'exemple d'Aix-en-Provence au XVIIe siècle.
Aux xvie et xviie siècles, l'indépendance financière des cités est un élément essentiel de la vie communautaire. L'emprunt, ou la « dette passive », est alors une prestation monétaire que les particuliers versent volontairement à la ville, moyennant une promesse perpétuelle de service d'intérêt. Le remboursement du capital n'intervenant que dans des circonstances exceptionnelles, en absence de tout amortissement, la dette se maintient au fil du temps, s'aggrave en fonction des difficultés financières de la communauté, et le service des pensions constitue une lourde charge qui grève les recettes au fur et à mesure de leur rentrée. L'emprunt, dont l'émission et le remboursement sont placés sous la responsabilité du conseil de ville, fait partie des ressources permanentes de la communauté, sans qu'il soit un instrument économique. On ne peut retenir que sa nature financière : il constitue une ressource normale en cas de difficultés budgétaires. À tel point qu'en 1679, le pouvoir central s'intéresse à cette recette qui supplante l'impôt, pourtant préférable puisqu'il présente l'avantage de ne pas créer de charge pour les générations futures. Les mesures mises en place à partir de cette année marqueront le début du déclin de l'autonomie financière des communautés, celles-ci précédant l'encadrement électoral en 1692, et donc la fin de l'autonomie politique.
"Dette passive" (passive debt) and municipal finances - the example of Aix-en-Provence in the seventeenth century.
In the sixteenth and seventeenth centuries, the financial independence of cities was an essential element of community life. The loan, or the "passive debt," was thus a monetary payment of individuals to the city, in exchange for the perpetual promise of interest paid out to them. The reimbursement of the capital took place only under exceptional circumstances, there being no provision whatsoever for repayment: the debt remained throughout time. It worsened in relation to the financial problems of the community; and the payment of pensions constituted a heavy burden which put a strain on receipts as soon as they were collected. The loan, of which the granting and repayment were placed under the responsibility of the city, was part of the permanent resources of the community, without its being an economic instrument. Only its financial nature stands out: it constituted a normal resource in the event of budgetary difficulties. To such a point that in 1679, the central power became interested in this receipt which supplanted taxes but was nevertheless preferable since it had the advantage of not creating a burden for future generations. The steps taken from that year onwards marked the beginning of the decline of the financial autonomy of communities. These measures preceded the electoral framework in 1692, and thus the end of political autonomy.
U. Bellagamba
Les tentatives de réforme hypothécaire de la fin de l'Ancien Régime jusqu'au Code civil (1771-1804).
Les origines de la sûreté réelle qu'est l'hypothèque sont gréco-romaines. Si la nature de l'hypothèque est définie, la question de son régime reste longtemps posée. Les juristes de l'Ancien Régime mettent l'accent tantôt sur le consentement des parties tantôt sur l'autorité publique. La problématique de la publicité des hypothèques devient prégnante. Entre les nécessités de la pratique judiciaire et les résistances nobiliaires, l'Ancien Régime peine à trouver un système de publicité satisfaisant. Le xviiie siècle cumule les projets de réforme qui, tous, butent sur la question de la publicité de l'hypothèque et les enjeux fiscaux qui en découlent. L'édit de juin 1771 prévoit la création d'offices de conservateurs des hypothèques, mais le Parlement n'y voit qu'une mesure fiscale. Ses difficultés d'application ne lui permettent que de jouer le rôle d'un modèle doctrinal tardif, dans le Répertoire de Guyot. Après l'impossible publicité de l'Ancien Régime, le droit intermédiaire ne permet pas encore à l'hypothèque d'accéder à maturité. La Révolution se penche sur la question de la publicité hypothécaire et, malgré un bel unanimisme en sa faveur, aucun régime juridique uniforme ne voit le jour. La législation révolutionnaire, notamment la loi du 9 messidor an III, permet la création d'une Conservation Générale des Hypothèques, mais s'enlise dans des rivalités administratives. La dimension « économique » de l'hypothèque reste un problème que ne résolvent pas les lois de l'an VII. Le Code civil, compromis entre l'édit de 1771 et les principes de 1789, offre un système hypothécaire syncrétique mais insatisfaisant.
The attempts at mortgage reform from the late "Ancien Régime" until the Civil Code (1771-1804).
