Société pour l'Histoire du Droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois et romands
Tome 56 (1999) : résumés des articles
- C. Margalhan-Ferrat : Loup de Ferrières et la papauté : une question d'ecclésiologie carolingienne.
- S. Kotovtchikhine : La réformation de la coutume d'Auxerre : histoire externe.
- P. Gresser : Les donations de bois en Franche-Comté sous Marguerite de France (1361-1382).
- G. Néraud : Le bordelage en Nivernais : histoire d'une évolution.
- Y. Le Roy : Le comte Perron d'Auxerre, sa famille et la couronne de France.
- J.-L. Mariotte : L'ascension sociale d'une famille dijonnaise de juristes, les Blanot (xviie-xviiie siècles).
- É. Gasparini : La justice seigneuriale en Gévaudan à la veille de la Révolution française : l'exemple de Fau de Peyre.
- D. Tappy : Révolutionnaires vaudois et libertés médiévales : Jean-Jacques Cart et son Mémoire à consulter.
- P. Delaigue, S. Évrard, H. Richard : Le district de Chalon-sur-Saône et les autorisations de plaider aux communes (1790-1794).
- F. Laidié : La question des emblèmes séditieux en Côte-d'Or lors de la seconde Restauration (juillet 1815-juillet 1820).
- J.-J. Clère : Le socialisme municipal dans la jurisprudence et la doctrine du Conseil d'État (fin xixe-milieu xxe siècle).
- X. François : Un usage caractéristique des mutations sociales des xviie et xviiie siècles.
C. Margalhan-Ferrat
Loup de Ferrières et la papauté : une question d'ecclésiologie carolingienne.
L'historiographie moderne a coutume de simplifier la question des rapports entre l'église carolingienne et la papauté. Souvent à l'excès, parce que se référant essentiellement à certaines fortes personnalités du neuvième siècle : ainsi, la papauté connaît un état de relative faiblesse, lorsque Charlemagne est à la tête de l'empire. Au contraire, sa mort donne durablement à l'évêque de Rome, la possibilité de s'émanciper rapidement du joug impérial ou royal et partant de s'immiscer de plus en plus souvent dans les affaires des différents clergés « nationaux ». Pareille vision ne rend guère compte du rôle joué par certains prélats carolingiens, archevêques, évêques et parfois même abbés. Pendant près d'une vingtaine d'années, entre 840 et 860, c'est eux qui détiennent notamment en Francie occidentale les rênes du pouvoir. Certes, il leur faut quelquefois savoir composer, tantôt avec le roi, tantôt avec le pape, mais c'est eux, dès que les intérêts de l'église sont en jeu, qui donnent le ton. C'est ce que nous laisse entrevoir à diverses reprises quelques lettres de la correspondance de Loup, abbé de Ferrières.
Loup de Ferrières and the papacy : a question of Carolingiean ecclesiology.
Modern historiography customarily simplifies the relationship between the Carolingian church and the papacy. Oftentimes to excess, because the papacy traverses a period of relative weakness, when Charlemagne is at the head of the empire. On the contrary, his death durably allows the Bishop of Rome to become rapidly emancipated from the imperial or royal yoke and leaves him more and more often the possiblilty to interfere in the affairs of the different « national » clergy. Such a picture hardly takes into account the role played by certain Carolingian prelates, archbishops, bishops and at times even abbots. During almost twenty years, between 1840 and 1860, they are the ones who, at least in western France, hold the reins of power. Of course, they must occasionally know how to deal with the king at times and the pope at times, but they are the ones, as soon as the interests of the church are at stake, who set the pace. This is a glimpse of what we perceive several times upon reading a few letters of the correspondence of Loup, the Abbot of Ferrières.
S. Kotovtchikhine
La réformation de la coutume d'Auxerre : histoire externe.
