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Tome 53 (1996) : résumés des articles

M. Gresset

Autour de la mobilité : quelques acquis récents de l'historiograghie urbaine

Longtemps éclipsée par l'histoire rurale et la géographie, l'histoire urbaine ne sort de l'ombre que dans les années 1960-1970. Elle a pris dès lors de nombreuses directions. Deux sont étudiées ici autour du thème de la mobilité. Nombreux sont les acquis obtenus par la démographie historique, une des branches les plus jeunes de l'histoire. Le réseau urbain installé en France aux xiie-xiiie siècles ne se modifie guère jusqu'aux xixe-xxe, mais la population des villes s'effondre au xive siècle, remonte au xvie siècle, baisse à la Révolution et s'envole aux xixe-xxe. Elle est en perpétuel mouvement : si elle ne peut se maintenir et s'accroître que par l'apport d'immigrants recrutés dans son bassin démographique, ceux-ci sont loin de s'y fixer tous, beaucoup en sortent. Il est plus difficile de tenter une synthèse sur l'évolution des institutions municipales en France sous l'Ancien Régime, tant leur diversité est grande, malgré l'essai d'unification mené par Laverdy de 1764 à 1771. Les études demeurent rares sur le xvie siècle, les grandes thèses d'État récentes concernent plutôt le xviie et surtout le xviiie siècle. Elles couvrent d'ailleurs quelques régions seulement. Ne s'occupant plus uniquement des institutions, mais aussi des hommes qui les ont incarnées, l'histoire institutionnelle d'aujourd'hui montre cependant que les magistrats municipaux formaient souvent des oligarchies qui se maintenaient en pratiquant plus une cooptation que de véritables élections, comme cela apparaît bien dans le cas des villes comtoises. Celui-ci prouve aussi que l'introduction de la vénalité des offices en 1692 a même plus conforté qu'ébranlé ces oligarchies. En général, elles s'entendaient bien avec l'intendant qui, sauf au temps de Laverdy, contrôlait étroitement les élections.

Concerning mobility : a few recent findings in urban historiography

Long overshadowed by rural history and geography, urban history only emerged between 1960 and 1970. It then took several directions, two of which concerning the theme of mobility are studied herein. Historical demography, one of the youngest branches of history, has permitted numerous findings. The urban network established in France in the twelfth and thirteenth centuries is hardly modified until the nineteenth and twentieth, but the population of the cities plummets during the fourteenth century, increases in the sixteenth, decreases at the French Revolution and soars during the nineteenth and twentieth centuries. It is in perpetual movement: if it can maintain itself and grow only by the inflow of immigrants recruited within its population, by no means do all of them establish themselves there, many leave. It is more difficult to summarize the evolution of the municipal institutions in France under the Ancien Régime because of their wide diversity, in spite of the attempt at standardization led by Laverdy from 1764 to 1771. There are few studies on the sixteenth century, the important recent doctoral theses tending to focus on the seventeenth century and especially on the eighteenth. Moreover, they cover only certain regions. No longer taking into account the institutions alone but also the men who embody them, present-day institutional history, however, shows that die city magistrates often formed oligarchies that kept themselves in power by practicing more of a cooptation than true elections, as appears to have been the case in the cities of Franche Comté. This example also proves that the introduction of venality to offices in 1692 tended even to reinforce the oligarchies rather than weaken them. In general they got along well with the intendant who, except at the time of Laverdy, closely controlled elections.

M. Petitjean

L'étranger dans les chartes de commune, et d'affranchissement, en Bourgogne

Le mouvement d'émancipation communale a été assez tardif et assez lent en Bourgogne. Les chartes de communes et d'affranchissements apportent néanmoins de précieuses informations sur l'étranger, tant sur son statut juridique que sur l'étendue de ses droits et de ses obligations. Elles permettent de préciser les conditions et les formes de son admission sur le territoire de la franchise (attractum). Ce droit est largement proclamé dans les chartes bourguignonnes. Exercé par le seigneur ou par les habitants, il est soumis à certaines conditions : bonnes mœurs, serment, droit d'entrée, résidence prolongée et effective. Des mesures sont prises pour la circulation de l'étranger, avec une protection accrue en faveur des marchands. Le souci de sauvegarder le patrimoine commun au profit des habitants explique que le droit de l'étranger d'acquérir, de posséder, de céder entre vifs ou de transmettre à cause de mort soit subordonné à de sévères restrictions. Enfin, au regard du droit pénal, l'étranger est, à Dijon, soumis à la juridiction communale, mais n'est pas traité avec l'habitant sur un pied d'égalité.

