Société pour l'Histoire du Droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois et romands
Tome 61 (2004) : résumés des articles
- G. David : Les chartes de franchises du comté de Bourgogne aux XIIIe, XIVe et XVe siècles.
- J. Gay : Le travail dans la vigne jurassienne au cours de la seconde partie du Moyen Âge.
- P. Gresser : Des « mesusants » et « mesus » méconnus : les pyromanes forestiers et les arbres incendiés dans le comté de Bourgogne aux XIVe et XVe siècles
- S. Bepoix : Le parlement de Dole au temps de Jean sans Peur (1404-1419).
- C. Thevenaz Modestin : Un juriste au cœur des conflits : Jean Bagnyon au service des villes de Lausanne et de Genève (XVe siècle).
- G. Tarbochez : Déviances et délinquance du clergé dijonnais (XVe siècle - milieu XVIe siècle).
- M.-Th. Allemand-Gay : Le lieutenant général de police de Nancy, agent d'ordre.
- P. Sturmel : De quelques comportements matrimoniaux en Haute-Saône au XVIIIe siècle.
- S. Evrard : Entre « piraterie littéraire » et droit d'auteur : l'affaire Buffon, les juges et la contrefaçon (1789-1805).
- N. Laurent : La loi du 14 mars 1818 sur la réorganisation et le recrutement de l'armée, dite loi Gouvion-Saint-Cyr.
- J.-J. Clère : Remarques introductives sur la preuve par témoins en droit civil français.
G. David
Les chartes de franchises du comté de Bourgogne aux XIIIe, XIVe et XVe siècles.
L'attribution des chartes de franchises du comté de Bourgogne au Moyen Âge s'inscrit, malgré son apparition tardive, dans le contexte d'expansion économique et démographique qui a concerné l'Occident médiéval depuis le xe siècle jusqu'au milieu du xiiie siècle. Les seigneurs possesseurs du sol les ont accordées dans la perspective de revenus supplémentaires, et afin aussi de satisfaire les revendications de populations plus nombreuses qui désiraient accroître leurs revenus dans le cadre de redevances dont le montant et la perception seraient définis par un contrat entre les deux parties, contrat fixé par l'écrit qui garantissait les intérêts du seigneur et de ses sujets. L'attribution des chartes du comté de Bourgogne au Moyen Âge commence en 1229. Après un démarrage assez lent, elle se poursuit à un rythme plus rapide, puis on constate une accélération remarquable jusque dans les années 1360. À cette date, plus des deux tiers des chartes ont été accordées. Le sud du comté et les agglomérations du nord-est, de la vallée du Doubs au comté de Montbéliard, participent d'un premier dynamisme. À la fin du xive siècle et au xve siècle, ce sont des localités de l'actuel département de la Haute-Saône et du nord-ouest du département du Doubs, qui en est limitrophe, qui à leur tour sont affranchies. Les comtes de Bourgogne, les grandes familles seigneuriales richement possessionnées parmi lesquelles on doit retenir les Chalon, les comtes de Montbéliard, les Neublans Vienne et les seigneurs qui leur sont apparentés, les seigneurs de Joux, les Neuchâtel Comté et les Neuchâtel Suisse, de grands vassaux du duc-comte de Bourgogne, certains seigneurs ecclésiastiques ont tout au long de ces trois siècles affranchi leurs principales possessions. Les motifs qui ont poussé les seigneurs à accorder des franchises sont exprimés dans la plupart des préambules des chartes : recherche de profit, mansuétude du seigneur, règlement de conflit antérieur concernant certaines redevances, dédommagement à la suite d'un sinistre, récompense pour services rendus au seigneur. À partir de 1360, pour assurer la survie de la communauté accablée par les mortalités ou les « malheurs du temps », l'affranchissement des communautés apparaît comme le facteur indispensable au maintien des populations sur les domaines seigneuriaux, et une contribution à l'espoir de renaissance d'une prospérité disparue. Les chartes de franchises du comté de Bourgogne ont, depuis le xviiie siècle jusqu'à aujourd'hui, fait l'objet de nombreux articles et d'études globales par des historiens, des archivistes ou des membres des sociétés savantes régionaux. La presque totalité des textes que nous avons pu rassembler permettrait peut-être de compléter ce qui a déjà été étudié.
Franchise charters in the county of Burgundy in the thirteenth, fourteenth and fifteenth centuries.