La première rédaction de la coutume du bailliage d'Auxerre (1507) a été réformée en 1561, réformation qui s'inscrit dans la campagne menée par le Premier Président du Parlement de Paris, Christophle de Thou. Cet article est consacré à l'étude externe portant sur la mise en œuvre de la réformation (et dans un prochain article, une étude interne analysera les modifications apportées à de nombreux articles de la coutume). Dans la première partie, nous avons retracé les trois phases de la réformation : les travaux préparatoires, l'assemblée générale et la confection du texte solennel. Pour la première fois, nous avons étudié les comptes de la réformation qui apportent de précieux renseignements sur la procédure, les acteurs, les frais et les rémunérations. La deuxième partie s'intéresse aux contestations soulevées lors de l'assemblée générale touchant au champ d'application de la coutume d'Auxerre. Les contestataires revendiquent sans succès l'application d'une coutume locale ou d'une autre coutume (Sens, Troyes, Montargis-Lorris, Nivernais). Ces contestations s'expliquent vraisemblablement par le fait que l'étendue du bailliage d'Auxerre a été fixée entre les deux rédactions. Elles manifestent par ailleurs une certaine résistance à l'unification des coutumes dans le bailliage d'Auxerre, unification qui doit s'accompagner de l'affirmation de son bailliage.
The reform of the customary laws of Auxerre : external analysis.
The first text of the customary law of the bailiwick of Auxerre (1507) underwent a reform in 1561, the changes coming within the scope of the campaign led by the first President of the Parliament of Paris, Christophle de Thou. This article deals with an external analysis of the implementation of the reform (and in a future article, an internal study will analyse the changes brought about to many articles of the customary law). First, we have related the three stages of the reform : the preparatory work, the general assembly and the drafting of a formal text. For the first time, we have studied the accounting practices of the reform, which brought to light precious information about procedures, protagonists, expenses and salaries. The second part concerns the disputes arising during the general assembly about the sphere of application of the customary law of Auxerre. The protesters unsuccessfully demanded the implementation of a local customary law or that of another area (Sens, Troyes, Montargis-Lorris, the region of Nevers). These claims can probably be explained by the fact that the boundaries of the bailiwick of Auxerre were determined during the interval between the drafting of these two documents. They also show a certain resistance to the unification of customary laws in the bailiwick of Auxerre, a unification within a bailiwick of a defined territory.
P. Gresser
Les donations de bois en Franche-Comté sous Marguerite de France (1361-1382).
Grâce à la gruerie, institution créée dans la première moitié du xvie siècle pour administrer et gérer les eaux et forêts princières, le médiéviste dispose d'une série de comptes permettant de connaître avec précision l'histoire des étangs, cours d'eau et bois appartenant aux comtes de Bourgogne pendant les deux derniers siècles du Moyen Âge. Parmi tous les renseignements portant sur le couvert forestier, les comptes des bois donnés par la comtesse Marguerite de France (1361-1382) méritent de retenir l'attention puisqu'ils sont spécifiques de son principat. L'étude des listes de chênes permet de calculer que plus de 5 723 arbres ont été délivrés gratuitement par les gruyers pendant deux décennies. Si les forêts exploitées et les bénéficiaires des donations sont bien connus, il n'en est pas de même de l'utilisation des bois par les particuliers et les collectivités. Au total, une générosité qui ne saurait être détachée du contexte économique particulièrement défavorable de la seconde moitié du xive siècle.
Donations of wood in Franche-Comté under Marguerite of France (1361-1382).
Thanks to the « gruerie », an institution created in the first half of the sixteenth century to administer and manage the waterways and forests belonging to princes, the medieval historian has at his disposition a series of accounts giving him exact knowledge of the history of the ponds, and waterways belonging to the Counts of Burgundy during the last two centuries of the Middle Ages. Among all the information on the areas covered by forests, the accounts of wood given by the Countess Marguerite of France (1361-1382) deserve our attention since they are a particularity of her princedom. The study of the lists of oak trees shows that a figure of more than 5 723 were delivered free of charge by the « gruyers » during a twenty-year period. If the forests which were exploited and the beneficiaries of these donations are in fact known, this is not the case for the use of the wood by individuals or communities. All things considered, these are acts of generosity that cannot be considered out the economic context, one that was particularly unfavorable during the second half of the fourteenth century.