The foreigner in the charters of communes and emancipation in Burgundy

The communal emancipation movement in Burgundy was rather late as well as slow in taking place. The charters of communes and emancipation, nevertheless, bring to light precious information concerning both the judicial status and the extent of the rights and obligations of the foreigner. They specify the conditions and the particulars of his admission to the territory of the franchise (attractum). This right is widely proclaimed in Burgundian charters. Practiced by the lord or the inhabitants, it is subject to certain conditions : good behavior, the right of entry or entrage (intragium), prolonged and effective residence. Measures are taken to limit the movements of the foreigner with increased protection in favor of merchants. The desire to safeguard common patrimony for the inhabitants explains why the right of the foreigner to acquire, to possess, to donate inter vivos or to bequeath upon death is subject to severe restrictions. Finally, from the criminal law point of view, the foreigner in Dijon is subject to communal jurisdiction but is not treated on an equal footing with the inhabitant.

D. Tappy

Les franchises de Cossonay au carrefour des influences

Cossonay, alors chef-lieu d'une seigneurie vaudoise autonome sous suzeraineté savoyarde, n'a reçu qu'en 1398 ses plus anciennes franchises conservées. Elles comportent de nombreux emprunts aux franchises de Moudon de 1285 et au Plaict général de Lausanne de 1368. L'influence du droit lausannois, auquel quatre articles de la charte de 1398 renvoient expressément, paraît avoir été alors prépondérante. Devenue peu après une chatellenie savoyarde immédiate, Cossonay obtiendra d'Amédée VIII en 1414 une confirmation de ses franchises, désormais accordées expressément aussi à la localité voisine de L'Isle. Certains renvois au droit lausannois y sont remplacés par des renvois à la coutume de Moudon ou du pays de Vaud, en particulier en matière d'obligations militaires, tandis que de nouveau renvois au droit lausannois apparaissent à propos de règles procédurales. L'évolution se poursuit dans une confirmation de franchises accordées par le même Amédée VIII en 1431 à L'Isle seule, où ne figurent plus que des renvois à la coutume de Moudon, à celle du pays de Vaud ou au droit particulier de Morges, autre ville vaudoise dépendant immédiatement de la Savoie. L'impression est que Cossonay suivait pour l'essentiel les coutumes de Lausanne, ou des coutumes propres proches de ces dernières, à l'époque où elle constituait une seigneurie autonome, et que son rattachement au domaine comtal a amorcé un rapprochement, sans doute voulu par le prince, avec le droit commun du pays. L'évolution s'achève sous le régime bernois, Cossonay suivant sans restriction le Coutumier de Moudon dès 1577, puis les Loix et Statuts du pays de Vaud dès 1616.

The franchises of Cossonay at the crossroads of influence

It wasn't until 1398 that Cosssonay, then chef-lieu (county seat) of an autonomous Vaudois lordship under Savoyard control, received its oldest retained franchises. They contain numerous borrowings from the franchises of Moudon of 1285 and from the Plaict général de Lausanne of 1368. The influence of Lausanne law to which four articles of the charter of 1398 expressly refer, seems thus to have been predominant. Becoming soon thereafter a direct Savoyard squirearchy, Cossonay will obtain confirmation of its franchises from Amédée VIII in 1414, from that time on also granted to the neighboring village of L'Isle. Certain references to Lausanne law are replaced by references to the customary law of Moudon or of the canton of Vaud, particularly concerning military obligations, while new references to Lausanne law appear concerning rules of procedure. The development continues with the confirmation of the franchises granted by the same Amédée in 1431 to L'Isle alone, where references were no longer made to the customary law of Mouton, nor to that of the canton of Vaud, nor to the specific law of Morges, another town in the Vaud area which was a direct dependency of Savoy. The impression is that Cossonay essentially followed the customs of Lausanne, or its own customs which were close to those of Lausanne at the time when it was an autonomous lordship ; and that its annexation to the count's estate began a rapprochement to the customary law of the region, no doubt desired by the prince. The evolution comes to its term under the Bern régime with Cossonay following without reservation the customary law of Moudon from 1577 onwards, then the Loix et Statuts of the Vaud region from 1616.