The granting of franchise charters in the county of Burgundy in the Middle Ages, in spite of its late occurrence, comes within the context of the demographic and economic expansion concerning the medieval West from the tenth to the thirteenth century. The lords who possessed the land granted them in prospect of additional revenue, as well as to satisfy the claims of the growing populations who wanted to increase their revenue within the framework of rents of which the amount and collection would be set down in a contract between the two parties. This contract was to be written and would guarantee the interests of the lord and of his subjects. The granting of franchise charters in the county of Burgundy in the Middle Ages began in 1229. After a rather slow start, it continued at a more rapid rhythm before a remarkable increase in pace until the 1360's. At that time, more than two thirds of the charters had been granted. The south of the county and the towns of the north-east, from the Doubs valley to the county of Montbéliard, participated in a first dynamic stage. In the late fourteenth century and the fifteenth century, it was the towns and villages of what is now the Haute-Saône and the north-west of the department of the Doubs, which were granted franchise charters. The counts of Burgundy, the wealthy seigniorial families among which must be mentioned the Chalons, the counts of Montbéliard, the Neublans Vienne and the lords related to them, the lords of Joux, the Neuchâtel Comté and the Neuchâtel Suisse, high-ranking vassals of the duke-count of Burgundy, certain ecclesiastical lords had all throughout these three centuries freed their principal possessions of their domination. The motives which incited the lords to grant franchises are expressed in most of the preambles to the charters: desire for profit, leniency of the lord, settlement of a former conflict concerning certain rents, damages following a disaster, reward for services rendered to the lord. From 1360 onwards, so as to insure the survival of the community burdened by the mortalities or "the misfortunes of the times", enfranchising communities appeared to be an indispensable factor to keeping the populations on the seigniorial domains and a contribution to the hope of the renewal of a former state of prosperity. The franchise charters of the county of Burgundy have, from the eighteenth century to the present, been the subject of numerous articles and comprehensive studies by historians, archivists or members of regional learned societies. Almost all of the texts that we have been able to bring together would perhaps permit us to complete what has already been studied.
J. Gay
Le travail dans la vigne jurassienne au cours de la seconde partie du Moyen Âge.
Le travail dans la vigne jurassienne au cours de la seconde partie du Moyen Âge est défini par quelques chartes de franchises et par les conventions au profit de particuliers. Il consiste d'abord dans le souci de planter des vignes ; charité et économie l'inspirent successivement. L'entretien de la vigne en est le second aspect ; les corvéables d'une part, les censitaires d'autre part doivent mettre la vigne en bon état d'exploitation. Enfin, les manquements à ces devoirs constituent des délits qui sont assortis de sanctions pécuniaires devenant de plus en plus sévères avec le temps, voire de prononcés d'excommunication.
Work in the vineyards of the Jura Mountains in the second half of the Middle Ages.
Work in the vineyards of the Jura Mountains in the second half of the Middle Ages was defined by franchise charters and by agreements to the advantage of individuals. It first consisted of the concern of planting the grapevines: charity and economy successively were its inspirations. The care of the vines was the second aspect: those liable to the corvée on the one hand, and those liable to the cens on the other had to put the vineyard in a proper state so that it could be exploited. Failing to do one's duty constituted an infraction which was punishable by fines which became more and more severe as time went on, even to the point of a pronouncement of excommunication.
P. Gresser
Des « mesusants » et « mesus » méconnus : les pyromanes forestiers et les arbres incendiés dans le comté de Bourgogne aux XIVe et XVe siècles
Si les incendies ont toujours été un fléau au cours de l'histoire, pour le Moyen Âge c'est surtout à propos des bâtiments qu'ils ont retenu l'attention des historiens. L'étude des pyromanes forestiers et des arbres brûlés par les hommes forme donc un thème original et méconnu. Grâce aux comptes de la gruerie (office chargé d'administrer et de gérer les eaux et forêts des comtes de Bourgogne aux xive et xve siècles), il est possible de connaître les coupables (« mesusants ») et leurs fautes (« mesus ») de 1353 à 1428. Au total il y eut 106 délinquants. Dans leur immense majorité, il s'agissait de paysans dont on peut savoir l'origine géographique (54 fois) et les liens de parenté (24 fois). Parmi les 38 délits commis dans les bois, 12 furent des incendies de forêts. Mais, constatation surprenante, les paysans qui brûlèrent des arbres fruitiers plantés sur leurs terres furent considérés comme des délinquants, jugés et condamnés.
Little-known "mesusants" and "mesus": forest arsonists and the trees burned in Burgundy during the fourteenth and fifteenth centuries.