Real security or the mortgage is of Greco-Roman origin. If the nature of the mortgage was well defined, the question of how it worked has as yet to be answered. The jurists of the Ancien Régime at times emphasized the consent of the parties and at other times public authority. The problem of mortgage advertising became predominant. Between the requirements of legal practices and nobiliary resistance, the Ancien Régime struggled to find a satisfactory system of advertising. The seventeenth century accumulated plans for reform, all of which came upon the difficulty of mortgage advertisement and the ensuing financial stakes. The edict of 1771 provided for the creation of offices of land registrars, but the Parliament simply considered it as a fiscal measure. The problems of its implementation only allowed it to play the role of a late doctrinal model in Guyot's Répertoire. After the impossibility of advertising during the Ancien Régime, intermediate law still did not permit it to reach maturity. During the Revolution, the question of mortgage advertising was taken into consideration and, despite the fine unanimity in its favor, no uniform legal status came into being. Revolutionary legislation, notably that of the law of 9 Messidor year III, permitted the creation of a General Office of Land Registrar, but it became bogged down in administrative rivalries. The "economic" dimension of the mortgage remained a problem that was not solved by the laws of year VII. The Civil Code, a compromise between the edict of 1771 and the principles of 1789, offered a syncretic yet unsatisfactory mortgage system.
J.-L. Halpérin
La diffusion des coopératives de crédit en Europe* au XIXe siècle.
Les coopératives de crédit ont été, au xixe siècle en Europe, une tentative pour développer les prêts à faible taux d'intérêt en faveur des ouvriers, agriculteurs, artisans et petits commerçants. Elles ont particulièrement réussi en Allemagne avec les réseaux Schulze-Delitzsch et Raiffeisen. Les imitations des modèles allemands ont rencontré plus de difficultés en Italie et en France. La diffusion des coopératives de crédit, reposant sur la circulation des idées parmi les réformateurs sociaux, s'est heurtée à des obstacles structurels tenant aux spécificités nationales.
The growth of credit cooperatives in Europe in the nineteenth century.
Credit cooperatives were in nineteenth-century Europe an attempt to develop low-interest loans to workers, merchants, craftsmen or small shopkeepers. They had been particularly successful in Germany with the Schulze-Delitzch and Raiffeisen networks. The imitation of the models of the Germans met with more difficulty in France and Italy. The growth of credit cooperatives, based on the circulation of ideas among advocates of social reform, clashed with structural obstacles which were of a national nature.
A. Grilli
Législateur, juge et public : la répression de l'usure en Italie, de l'Ancien Régime au XXe siècle.
L'histoire de l'usure et de sa répression en Europe à la veille de l'âge contemporain est un carrefour où tradition et modernisation, héritage du droit canon et laïcisation de la société se rencontrent fatalement, sans pour autant que l'on puisse y identifier un partage net entre « catholiques » et « laïcs » : en effet, l'Église la condamne certes, mais aussi un grand nombre de « laïcs » considèrent que ce phénomène est nuisible à l'économie et donc à bannir. Cela est d'autant plus vrai en Italie : le poids de la tradition chrétienne y est fort, mais la « liberté de l'intérêt » est soutenue très fort par un nombre considérable d'hommes éclairés entre les xviie et xixe siècles. Ensuite, le législateur napoléonien « laïc » punit l'usure, mais le législateur italien également « laïc » de 1865 l'admet au nom de la liberté économique et d'initiative individuelle. Réprimer l'usure signifie donc réellement « moderniser » la société ? Le champ de l'usure nous offre également un exemple d'autonomie du juge par rapport au législateur : appelé à réprimer, dans le vide laissé par un législateur civil et pénal « libéral », les cas — ils sont nombreux ! — où l'usure se confond avec la fraude, le pacte léonin ou illicite contractuel, le juge est « laissé seul ». Par conséquent la tentative des juges de « construire » un appareil interprétatif qui leur permette de sanctionner le plus efficacement possible ce phénomène constitue un exemple original de leur autonomie par rapport au législateur. À partir de 1930, le législateur empruntera à nouveau le chemin de la punition de l'usure, d'abord sous les contours autoritaires du régime fasciste, puis sous ceux démocratiques de la législation d'après-guerre. Mais le problème de toujours reste bien actuel : à partir de quel seuil d'intérêt l'usure devient-elle punissable ? Et surtout : comment reconnaître et démasquer ce caméléon derrière les apparences de rapports juridiques et contractuels apparemment licites ?
The legislator, the judge and the public: the repression of usury in Italy from the Ancien Régime to the twentieth century.