M. Blondan

Le magistrat de Saint-Oyend-de-Joux (Saint-Claude) au bas Moyen Âge, 1310-1436

En 1310, Odon, abbé de Saint-Oyend-de-Joux, concède à ses bourgeois leurs première, franchises. Sa charte consacre l'existence d'une Communauté, bourgeoisiale sans, toutefois, lui accorder de droits politiques. Tout au plus constate-t-on que ladite communauté pourra déléguer à un groupe de quatre ou huit de ses membres -qui ne reçoivent pas de titre spécifique- le soin de répartir, chaque année, entre tous les bourgeois les 50 livres de la redevance exigée par le seigneur et maître de l'abbaye. En 1330, l'abbé Jehan répond à son tour aux revendications des bourgeois. Si l'analyse de la seconde charte octroyée atteste de l'existence de quatre prud'hommes -la dignité est alors expressément reconnue- elle confirme que le champ de leurs compétences demeure très limité et que le gouvernement de la ville reste presque exclusivement l'affaire de l'abbé. Retrouvant les bourgeois de Saint-Oyend un siècle plus tard, on mesurera les progrès substantiels réalisés, tout à l'avantage des libertés municipales. La sentence arbitrale rendue en 1436 par Pierre Charpun, official de Lyon, est riche d'enseignements sur l'organisation urbaine. Le corps de ville -nommé magistrat- est composé de quatre syndics et de huit conseillers. Les co-syndics forment un syndicat. Les syndics et leurs conseillers sont tous des bourgeois élus. Leur mandat est à durée limitée. Leurs prérogatives sont désormais étendues à la conservation des instruments des privilèges, au maniement des fonds destinés à la communauté et à la réception de nouveaux bourgeois.

The magistrate of Saint-Oyend-de-Joux (Saint-Claude) in the late Middle Ages, 1310-1436

In 1310, the burgesses of Saint-Oyend-de-Joux were granted their first franchises by Odon, the abbot of Saint-Oyend-de-Joux. His charter established the existence of a burgherly community, yet without giving it any political rights. At the very most, the aforementioned community could delegate to a group of four to eight of its members -who did not reccive any specific title- the care of portioning, each year, among all the burgesses, the 50 livres contibution due to the sovereign Lord of the abbey. In 1330, abbot Jehan acknowledged in his turn the burgesses' claims. If the analysis of the second charter to be granted testifies to the existence of four prud'hommes -the dignity was then explicitly recognized-, it confirms that the range of their competences remained restricted and that the government of the town remained the abbot's exclusive business. When coming across the same burgesses one century later, one can evaluate the signiticant progress made, entirely to the advantage of local freedoms. The arbitral sentence rendered in 1436 by Pierre Charpun, official principal of Lyon, is a vast learning experience about urban organization. The body of the town called magistrat- consisted of four syndics and eight counsellors. The co-syndics formed a syndicat. The syndics and their counsellors were all appointed burgesses. Their mandate was for a limited period. Their prerogatives were henceforth extended to the keeping of the instruments of the privileges, the handling of the monies assigned to the community and the reception of new burgesses.

J. Theurot

Un corps de ville dans la tourmente. Dole, de 1480 à 1493

Dole, bourg né vers l'an 1000 d'un château comtal, recevant de la comtesse Alix de Méranie une charte de franchises en 1274, accéda à la fonction de capitale du comté de Bourgogne dans le dernier quart du xive siècle et vit sa fonction renforcée par le duc Philippe le Bon. Cependant la documentation concernant la vie municipale est quasi inexistante de 1274 à 1479. Assiégée, prise, puis saccagée par les armées de Louis XI à l'issue des guerres de succession de Bourgogne, c'est à partir d'avril 1480, alors que les habitants ont l'autorisation de rejoindre la ville, puis dès décembre 1480, alors que le corps de ville reçoit l'autorisation de se réunir, que nous connaissons son mode de fonctionnement. Confronté à de sérieuses difficultés financières qui l'obligent à faire feu de tout bois pour engager la reconstruction de la ville, les Dolois obtiendront enfin en 1491, de Charles VIII, une nouvelle charte établissant la mairie, ce que Maximilien leur avait déjà octroyé en 1478, sans que ces nouvelles structures puissent être mises en œuvre. Dès lors la ville s'engageait, au plan institutionnel et judiciaire surtout, sur la voie d'une plus grande autonomie.