G. Néraud
Le bordelage en Nivernais : histoire d'une évolution.
Institution seigneuriale spécifique au Nivernais, devant être rangée dans la catégorie des mainmortes réelles, le bordelage apparut au xiie siècle et se répandit aux confins du duché de Bourgogne, du duché du Bourbonnais, du duché de Berry et du comté d'Auxerre. Très répandu dans la province de Nivernais, le bordelage connut de multiples évolutions jusqu'à la Révolution. D'abord portant sur des biens ruraux, l'institution fit son apparition dans les villes dès le xve siècle et devint un mode de tenure très prisé par la bourgeoisie, qui aimait bailler le domaine utile des immeubles dont elle faisait l'acquisition. Présentant des règles rigoureuses très impopulaires pour ses tenanciers bordeliers, notamment en matière successorale, le pragmatisme imposa des adoucissements à son égard, qui allèrent jusqu'à sa commutation en cens. Malgré des évolutions favorables aux tenanciers bordeliers, la contestation de l'institution demeura très vive du xvie siècle jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. Aboli à la fin du xvie siècle, dans la ville de Nevers, le bordelage fut fortement vilipendé dans les cahiers de doléances de 1789. La Nuit du 4 août et les textes révolutionnaires relatifs aux droits seigneuriaux et féodaux devaient sonner son arrêt de mort.
« Bordelage » in the region of Nevers : a story of change.
A seigniorial institution specific to the region surrounding Nevers, which should be classified in the category of « mainmortes réelles » ; bordelage appeared in the twelfth century and spread to the outermost bounds of the Duchy of Burgundy, the Duchy of Bourbonnais, the Duchy of Berry and the Comté of Auxerre. Very widely practiced in the province around Nevers, bordelage experienced a great many transformations up until the Revolution. First concerning rural property, the institution came to the cities as early as the fifteenth century and became a form of tenure that was greatly valued by the bourgeoisie, who liked to lease the useful property of the buildings which they acquired. Submitting the tenants of the bordelages to very unpopular rigorous rules, especially concerning inheritance taxes, pragmatism required them to adopt a less harsh attitude towards bordelage, which even went to the point of transforming it into « cens ». In spite of the changes which were favorable to these tenants, the opposition to the institution remained very strong from the sixteenth century to the end of the Ancien Régime. Abolished in the late sixteenth century in the city of Nevers, bordelage was strongly vilified in the cahiers de doléances of 1789. The Night of August 4 as well as the revolutionary documents relative to seigniorial and feudal rights were soon to pronounce its death sentence.
Y. Le Roy
Le comte Perron d'Auxerre, sa famille et la couronne de France.
Liée à Auxerre et à sa région, la branche capétienne de Courtenay descendait en ligne masculine de Louis VI le Gros. De 1603 à 1737, année de l'extinction de la descendance masculine, ses membres revendiquèrent vainement la qualité de prince du sang. En effet, la loi fondamentale de la succession au trône de France ne les comprenait pas parmi les successibles de la couronne, et des considérations juridiques, politiques et économiques s'opposaient à leur admission.
Count Perron d'Auxerre, his family and the crown of France.
Related to Auxerre and to its area, the capetian branch of the Courtenay was lineally descended by males from Louis the Fat. Since 1603 until 1737, year of the dying out of the last male descendant, its members claimed unsuccessfully to be named as « princes of the blood ». The reason was that the custom of succession to the throne did not entitle them to rise to the monarchy. Moreover law, political as well as economic reasons were against their raising and ranking among the heirs to the Crown.