The history of usury and of its repression in Europe at the eve of the contemporary age was a crossroads, where tradition and modernization, the legacy of canon law and the secularization of society unavoidably came together without, however, our being able to identify a clear distinction between "Catholics" and "laymen." Indeed, the Church condemned the practice, of course, but a great many "laymen" also considered that it was harmful to the economy and was thus to be prohibited. This was all the more true in Italy where the weight of Christian tradition was strong, but the "freedom of interest" was very strongly supported by a considerable number of enlightened men between the seventeenth and nineteenth centuries. Later the Napoleonic "layman" punished usury while the Italian legislator of 1865, who was also a "layman," admitted it in the name of economic freedom and individual initiative. Did the suppression of usury therefore mean "modernizing" society? The field of usury also offers us an example of the autonomy of the judge in relation to the legislator. Called to crack down on the practice, the judge was "left on his own" in the gap in the law left by the "liberal" civil and criminal legislator. There were numerous cases where usury and fraud, and the Leonin or illicit contractual agreement were mixed. Consequently, the judges' attempt to "build" an interpretive system which would allow them to punish this phenomenon as effectively as possible constituted an original example of their autonomy in relation to legislators. From 1930 onwards, the legislator would again take the path of the punishment of usury, first under the fascist government's authoritarian line, then under post-war democratic legislation. But today the problem has as yet to be solved: beyond what level of interest does usury become punishable? But above all, how can the chameleon, behind the appearance of legal and contractual relationships which were apparently lawful, be recognized and unmasked?
R. Hepting
Le développement des sûretés réelles principales en droit allemand et français.
L'étude comparée du développement des principales sûretés réelles en France et en Allemagne démontre que les deux systèmes juridiques s'inspirent des mêmes bases de droit positif : tant le BGB que le Code civil placent en premier lieu le gage en matière de meubles et l'hypothèque accessoire en matière d'immeubles. Dans les deux ordres juridiques, il s'est avéré que ces sûretés n'étaient plus adaptées aux besoins de l'économie moderne. En matière de sûretés immobilières, le BGB connaît, à côté de l'hypothèque accessoire, la « dette foncière » non accessoire. Celle-ci ne fait certes l'objet que de quelques dispositions légales mais sa qualité d'instrument légal a permis au secteur de crédit d'y recourir et de l'aménager en fonction des besoins. En matière de sûretés mobilières, le gage a cédé la place au « transfert à titre de garantie ». Cette institution permet de transmettre au créancier la propriété du bien grevé sur la base d'un accord fiduciaire engageant le créancier à ne disposer du bien qu'en cas de non exécution de l'obligation garantie par le débiteur. Le principe d'abstraction en droit allemand — divergent du principe consensuel en droit français — y révèle particulièrement son utilité : le transfert en sa qualité d'acte juridique abstrait et neutre peut non seulement être rattaché à un contrat de vente mais aussi à une « convention de garantie » dont le rôle est de limiter les droits du créancier de disposer librement du bien. Les deux instruments de sûretés réelles, à savoir la dette foncière et le transfert à titre de garantie, ont pour point commun de ne pas être qualifiées comme accessoires par la loi. L'articulation entre la sûreté et l'obligation à garantir résulte d'une convention de garantie. Ceci explique le succès de ces deux institutions : les établissements de crédit pouvaient au regard de la liberté contractuelle mettre en place des conventions de garantie adaptées à chaque cas d'espèce et répondre aux exigences de la pratique. Aujourd'hui, la dette foncière et la convention de garantie se sont imposées devant le gage et l'hypothèque.
The development of main real guarantees in German and French law.
A comparative study of the main real sureties in France and Germany shows that the two legal systems were inspired by the same basis in positive law: both the BGB and the Civil Code consider as most important the pledge as regards movables and the accessory mortgage as regards immovables. In both legal systems these sureties have proven that they are no longer adapted to modern economy. As far as immovable sureties are concerned, the BGB, had at its disposal, in addition to the accessory mortgage, the non-accessory "property loan." The latter was only the subject of a few legal provisions, but its instrumental quality allowed the credit sector to use it and to adjust it according to its needs. As far as movable guarantees are concerned, the pledge gave way to the "transfer as security." This institution allowed the transmission of the mortgaged property to the creditor on the basis of a fiduciary agreement committing the creditor to take possession of the property only in the case of non-compliance with the obligation guaranteed by the debtor. The principle of abstraction in German law differs from the consensual principle in French law and particularly shows its usefulness: the transfer in its quality of an abstract and neutral legal act can not only be joined to a sales contract but also to a "security agreement" whose role is to limit the rights of the creditor to take possession freely of the property. The two instruments of real guarantees, that is to say the property loan and the transfer as security, have in common the fact that they are not qualified as accessory by the law. The link between the surety and the guaranty obligation is the consequence of a security agreement. This explains the success of these two institutions: credit establishments could from the freedom of contract viewpoint set up security agreements adapted to each situation and meet the needs of this practice. Today the property loan and the security agreement have become more predominant than the pledge and the mortgage.