A city government in turmoil : Dole, from 1480 to 1493

Dole, a market town born near the year 1000 around the castle of a count, receiving a charter of franchise from the countess Alix in 1274, rose to the role of a capital in the county of Burgundy in the last quarter of the fourteenth century and saw this role reinforced by Duc Philippe le Bon. However, documents concerning city life are practically inexistent from 1274 to 1479. Besieged, captured, sacked by the armies of Louis XI at the close of the wars for the succession of Burgundy, it is from April 1480 onwards, when the inhabitants are permitted to enter the city, then as early as December 1480 when the city government is authorized to meet, that we know how it operates. Faced with serious financial problems which require them to do their utmost to get the reconstruction of the city underway, the inhabitants of Dole finally obtain a new charter from Charles VIII in 1491 establishing the municipal offices, which Maximilien had already granted them in 1478 without their being able to set up these new structures. From then on the city took the road to greater autonomy on the institutional and especially on the judicial level.

A. Wijffels

Haarlem : une ville hollandaise et l'établissement l'une juridiction supra-provinciale (± 1473-1497) (L'héritage institutionnel de la Maison de Bourgogne dans les Pays le par-deçà)

L'établissement du Grand Conseil (entre 1473 et 1477 : le Parlement de Malines) comme suprême juridiction des Pays-Bas Bourguignons fut une des expressions les plus frappantes de la politique de centralisation des Ducs (et de leurs successeurs) dans ce pays. Les municipalités et les populations urbaines furent différemment affectées par cette nouvelle juridiction. On peut -remarquer des traces de l'influence du Grand Conseil dans les affaires internes de la ville ; dans ses relations au sein de son environnement naturel, politique et économique et dans celles avec les autres villes de a même province ; dans le commerce inter-provincial et étranger, et enfin également dans ses relations avec le gouvernement central. Cette étude prend en compte les cas qui ont existé pendant la période 1473-1497 dans laquelle la ville de Haarlem fut impliquée dans des litiges levant le Grand Conseil. Ces cas tombent dans un certain nombre de catégories très larges : l'Administration, la Sécurité (et les Opérations militaires), les Impôts, l'Industrie et le Commerce, la Justice. On peut tirer deux conclusions provisoires d'une analyse rapide de ces cas. (a) À tous les niveaux de la juridiction du Grand Conseil, l'ingérence du Pouvoir central est bien visible, soit par des interventions directes, soit à travers une politique plus circonspecte, tentant d'éviter toute :confrontation directe avec des intérêts locaux ou particuliers. Les plaideurs s'empressaient de faire référence aux intérêts du souverain lorsqu'ils estimaient que cela pouvait inciter le gouvernement à soutenir leurs arguments, ou du moins à disposer favorablement les juges encore souvent perçus comme délégués du souverain. (b) Malgré de telles tendances opportunistes, on peut remarquer que la façon dont les poursuites se déroulaient et les références régulières aux principes juridiques contribuèrent énormément à forcer tous les protagonistes (plaideurs, fondés de pouvoir, avocats et juges) à respecter au moins dans une certaine mesure les règles relatives à une procédure juridique équitable ; cela contribua donc indirectement à l'établissement d'une « règle de droit » plus générale sous la juridiction du Conseil. Dans la vie publique, cela voulait dire que l'approche des hommes de loi à l'égard des litiges et la manière dont la loi traitait les disputes firent avancer l'évolution de ce que l'on pourrait appeler le « droit romano-canonique administratif » qui régit les relations entre les autorités (soit centrales, soit locales) et les sujets du souverain (soit des particuliers, soit des personnes morales).

Haarlem : A Dutch Town and the Creation of a Supra-Provincial Court in the Low Countries (± 1473-1497) (The Institutional Heritage of the House of Burgundy in the Netherlands)