If fires have always been a curse throughout history, when dealing with the Middle Ages it was especially to the burning down of buildings that historians accorded their attention. The study of forest arsonists and trees burned down by men thus forms an unknown as well as an original subject. Thanks to the accounts of the "gruerie" (the office in charge of administering and managing the forests of the county of Burgundy in the fourteenth and fifteenth century), it is possible to know the guilty parties, the "mesusants", and their infractions, the "mesus", from 1353 to 1458. There was a total of 106 offenders. The great majority of the cases consisted of peasants whose geographical origin (54 times) and kinship (24 times) can be known. Among the 38 offences committed in the woods, 12 were forest fires. But a surprising observation can be made: the peasants who burned fruit trees planted on their land were considered to be offenders, tried and sentenced.
S. Bepoix
Le parlement de Dole au temps de Jean sans Peur (1404-1419).
Le Parlement de Dole au temps de Jean sans Peur (1404-1419) eut pour particularité de ne pas multiplier les sessions. Trois sont assurées par les sources et seules deux nous sont connues dans leur intégralité, celle de 1405 et celle de 1413. Le Parlement s'est également tenu en 1407, mais les comptes concernant cette année ne nous sont pas parvenus. Une présentation générale permet d'aborder le rôle et la composition du Parlement en cette fin de Moyen Âge. Deux types de causes étaient traitées : les causes en appel et celles jugées en premier ressort. Ces dernières concernaient principalement les nobles et les officiers comtaux. Une étude des dépenses engendrées par la tenue de la Cour permet de constater que les salaires des personnes siégeant en Parlement pesaient très lourd, tandis que les sommes dépensées pour les enquêtes paraissaient très secondaires. Enfin, l'étude précise des deux sessions que nous révèlent les sources, montre le nombre pléthorique d'appels mais aussi des causes jugées en première instance portant principalement sur des actes de violence.
The Parlement of Dole at the time of John the Fearless (1404-1419).
The Parlement of Dole at the time of John the Fearless (1404-1419) had the characteristic of not holding many sessions. Three are confirmed in our research sources and only two of these are known in full, that of 1405 and 1413. A session of Parlement was also held in 1407 but the accounts concerning this year are not available. A general presentation allows us to have a look at the role and the composition of the Parlement at the end of the Middle Ages. Two types of cases were brought before the Court: appeal cases and first instance cases. The latter mainly concerned the nobles and the officers of the counts. A study of the costs generated by holding Court brings out the fact the the salaries of the people sitting in Parlement was a very heavy expense, while the amounts spent on investigations seem to be of a much lesser nature. Finally the study brings out specific details of the two sessions documented in the sources, shows not only the excessive number of appeals but also of the cases tried in the first instance principally concerning acts of violence.
C. Thevenaz Modestin
Un juriste au cœur des conflits : Jean Bagnyon au service des villes de Lausanne et de Genève (XVe siècle).
Jean Bagnyon, un juriste actif à Lausanne puis à Genève dans la seconde moitié du xve siècle et aussi l'auteur du Roman de Fierabras (1478), s'est trouvé impliqué à diverses reprises dans les conflits politiques de son temps. Membre du Conseil de la ville inférieure de Lausanne entre 1472 et 1474, puis entre 1479 et 1481, il met durant cette dernière période ses compétences juridiques au service de sa ville en lutte contre son évêque : il rédige des documents d'appel, copie et traduit les franchises de la ville, et s'implique surtout dans le projet d'union de la Cité et de la Ville inférieure de Lausanne, qui — grâce à ses nombreuses démarches juridiques, que l'on peut suivre pas à pas — aboutira en 1481. Il est élu en 1481 premier syndic de la ville unifiée, dans une situation politique qui reste tendue avec l'évêque, à tel point que des hommes de ce dernier seront accusés d'avoir grièvement blessé Bagnyon dans un attentat. Réélu à la syndicature pour 1482-1483, il exerce ensuite d'autres fonctions à Lausanne jusqu'en mai 1484 au moins. Dès janvier 1487, on le retrouve à Genève. À la suite d'une consultation par le Conseil de cette ville, il rédige un traité, qui sera le premier texte juridique à être imprimé à Genève : le Tractatus potestatum dominorum et libertatum subditorum. Dans cette œuvre, Bagnyon tente de montrer que Genève n'est pas soumise aux demandes de subside savoyardes. Sa carrière est un exemple frappant de l'implication des juristes dans les affaires des villes romandes au xve siècle.