J.-L. Mariotte
L'ascension sociale d'une famille dijonnaise de juristes, les Blanot (xviie-xviiie siècles).
Du xvie au xviiie siècle à Dijon et dans ses environs, la famille Blanot effectue une ascension sociale marquée. Des études de droit systématiques, nécessaires pour devenir administrateur, et leurs liens de clientèle avec plusieurs princes de sang royal leur permettent d'obtenir des offices prestigieux, comme ceux de magistrats au parlement de Dijon (xviiie siècle). Cela correspond à une stratégie d'ascension sociale traditionnelle mais il est rare d'identifier ces éléments avec autant de précisions. Cependant, les Blanot ne suivent pas le schéma classique selon lequel il n'y a pas à Dijon de statut social supérieur à celui de parlementaire. À la fin du xviiie siècle, ils optent pour une carrière militaire qui leur permet d'intégrer la noblesse sans ambiguïté. Ce choix atypique s'explique par un handicap initial, deux anoblissements avortés, et par un contexte louis-quatorzien où il faut prouver son appartenance à la noblesse.
The Blanots, a family of lawyers in Dijon, climb the social ladder from the sixteenth to the eighteenth century.
From the sixteenth to the eighteenth century in Dijon and the surrounding area, the Blanot family very noticeably climbs the social ladder. Systematic studies in the field of law, necessary to become high-ranking civil servants, and their relationships with clients of royal blood permit them to obtain prestigious offices, such as those of magistrates in the parliament of Dijon (seventeenth century). This corresponds to a strategy of social ascension but seldom can one identify these elements with such precision. However, the Blanots do not follow the usual pattern according to which no social level in Dijon is superior to that of a member of parlement. In the late seventeenth century, they choose military careers which unambiguously permits them to become part of the nobility. This atypical choice can be explained by an initial handicap, two aborted ennoblements, and a Louis XIV context where one had to prove one's membership in the nobility.
É. Gasparini
La justice seigneuriale en Gévaudan à la veille de la Révolution française : l'exemple de Fau de Peyre.
À la veille de la Révolution, les juridictions seigneuriales assurent une justice de proximité dont l'utilité a été relevée par les historiens du droit. L'exemple de la justice du Fau de Peyre, située dans le nord-Gévaudan, pays de droit écrit proche de l'Auvergne coutumière, permet de corroborer ce constat. Ses conditions d'exercice (composition du tribunal, procédure conforme à l'ordonnance de 1667) attestent de la rationalisation opérée par la monarchie sur ce type de juridiction. La justice seigneuriale du Fau de Peyre s'avère exclusivement civile et spécifique au milieu rural. Les causes entendues se répartissent en effet en litiges familiaux et plus particulièrement successoraux (répartition de la légitime, institution contractuelle, dot, pension), et en affaires agricoles (ventes non réglées, bornages contestés, utilisation des communaux...). Il est à noter l'absence d'affaire féodale au moment où a lieu dans la région et ailleurs une recrudescence des procès « autour de la seigneurie », correspondant à la réaction féodale de la fin de l'Ancien Régime. Enfin, malgré les clauses contenues dans les derniers actes d'hommages (fin du xviie siècle) des seigneures du Fau au comte-évêque, la nature des litiges conduit à avancer l'hypothèse d'un déclin de la haute vers la moyenne justice au cours du dernier siècle de l'Ancien Régime.
Seigniorial justice in Gévaudan on the eve of the French Revolution.