The creation of the Great Council (between 1473 and 1477 : Parliament of Malines) as a supreme court for the Burgundian Netherlands was one of the mort striking institutional expressions of the Dukes' (and their successors') "centralizing" policy in the Low Countries. Municipalities and urban populations were in various degrees affected by the new jurisdiction. The Great Council's influence can be traced in the domestic affairs of a city, in its relations with its natural, political and economic environment, with other towns in the same province, in the inter-provincial and foreign trade, and finally it can also be observed in its dealings with the central government. The present contribution considers the cases from the period 1473-1497 where the city of Haarlem was involved in litigation before the Great Council. These cases fall within a few broad categories: Administration; Security (and Military Operations); Taxation; Industry and Trade; Justice. A summary analysis of these cases may justify two provisional conclusions. (a) At all levels of the Council's jurisdiction, the interference of the central government's action is clearly visible, either through direct interventions, or through a more circumspect policy, which attempted to avoid any direct confrontation with local or particular interests. Litigants were eager to refer to the sovereign's interests whenever they reckoned that this might muster the government's support for their case, or at least favourably dispose judges who were still often perceived as die sovereign's appointees. (b) In spite of such opportunistic tendencies, one also notes that the way the proceedings were conducted and the regular references to legal principles strongly contributed to force all actors in the proceedings (litigants, proctors, advocates and judges) to comply at least to some degree with rules governing a due process of law, and therefore, indirectly, to the establishment of a more general "rule of law" in the territories under the Council's jurisdiction. In public life, this meant that the lawyers' approach to litigation and the judicial dealing with disputes fostered the development of what one might call a "Romancanonistic administrative law" governing the relations between the authorities (whether central or local) and the sovereign's subjects (whether private persons or corporate bodies).

E. Tillet

La Conservation des Privilèges Royaux des Foires de Lyon au centre de conflits de juridiction (1655-1674)

En cette fin de xviie siècle, la Conservation des Privilèges des foires de Lyon est une juridiction singulière. À l'origine simplement compétente pour connaître des litiges nés pendant les quatre foires annuelles de Lyon, elle a pris le statut d'une juridiction consulaire permanente depuis 1602 et est devenue propriété du Consulat en 1655 par le rachat des différents offices qui la composaient. À compter de 1665, elle va voir ses compétences extraordinaires, notamment en matière de faillites et de lettres de change, contestées d'abord au sein même de la ville par la sénéchaussée de Lyon, conflit de juridiction qui va obliger le pouvoir royal à confirmer les attributions de la Conservation par un édit de 1669. Un dépouillement des Archives municipales (notamment de la série FF) permet de comprendre les enjeux et la violence de ce conflit, conflit qui dépasse le strict cadre du droit commercial, pour illustrer les rapports entre le consulat et la sénéchaussée. Ce conflit de juridiction prendra par la suite une dimension nationale, puisque les parlements, à l'exception de celui de Paris, chercheront à leur tour à contester les compétences de la Conservation en s'opposant à l'enregistrement de l'édit de 1669. Cherchant à défendre leurs propres privilèges, les cours souveraines, notamment celle de Toulouse, développent une argumentation fondée sur les attributions des juridictions consulaires de leur province, dont ils se font les porte-parole. En 1674, grâce au soutien de Colbert et de Pussort, la Conservation a quand même vu ses attributions reconnues dans tout le royaume, à la notoire exception de la province du Dauphiné.

The "Conservation des Privilèges Royaux des foires de Lyon" at the center of jurisdictional conflicts (1655-1674)

In the late seventeenth century, the Conservation des Privilèges des Foires de Lyon is a jurisdiction of a remarkable nature. Originally competent to hear the disputes arising during the four annual trade fairs in Lyon, it took on the status of a permanent organization of trade jurisdiction in 1602 and became the property of the Consulat in 1655 through the purchase of the different offices of which it was composed. From 1665 onwards, it is to see its special competence, particularly concerning bankruptcy and bills of exchange, contested first within the city itself in the seneschal's court of Lyons, a jurisdictional conflict which is to force the royal government to confirm the attributions of the Conservation through an edict in 1669. A detailed study of the municipal Archives (the FF series in particular) permits a good understanding of not only what is at stake here but also the violence involved in this conflict, a conflict which goes beyond the strict framework of commercial law, to illustrate the relationship between the trade organization and the seneschal's court. This jurisdictional dispute will then become nationwide, since the parliaments, with the exception of the one in Paris, will in turn try to contest the compentence of the Conservation by opposing the registration of the edict of 1669. Trying to defend their own privileges, the sovereign courts, particularly the one in Toulouse, develop an argument based on the attributions of the trade organizations in their province, of which they are the representative. In 1674, thanks to the support of Colbert and Pussort, the Conservation saw its attributions recognized throughout the kingdom with the notable exception of the province of Dauphiné.