A jurist in the heart of conflicts: Jean Bagnyon in the service of the cities of Lausanne and Geneva (fifteenth century)
Jean Bagnyon, an active jurist in Lausanne and then in Geneva in the second half of the fifteenth century and also the author of the Roman de Fierabras (1478), several times found himself involved in the political conflicts of his time. A member of the lower town council of Lausanne between 1472 and 1474, then between 1479 and 1481, he used his legal competences to serve his city during the latter period by fighting against his bishop: he drafted appeal documents, copied and translated the franchises of the city and was especially involved in the plan to unite the City with the lower Town of Lausanne, which - thanks to the numerous legal procedures he initiated, which can be followed step by step-- was finalized in 1481. He was elected first syndic of the united city in 1481, and the political relations with the bishop remained strained to such a point that some of the men in the service of the latter were accused of seriously injuring Bagnyon in an assassination attempt. Reelected syndic for 1482-1483, he exercised other duties in Lausanne until May 1484 at least. As early as January 1487, he can be found in Geneva. Following a consultation by the city council, he drew up a treatise, which was to be the first written legal text to be printed in Geneva: the Tractatus potestatum dominorum et libertatum subditorum. In this work, Bagnyon tried to show that Geneva was not subject to pay the request from Savoy for grants. His career is a striking example of the involvement of jurists in city affairs in French-speaking Switzerland during the fifteenth century.
G. Tarbochez
Déviances et délinquance du clergé dijonnais (XVe siècle - milieu XVIe siècle).
À la fin du Moyen Âge et au début de l'époque moderne, Dijon abritait de nombreux établissements religieux séculiers et réguliers à l'intérieur de ses remparts et dans ses faubourgs. La proportion de clercs au sein de la population de la capitale des ducs de Bourgogne était donc importante. Leur activité a d'ailleurs laissé de multiples traces dans les archives locales, y compris dans celles de la justice communale. En effet, les prêtres et les chapelains dijonnais ont régulièrement été la cible des membres de leur entourage (parents, domestiques, confrères...) dans des affaires de vols, de règlements de comptes ou de violences verbales. Très souvent, les agresseurs justifiaient leur attitude brutale par le comportement déviant, avéré ou simplement supposé, de leurs victimes. Selon eux, il fallait punir les écarts de conduite des ecclésiastiques pervertis. Certes, quelques clercs dijonnais ne respectèrent pas les règles de continence et de maîtrise de soi imposées par l'état sacerdotal. Plusieurs chapelains des églises paroissiales furent ainsi accusés de fréquenter les tavernes, de s'adonner au jeu, de blasphémer et de se battre entre eux ou contre des laïcs pour des motifs plus ou moins clairs et avouables. De leur côté, les choriaux de la chapelle ducale étaient considérés comme des éléments perturbateurs. De fait, il leur arrivait fréquemment de perturber la tranquillité des bourgeois à l'occasion de véritables équipées nocturnes dont l'objectif principal était de défier les magistrats municipaux auxquels ils échappaient en raison de leurs privilèges. Les viols ou les adultères étaient encore moins bien supportés par la population, d'autant plus que ces crimes étaient peu sanctionnés par les autorités ecclésiastiques en regard des peines infligées aux prêtres coupables de fautes dans l'exercice du service divin.
Deviancy and criminality of the clergy in Dijon (fifteenth century - mid-sixteenth century).
In the late Middle ages and in the early modern era, Dijon had numerous secular and regular religious institutions within its city walls as well as in its outskirts. The proportion of clerics within the population of the capital of the dukes of Burgundy was thus considerable. Their activity left many traces in the local archives, including those of communal justice. Indeed, priests and chaplains in Dijon were regularly the target of those around them (family, servants, colleagues...) in cases of theft, in the settling of scores or in verbal violence. Very often, the aggressors justified their brutal attitude by the deviant, recognized or simply suspected, behavior of their victims. In their opinion, the misconduct of the perverted ecclesiastics had to be punished. Of course, a few clerics in Dijon did not respect the rules of continence and self-control imposed upon the priesthood. Many chaplains of parish churches were accused in this manner of frequenting taverns, of being addicted to gambling, of blaspheming and of fighting among themselves or with laymen for motives that were more or less clear and disreputable. For their part, the "choriaux" of the ducal chapel were known for being rowdy. In fact, it was often that they disturbed the peace of the bourgeois during veritable night-time jaunts whose main objective was to defy the municipal magistrates whose authority they were able to elude thanks to their privileges. Rape and adultery were even less well tolerated by the population, all the more so as these crimes were lightly punished by the ecclesiastic authorities in comparison to the penalties imposed upon priests guilty of misconducts in the exercise of their sacred duties.