G. Trimaille
Le rôle de la Banque de France selon Adolphe Thiers.
Face aux évolutions économiques et sociales que connaît la France dans la seconde moitié du xixe siècle, la Banque de France est appelée à jouer de nouvelles fonctions. Adolphe Thiers, particulièrement attentif aux questions monétaires, se prononce, dès 1840, en faveur d'une évolution du rôle de la Banque de France vers le statut d'une banque centrale d'émission. Lors de l'enquête de 1865 et 1866, portant sur la circulation monétaire et fiduciaire, Thiers s'exprime à nouveau sur le sujet ; il considère que la Banque de France doit également assurer la concentration des réserves métalliques tout en manœuvrant avec prudence l'élévation du taux d'escompte.
The role of the Banque de France according to Adolphe Thiers.
When confronted with the economic and social development that France was experiencing in the second half of the nineteenth century the Bank of France was called upon to assume new responsibilities. Adolphe Thiers, particularly attentive to monetary questions as early as 1840, declared that he was in favour of the development of the role of the Bank of France towards the statute of a central bank regulating the circulation of money. During the survey which took place in 1865 and 1866 concerning the circulation of currency and fiat money, Thiers again expressed his opinion on the subject; he considered that the Bank of France, also had to insure the concentration of metal reserves while carefully manoeuvring the increase in the discount rate.
S. Kotovtchikhine
La Société de Crédit mutuel agricole de Pouilly-en-Auxois (1896-1926).
La loi Méline du 5 novembre 1894 marque la naissance du Crédit agricole « officiel ». Pour les républicains modérés « agrariens », cette loi qui vise à répondre aux besoins de redressement de l'agriculture est aussi un moyen de « gagner définitivement les campagnes à la République ». Ainsi, la création à Pouilly-en-Auxois de la première Société de Crédit mutuel agricole de la Côte-d'Or en mars 1896, a contribué à consolider l'assise républicaine dans ce canton traditionnellement conservateur. L'étude du fonctionnement de cette caisse locale pendant ses trente premières années (1896-1926) nous montre qu'elle a été dirigée par des notables républicains, avec une continuité dans l'exercice du pouvoir, et que son but a été de prêter aux « petits » agriculteurs, facilitant surtout les opérations courantes de l'agriculture. Cette étude nous permet aussi d'examiner l'évolution du cadre législatif en matière de crédit agricole : l'établissement du warrant agricole sans dépossession par la loi de 1898, l'introduction des crédits à longs termes individuels par la loi de 1910, l'élargissement à des sociétaires autres que des syndiqués par la loi de 1920, et la création de la Caisse nationale de Crédit agricole par la loi de 1926. Le succès du Crédit mutuel agricole, un nouveau mode d'intervention des pouvoirs publics, a été assuré par le soutien très actif de l'État.
The "Société de Crédit mutuel agricole" in Pouilly-en-Auxois (1896-1926).
The Méline law of 5 November 1894 marks the birth of the "official" Crédit agricole. For moderate "agrarian" republicans this law, which aimed at meeting the needs of the recovery of agriculture, was also a mean to "win the campaigns for the Republic once and for all." Thus, the creation of the first Société de Crédit mutuel agricole in Côte-d'Or (Pouilly-en-Auxois) in March 1896 contributed to the consolidation of the republican base in this traditionally conservative district. The study of how this local agency worked during its first thirty years (1896-1926) shows us that it was managed by notable republicans with continuity in the exercise of power, and that its aim was to lend to "small" farmers, which especially facilitated everyday agricultural operations. This study also allows us to examine the development of the legislative framework concerning agricultural credit: the setting up of an agricultural warrant without divesting by the law of 1898, the introduction of individual long-term credit through the law of 1910, the broadening of the customer base to others than those unionized under the law of 1920, and the creation of a national Office of the Crédit agricole under the law of 1926. The success of the Crédit mutuel agricole, a new method of intervention by the authorities, was made possible through the very active support of the State.