On the eve of the French Revolution seigniorial jurisdictions provided local law and order whose usefulness has been revealed by law historians. The example of the jurisdiction of Fau de Peyre, situated in northern Gédauvan, an area of droit écrit close to the customary law of Auvergne, corroborates this observation. The way it worked (the composition of the court, the procedure in accordance with the edict of 1667) testifies to the rationalization implemented by the monarchy on this type of jurisdiction. Seigniorial jurisdiction in Fau de Peyre turns out to be exclusively civil and particular to rural areas. The cases heard can be divided between family litigation and more particularly inheritance problems (division of legitimate rights, establishment of contracts, dowries, pensions) and agricultural affairs (non regulated sales, property limit disputes, use of communal property...). It is interesting to note the absence of feudal cases at a time when in this region and elsewhere there is an upsurge of litigation « concerning seigniory », corresponding to the feudal reaction at the end of the Ancien Régime. Finally, despite the clauses contained in the last acts of homage (late seventeenth century) of the lords of Fau to the count-bishops, the nature of the litigation leads to the hypothesis of a decline from high justice to middle justice throughout the last century of the Ancien Régime.
D. Tappy
Révolutionnaires vaudois et libertés médiévales : Jean-Jacques Cart et son Mémoire à consulter.
Né en 1748, avocat à Morges, Jean-Jacques Cart sera consulté en 1790 par cette ville sur un problème d'impôt et rédigera pour elle, en juin de la même année, une consultation juridique, généralement appelée le Mémoire à consulter, resté manuscrit, mais dont des copies manuscrites semblent avoir assez abondamment circulé. Il soutient que les Bernois violent des privilèges du Pays de Vaud remontant au Moyen Âge et préconise des démarches collectives pour y remédier. Ce texte, que l'article analyse et publie, est considéré à juste titre comme un des premiers écrits révolutionnaires au Pays de Vaud. Il rendra Cart suspect aux yeux des Bernois et sa participation aux banquets organisés à Lausanne et à Rolle en juillet 1791 pour commémorer la prise de la Bastille l'obligera à s'expatrier. Réfugié en France, il y contribuera d'une plume acerbe à la guerre des libelles opposant partisans des Bernois et révolutionnaires vaudois, avant de s'établir aux États-Unis. Revenu au pays après la chute de l'Ancien Régime en Suisse, il revendiquera et obtiendra des fonctions publiques importants au service de la République helvétique et du nouveau canton de Vaud , avant de mourir en 1813.
Vaudois revolutionaries and medieval liberties : Jean-Jacques Cart and his Mémoire à consulter.
Born in 1748, Jean-Jacques Cart, who was a lawyer in Morges, will be consulted in 1790 by this municipality about a problem concerning taxes and will for the city in June of the same year, draft a legal opinion, generally referred to as the Mémoire à consulter. It remained in manuscript form, but handwritten copies seem to have been in rather wide circulation. It supported the idea that the inhabitants of Berne had violated the privileges of the Pays de Vaud since the Middle Ages and suggested collective steps to remedy the situation. This text that this article analyses and publishes is rightly considered as one of the first revolutionary writings of the Pays de Vaud. It will cause the inhabitants of Berne to regard Cart with suspicion, and his participation in the banquets organized in Lausanne and in Rolle in July 1791, to commemorate the taking of the Bastille, will force him to leave the country. As a refugee in France, he will contribute by writing caustically in the war of the lampoons opposing the supporters of the inhabitants of Berne to the revolutionaries from Vaud, before he finally settles in the United States. Upon coming back to his country after the fall of the Ancien Régime in Switzerland, he will demand and obtain important public offices in the civil service of the Helvetic Republic and again in the district of Vaud before his death in 1813.
P. Delaigue, S. Évrard, H. Richard
Le district de Chalon-sur-Saône et les autorisations de plaider aux communes (1790-1794).