M.-Th. Allemand-Gay
Le lieutenant général de police de Nancy, agent d'ordre.
Les ducs Charles III, à la fin du xvie siècle, puis Léopold, au début du xviiie siècle, rénovent les institutions du duché ; notamment est créé l'office de lieutenant général de police imitant l'institution parisienne ; cet officier agit en concours avec l'hôtel de ville de Nancy, encore que chacun ait des domaines réservés. Huit personnages exercent successivement ces fonctions et l'un d'entre eux, Durival, montre dans son Journal ce que fut son activité de 1760 à 1768 : il maintient l'ordre et organise la milice à partir du contrôle des aptitudes physiques et de l'âge, en ayant recours au tirage au sort ; il multiplie les règlements pour le maintien de l'ordre et suscite une sectorisation de la police en ayant le droit de juger par prévention ; il contrôle les personnes suspectes et dangereuses ainsi que les étrangers ; son action s'étend au monde rural avoisinant Nancy. Mais ses attributions demeurent étroitement contrôlées par les représentants ducaux et royaux. En outre, il doit tenir compte des prétentions du commandant en chef, lui même en conflit avec la cour souveraine, appelée à devenir le parlement de Nancy.
The lieutenant general of police of Nancy, as an order agent.
Duke Charles III in the late sixteenth century, then duke Leopold in the early eighteenth century renewed the institutions of the duchy; notably, the office of lieutenant general of police was created in imitation of the Parisian institution. This officer worked in conjunction with the municipality of Nancy, although each had reserved areas of intervention. Eight people held this position successively and one of them, Durival, revealed in his diary the details of his activity from 1760 to 1768: he maintained order and organized the militia according to physical ability and age by drawing lots; he increased the number of rules so as to maintain order and encouraged the division into sectors of the police having the right to judge by prevention; he controlled suspicious and dangerous individuals as well as foreigners; his range of action extended into the rural areas around Nancy. His attributions remained tightly controlled by the ducal and royal representatives. In addition, he had to take into account the pretensions of the commander-in-chief who was in conflict with the sovereign court which was to become the Parlement of Nancy.
P. Sturmel
De quelques comportements matrimoniaux en Haute-Saône au XVIIIe siècle.
Les comportements matrimoniaux observés en Haute-Saône au xviiie siècle permettent de nuancer assez fortement les antagonismes traditionnellement établis entre pays de coutumes et pays de droit écrit. La Franche-Comté est censée être un pays de droit écrit, mais les références à sa coutume sont nombreuses, laquelle coutume on s'empresse d'écarter textuellement lorsqu'elle ne convient plus. Bref, les choses ne sont pas figées, les concepts évoluent, à tel point qu'on peut se poser la question de savoir si les termes même de douaire, de propres, de « communions », etc., ont gardé la signification qu'on leur prête habituellement. À travers deux aspects du mariage, la communauté et la « communion », nous tenterons de répondre à cette question, ce qui nous permettra de relever l'originalité indéniable de la coutume de la Comté.
A few matrimonial behavioral patterns in Haute-Saône in the eighteenth century.
The matrimonial behavioral patterns observed in Haute-Saône in the eighteenth century allow us to give a much more precise description of the antagonisms traditionally established between "pays de coutumes" and "pays de droit écrit". Franche-Comté was supposedly a "pays de droit écrit", but the references to custom were numerous, although it was literally put aside with haste when no longer appropriate. In brief, the situation was not rigid, ideas changed to such a point that we may wonder whether the very terms of dower, "propres", "communions", etc. have kept the same meaning usually given to them. Through two aspects of marriage, community and "communion", we shall try to answer this question, which will allow us to note the unquestionable originality of custom in Comté.
S. Evrard
Entre « piraterie littéraire » et droit d'auteur : l'affaire Buffon, les juges et la contrefaçon (1789-1805).
Notre époque s'intéresse de près aux conséquences et aux sources de la contrefaçon, car ce fléau, répandu partout dans le monde, cause d'irrémédiables dégâts, de nature à la fois juridiques et fiscaux. Or, ce problème ne laissait déjà pas indifférents les pouvoirs publics et les juristes. Dès le xvie siècle, c'est-à-dire la création de l'imprimerie en Occident, la contrefaçon littéraire a suivi une ascension constante, en dépit des lourdes peines qui frappaient ceux qui en faisaient un usage prohibé. Aussi, au xviiie siècle, son usage est-il courant et certains juges s'en font même les complices. On aurait pu croire que la Révolution, en bouleversant le droit privé français, allait s'attaquer à ce mal endémique. Mais il n'en fut rien, car si la peine qui frappait les contrefacteurs fut singulièrement alourdie en juillet 1793, la sanction restait singulièrement inefficace, soit par la faiblesse des pouvoirs publics, soit encore par la difficulté d'interprétation du texte en question. Ce problème du sens de la loi, invoqué à titre d'excuse par un contrefacteur étranger pris sur le fait, aurait pu être résolu par le référé législatif, mais cette technique servant à l'interprétation des lois était alors entrée en décadence. C'est dans cette circonstance qu'une affaire opposa l'ayant droit du naturaliste Buffon à un imprimeur qui vendait son œuvre sans verser de redevances (1793-1805). Ce dernier se fondait sur le silence de la loi, et les premiers juges lui donnèrent raison. Par conséquent, cela laissait supposer que la copie illicite d'une œuvre littéraire n'était pas répréhensible, dans certaines conditions. Cette situation surprenante incita l'ayant droit à saisir les juges suprêmes par la voie de cassation. Aussi, lorsque le Tribunal de cassation fut saisi de l'affaire de contrefaçon, en l'an XI, il trancha le conflit en interprétant strictement la loi réprimant ce délit : il le fit dans un sens protecteur des créateurs afin de mieux protéger la propriété littéraire. Ce faisant, il punissait lourdement tous ceux qui osaient défier la Propriété, considérée comme l'une des plus importantes valeurs de l'époque. La jurisprudence suppléait ainsi au silence du législateur et devenait « la bouche de la loi ».
Between "literary piracy" and copyright; the Buffon case, the judges and unauthorized editions (1789-1805).
People in this day and age are closely interested in the consequences and the sources of counterfeiting since this worldwide scourge causes irreparable damage of both a legal and financial nature. This problem was of great interest to authorities as well as jurists in the past. As early as the sixteenth century, that is to say after the creation of the printing press in the western world, unauthorized copies of literary works were constantly on the increase, despite the heavy penalties imposed upon those who made an illegal use of it. Moreover, in the eighteenth century the practice was widespread and a certain number of judges were parties to this sort of infringement. It might have been thought that the advent of the Revolution, by drastically changing French private law, would tackle this endemic evil. However, this was not the case, because even if the penalty against counterfeiters was greatly increased in July 1793, the punishment remained quite ineffective, either because of the weakness of the authorities or because of the problems involved in interpreting the legal text in question. The matter of the meaning of the law, relied upon as an excuse by a foreign counterfeiter caught in the act, could have been resolved through a "référé législatif", but the use of this technique to interpret laws had at that time fallen into a state of decline. It is in these circumstances that a case brought the beneficiary of Buffon into conflict with a printer, who was selling the former's work without paying any royalties (1793-1805). The latter based his defense on the loopholes in the law and the judges who first heard the case ruled in his favor. Consequently, this gave the impression that an illegal copy of a literary work was not reprehensible in certain situations. This surprising verdict incited the beneficiary to take the case before a higher court on appeal. Therefore, when the "Tribunal de Cassation" heard the case in the year XI, it ruled using a strict interpretation of the law by punishing this crime to the advantage of authors so that literary property would be better protected. In so doing, it heavily punished all those who dared to defy Property, considered to be one of the most important values of the time. Judicial decisions thus compensated for the silence of the legislator and became "the mouth of the law".
N. Laurent
La loi du 14 mars 1818 sur la réorganisation et le recrutement de l'armée, dite loi Gouvion-Saint-Cyr.