La législation royale d'Ancien Régime (édit de 1683...) imposait à toutes les villes et communautés d'habitants de la campagne d'avoir l'autorisation de l'intendant pour agir en justice. La loi sur l'organisation municipale votée le 14 décembre 1789 par l'Assemblée constituante exige, elle aussi, que les communes obtiennent l'approbation de l'administration supérieure pour plaider devant les tribunaux (art. 54 et 56). Cette autorisation est accordée par le directoire de département après avis du directoire de district. Le règlement général adopté par le conseil du district de Chalon-sur-Saône a prévu que ces avis seraient Portés sur un registre spécial, qui a été conservé (Arch. Dép. de Saône-et-Loire 2 L 206). Ce document nous permet de connaître les différents procès dans lesquels les communes chalonnaises sont parties et de procédure suivie (délibération du conseil général de la commune, consultation d'avocats...). Le directoire de district donne son avis, le plus souvent favorable à l'autorisation de plaider et le directoire de département s'y conforme très généralement. On constate toutefois que le directoire du district de Chalon, à partir de janvier 1794, donne parfois lui-même, Directement, l'autorisation de plaider ; il justifie cette initiative en invoquant la loi de frimaire an II, pourtant muette sur la question.
The district of Chalon-sur-Saône and granting authorization to communes to plead in court (1790-1794).
The royal legislation of the Ancien Régime (edict of 1683) forced every town and community of inhabitants in the countryside to have permission from the intendant to go to court. The law concerning municipal organization voted on December 14, 1789 by the Constituent Assembly also demanded that communes obtain the authorisation of their higher government administrations to take a case to court (art. 54 and 56). This authorisation is granted by the directoire de département after the opinion of the directoire de district. The general regulations passed by the conseil of the district of Chalon-sur-Saône made provision for these opinions to be recorded in a special register which is kept in the Archives of Saône-et-Loire (2 L 206). This document gives us information about the different court cases in which the communes of Chalon are involved and about the procedure followed (deliberations of the conseil général of the commune, lawyers' consultations...). The directoire de district gives its opinion, which is most often the authorisation to go to court and the directoire de département conforms to the decision. It can, nevertheless, be noted that from January 1794 the directoire du district of Chalon itself directly grants the authorization to go to court ; it justifies this initiative by citing the law of Frimaire year II, which, however, mentions nothing about this matter.
F. Laidié
La question des emblèmes séditieux en Côte-d'Or lors de la seconde Restauration (juillet 1815-juillet 1820).
L'objet de cette étude — à travers le prisme de la lutte engagée par le pouvoir contre les emblèmes séditieux — permet de compléter la connaissance de la vie administrative, judiciaire et politique du département de la Côte-d'Or lors de la seconde Restauration. Le contrôle de l'esprit public dans un contexte historique particulièrement troublé passe par la chasse aux symboles du régime impérial déchu. C'est ainsi que se met en place un arsenal normatif et répressif — la terreur blanche légale — tant national que départemental. Dans ces textes sont définis les actes et comportements proscrits et précisées les sanctions auxquelles s'expose tout contrevenant ainsi que les agents du pouvoir expressément chargés de mener à bien la volonté du pouvoir restauré de Louis XVIII. La mise en œuvre de cet arsenal normatif permet de voir fonctionner précisément les différents échelons administratifs en place. De nombreuses pièces d'archives retracent les actions menées par les administrations locales, les services de police, la justice, relais efficaces de la volonté préfectorale et ministérielle. De plus, outre la description de la nature quelquefois surprenante des objets séditieux et de leur sort, et la connaissance de ceux qui les possèdent, les diffusent et sont sanctionnés, ce sont les contours plus précis d'une nouvelle Côte-d'Or politique qui apparaissent.
Seditious emblems in Côte-d'Or during the « Second Restauration » (July 1815-July 1820).
The aim of this study — considered through the angle of the battle fought by those in power against seditious emblems — gives us a more complete understanding of the administrative, judicial and political life of the département of Côte-d'Or during the Seconde Restauration. The control of the public mind in a historical context that was in great turmoil includes tracking down the symbols of the deposed imperial régime. It is in this way that a normative and repressive arsenal is set up — legal white terror — on the national as well as the departmental level. In these documents forbidden acts and behavior are defined and the penalties to which any offender is exposed are spelled out, together with the duties of the government agents in charge of insuring that the will of the restored monarch Louis XVIII is respected. The setting up of this normative arsenal allows us to see the workings of the different administrative levels already in existence. Many documents from official records relate the actions carried out by local governments, by the police and by the law — which were efficient representatives of the ministerial and prefectural will. Besides, in addition to the description of the sometimes surprising nature of seditious objects and their fate, and the knowledge of those who possess them and circulate them and who are punished, a more detailed outline of a new political Côte-d'Or appears.