La coalition européenne des années 1813-1814 ne vise pas la restauration de Louis XVIII sur le trône de France, mais bien la destruction de l'Empire issu de la Révolution et la mise sous tutelle de la France. L'armée, avec son contingent de demi-soldes, comme le reste du pays, est à reconstruire. Gouvion-Saint-Cyr, membre du parti constitutionnel et ministre de la Guerre, reprend par sa réforme la maxime du ministre de la Police Decazes : « Royaliser la nation, nationaliser le royalisme ». Par cette loi, on assiste au passage de la « chose du roi » à celle de la nation, même si le système est encore imparfait par les concessions faites aux notables. Pour atteindre le complet de paix fixé par la loi, le maréchal fait le choix d'un recrutement mixte. L'article 12 de la Charte de 1814 prohibant la conscription, le recrutement de l'armée se fait par engagements volontaires, reprenant en cela une pratique de l'Ancien Régime. Déficitaires avant même cette réorganisation militaire, les engagements peuvent être complétés par des appels « en cas d'insuffisance ». Ainsi, c'est au moyen d'une habile rhétorique qu'il est institué un recrutement constitutionnel, c'est-à-dire une forme de conscription déguisée. Gouvion-Saint-Cyr fait dès lors référence aux expériences révolutionnaires qui créèrent, par la levée en masse et la loi Jourdan-Delbrel, une première forme de service militaire obligatoire. Le maréchal se garde toutefois d'un retour à la « machine conscriptionnelle » napoléonienne, par le tirage au sort, instituant certes, une égalité devant le risque d'être tiré au sort, mais surtout une inégalité devant l'effectivité de l'obligation militaire. S'il réussit à faire adopter le principe de l'appel en cas d'insuffisance, Gouvion-Saint-Cyr doit procéder à quelques aménagements, dont le plus important est la possibilité offerte par le remplacement. Soumis au droit commun des contrats, le remplacement, quoiqu'en dise le ministère, crée un nouveau marché, avec cette théorie que le service militaire n'est qu'un impôt en hommes. Ceux que l'État ne peut imposer financièrement, il les impose par le service personnel. L'institution du remplacement, en différenciant l'état de soldat de celui de citoyen, cantonne le service militaire à une seule catégorie : la « vile multitude ». La loi Gouvion-Saint-Cyr n'instaure donc pas de service militaire obligatoire universel. En revanche, elle établit un véritable statut de l'officier en réglant son avancement par le mérite et l'ancienneté, selon cette vieille idée que le bâton de maréchal peut sortir de la giberne de chaque soldat. En jetant les bases de l'armée française, Gouvion-Saint-Cyr fait œuvre fondatrice. Il faudra attendre la guerre de Crimée pour la voir remise en cause.
The law of 14 March 1810 on the reorganization and the recruitment of the army, referred to as the Gouvion-Saint-Cyr law.
The European coalition of the years 1813-1814 did not aim at the restoration of Louis XVIII to the throne of France but in reality at destroying the Empire born of the Revolution and placing France under its own supervision. The army with its contingent on half-pay, like the rest of the country, was to be reconstructed. Gouvion-Saint-Cyr, a member of the constitutional party and the Minister of War, through his reform brought back into use the maxim of Decazes, the Minister of the Police: " Royalize the nation, nationalize royalism." With this law could be witnessed the passage of "the thing of the king" to that of the nation, even if the system was still imperfect due to concessions granted to the notables. In order to attain the complete number of peace-time soldiers required by law, the maréchal chose a mixed recruitment. Since Article 12 of the Charter of 1814 prohibited the conscription, army recruitment was done through voluntary enlistment, thus returning to the practice of the Ancien Régime. In deficit even before military reorganization, enlistments could be completed by calling up recruits "in the case of an insufficient numbe". Thus, it is by means of a very clever rhetoric that a constitutional recruitment was instituted, that is to say a form of disguised conscription. Gouvion-Saint-Cyr from that time on referred to the revolutionary experience which created the first sort of mandatory military service by the levy en masse and the Jourdain-Delbrel law. The maréchal was, however, very careful not to return to the Napoleonic "conscription machine," by drawing lots, admittedly establishing an equality concerning the risk of being chosen, but above all an inequality concerning effective mandatory military service. If he succeeded in having the principle of calling up recruits in case of insufficient numbers of enlistments adopted, Gouvion-Saint-Cyr had to be a bit flexible especially concerning the possibility offered by replacement. Subject to the habitual law of contract, replacement, whatever the minister might have said, created a new market, with the theory that military service was nothing more than paying a tax with men. Those whom the State could not tax financially, it taxed them through personal service. The institution of replacement, by differentiating between the state of soldier and that of citizen, confined only one category to military service: "the vile masses". The Gouvion-Saint-Cyr law thus did not establish universal mandatory military service. However, it established a true statute for the officer by defining his promotions through merit or seniority, according to the old idea that the maréchal's baton could come out of every soldier's cartridge pouch. By laying the cornerstone for the French army, Gouvion-Saint-Cyr was setting its foundation. This basis was not to be challenged until the Crimean War.