J.-J. Clère
Le socialisme municipal dans la jurisprudence et la doctrine du Conseil d'État (fin xixe-milieu xxe siècle).
Les problèmes sociaux ont poussé l'État à intervenir de plus en plus souvent dans l'économie. Le modèle de l'État producteur, de l'État patron a été suivi par les collectivités locales, les municipalités surtout, qui ont multiplié les régies communales. Ce qui d'une façon quelque peu abusive est appelé « le socialisme municipal » n'a pas de rapport direct avec les doctrines socialistes révolutionnaires. C'est une réponse faite par des réformistes à la crise engendrée par le libéralisme. Malgré les conséquences limitées des réalisations en ce domaine, les économistes et les juristes dans leur grande majorité ont d'abord combattu avec virulence une doctrine et une pratique que l'emploi de mots phares rattachait à la subversion sociale. Le Conseil d'État et les professeurs les plus éminents du droit administratif ont d'abord condamné sans ambages les interventions économiques des communes. Mais la position du Conseil d'État va se transformer sous le poids des circonstances sans qu'il existe de rupture brutale ; une évolution sensible, amorcée au lendemain de la première guerre mondiale, va transformer une doctrine sulfureuse en une simple technique administrative.
Municipal socialism in the jurisprudence and the doctrine of the « Conseil d'État » (End of the 19th-mid 20th Century).
Social problems drove the State to intervene more and more often in the economy. The model of the State as Producer and the State as Boss was followed by municipalities, especially the ones which have increased the number of communally controlled local governments. What is in a somewhat abusive way called « municipal socialism » has no direct connection to the doctrines of revolutionary socialism. It is a response from reformists to the economic crisis due to liberalism. Despite the limited consequences of the realisations in this realm, economists and jurists for the most part first fought violently against a doctrine and a practice that the use of key words connected with social subversion. The Conseil d'État and the most eminent professors of administrative law, in plain language, condemned the economic interventions of the communes. But the position of the Conseil d'État is to be transformed under the weight of the circumstances without the existence of a sudden break — a delicate change began right after the First World War, is going to transform a heretical doctrine into a simple administrative technique.
X. François
Un usage caractéristique des mutations sociales des xviie et xviiie siècles.
Beaucoup plus développé que dans la plupart des autres pays de droit écrit, le droit de « bagues et joyaux » présente en Bresse, Bugey, Valromey et au Pays de Gex des caractéristiques intéressantes. Avec lui, on voit s'opérer la transition d'un simple usage notarial vers une véritable coutume. De création plus récente que les « gains nuptiaux » traditionnels, il s'avère bien davantage malléable qu'eux aux seizième, dix-septième et dix-huitième siècle. C'est pourquoi l'histoire du droit de « bagues et joyaux » reflète les préoccupations patrimoniales des bressans, bugistes et gessiens et accompagne l'infiltration des idées coutumières dans ces pays de droit écrit.
A characteristic usage of social changes of the seventeenth and eighteenth centuries.
Much more developed than in most of the other regions of droit écrit, the law of « rings and jewelry » existing in the areas of Bresse, Bugey Valromey and in the Pays de Gex presents some interesting characteristics. Through this practice can be seen the transition that takes place from a simple notarial usage to a true custom. Created more recently than traditional « nuptial gains », it turned out to be more flexible than the latter in the sixteenth, seventeenth and eighteenth centuries. This is the reason why the law of « rings and jewelry » reflects the inheritance concerns of the inhabitants of the above-mentioned regions and accompanies the infiltration of customary ideas into these regions of droit écrit.