J.-J. Clère
Remarques introductives sur la preuve par témoins en droit civil français.
Tout le monde s'accorde à reconnaître l'importance de la preuve dans les différents systèmes juridiques. En matière de droit civil et de procédure civile, il est difficile de rassembler les différentes règles qui sont dispersées dans plusieurs lois. Parmi les différents modes de preuve, la preuve testimoniale est sans doute celle qui mérite le plus d'attention. À certaines époques de l'histoire, l'Antiquité et le Moyen Âge notamment, la preuve testimoniale formait le principal type de preuve sans qu'il existât un quelconque exclusivisme. D'ailleurs, à l'époque ancienne des actions de la loi, à Rome, la confusion de la preuve et du rite formaliste strict effaçait la spontanéité du témoignage. À partir du Bas Empire, la preuve testimoniale fait l'objet d'une certaine méfiance aggravée par la mise en place d'un régime de preuves légales. Avec l'époque franque, les modes de preuves rationnels, témoignages et écrits, déclinent rapidement au profit du serment, des ordalies et du duel judiciaire. C'est avec la renaissance du droit romain et la formation du droit canonique que s'opèrent le réveil et le renouveau de la preuve testimoniale. C'est dans le droit savant que se trouve l'origine de la règle « témoins passent lettres ». Au début des Temps Modernes, la législation royale et le développement du notariat préparent le renversement de l'ancienne maxime par l'ordonnance de Moulins (1566). Depuis cette date, « lettres passent témoins » pour tous les contrats portant sur une somme supérieure à 100 livres, et l'ordonnance d'avril 1667 ne limitait plus les dispositions aux contrats mais les étendait à tous les actes civils publics ou privés. Les rédacteurs du Code civil reprirent pour l'essentiel ces règles. Sans être prohibée, la preuve testimoniale était reléguée à une place subalterne. À partir de la fin du xixe siècle, une réaction se dessina pourtant. La jurisprudence notamment interpréta de façon extensive les exceptions prévues par les articles 1347 et 1348 du Code civil et considéra comme des preuves écrites des instruments qui n'avaient pas été prévus comme tels par le législateur. Le renouveau de l'enquête en matière civile et la comparution personnelle des parties à la demande du juge ont également contribué à redonner un nouveau souffle à la preuve testimoniale. Pour autant, la tendance consacrée par l'ordonnance de Moulins n'a pas été inversée. La preuve testimoniale demeure toujours incertaine et le juge se tourne désormais vers la preuve par indices.
Introductory remarks on evidence from testimony by witnesses in French civil law.
Everyone agrees to the fact that evidence in the different judicial systems is important. Concerning civil law and civil procedure, it is difficult to bring together the different rules which are dispersed throughout several laws. Among the different sorts of evidence, testimony by witnesses is no doubt that which is the most worthy of our attention. At certain periods in history, notably in Antiquity and the Middle Ages, evidence from testimony was the main type of evidence without, however, the exclusion of any other sort whatsoever. Moreover, in Rome, at the very beginning of the actions of the law, the confusion between evidence and the strict formalistic rite obliterated the spontaneity of testimony. From the Bas Empire onwards testimony was subject to a certain distrust accentuated by the establishment of a system of legal evidence. During the Frankish era the types of rational testimony, oral or written, were rapidly replaced by the oath, ordeals and legal duels. It was with the revival of Roman law and the development of canon law that the awakening and the rebirth of evidence from testimony came about. It is in scholarly law that the origin of the rule témoins passent lettres can be found. In early Modern Times royal legislation and the development of the profession of notaire paved the way for reversing this ancient maxim by the Ordinance of Moulins (1566). Since that time, lettres passent témoins has been valid for all contracts dealing with an amount superior to 100 pounds, and the ordinance of April 1667 no longer limited the terms to contracts but broadened them to include any civil act, whether public or private. The drafters of the Civil Code took up the essential ideas of these rules. Without going so far as to be prohibited, testimony was relegated to a secondary position. From the late nineteenth century, however, a reaction was apparent. Case law notably interpreted in an extensive manner the exceptions provided for by articles 1347 and 1348 of the Civil Code and considered as written evidence legal instruments for which the legislators had made no provision. The renewal of interest in investigations concerning civil cases and the personal appearance of the parties at the request of the judge have also contributed to the comeback of testimony. Despite this fact, the tendency established by the Ordinance of Moulins has not been reversed. Testimony still remains uncertain and henceforth the judge turns to evidence from clues.