J. Dumoulin

La difficile gestion d'une ville pendant la peste : Aix-en-Provence au XVIIe siècle

Au xviie siècle, la peste est la hantise des dirigeants municipaux. Ils doivent préserver leurs villes de la contagion, faire en sorte que celle-ci y reste le moins longtemps possible, et surtout ils doivent tout mettre en œuvre pour assurer la survie des habitants qui, en plus des soins, devront être pourvus en produits de première nécessité. Aix-en-Provence ne fait pas exception à la règle. En 1629, et en 1650 dans une moindre mesure, la ville est frappée par le fléau et la lutte contre la « contagion » passe par les impôts et surtout par les emprunts. L'objet de cet article est de mesurer le poids de la lutte contre la peste sur les finances municipales. La conclusion à laquelle nous arrivons est que les emprunts ont un caractère nettement excessif, qu'ils ont financé non seulement les dépenses engagées à l'occasion de la peste, mais aussi bien d'autres dépenses qui, de toutes façons, n'auraient pu être couvertes par les ressources ordinaires.

City management problems during the plague : Aix-en-Provence in the seventeenth century

In the seventeenth century, city leaders are haunted by the plague. They have to protect their cities from this epidemic, see that it is eradicated as early as possible, and above all they have to do everything they can to insure the survival of the inhabitants who in addition to medical care will have to be provided with the bare necessities. Aix-en-Provence is no exception to this rule. In 1629 and in 1650 to a lesser extent, the city is hit by the plague and the fight against the epidemic means taxes and especially loans. The aim of this article was to consider the consequences of the fight against the plague on city finances. The conclusion that we have come to is that the loans are of an excessive nature, that they financed not only expenses paid out at the time of the plague but also many other expenses, which in any case could not have been covered by the usual resources.

J. Gay

L'égout public à Paris, 1254-1789

L'histoire de l'égout public entre 1250 et 1790 se déroule en deux étapes. Des origines à 1730, le réseau est très mal organisé ; il se compose d'éléments divers dont le nombre croît sous l'influence de la Monarchie surtout : le Grand Égout apparaît au début du xve siècle ; des projets sont élaborés pendant le xviie ; les institutions royales subalternes les suscitent. La ville reconnue propriétaire agit sous contrôle ; le curage lui incombe. Elle essaie de tirer profit du canal de l'égout et des abords ; il en découle de graves abus. À partir de 1730, la monarchie veut renouveler l'ensemble ; le tracé du grand égout s'étend sur plus de 6 km. Réservoir général, maçonnerie du lit et des bords, débouché collectif en Seine traduisent l'évolution ; l'ensemble, y compris la rivière de Bièvre, représente 26 km. Mais la plus grande partie du réseau demeure à ciel ouvert et les quartiers sis sur la rive gauche sont défavorisés. La gestion est améliorée : relation avec les lotissements créés, précision de la procédure administrative, compétence juridictionnelle du bureau de ville, limites à l'utilisation de l'égout imposées aux usagers. Des lacunes subsistent, que Napoléon Ier et Napoléon III, avec le concours des préfets, prendront à cœur de combler.

Public sewerage in Paris, 1254-1789

The history of public sewerage between 1250 and 1790 takes place in two phases. From its origins to 1730, the network is very poorly organized; it is composed of diverse elements whose number keeps growing especially under the influence of the Monarchy: the Grand Egout (Main System) appears at the beginning of the fifteenth century; plans are elaborated during the twelfth ; subordinate royal institutions call for them. The city is recognized as the owner and takes it under control; keeping it cleaned out is its responsibility. It tries to profit from the sewage canal and the surrounding areas; serious misuse ensues. From 1730 onwards, the monarchy wants to renew the whole system ; the layout covers more than 6 km. The general reservoir, the stonework of the bed and the banks, the collective outlet into the Seine are the expression of its development. The whole of the system, including the Bièvre River, represents 26 km. But the largest part of the network remains uncovered and the neighborhoods located on the left bank are at a disadvantage. The management is improved: relations with newly created housing developments, more precise administrative procedures, legal competence of the city office, restrictions imposed upon the users of the sewer. There remain some shortcomings that Napoléon I and Napoléon III, with the help of the prefects, will seriously try to remedy.

M.-TH. Allemand-Gay

Le lieutenant général de police confronté à la vie nancéenne

Comme les villes du royaume, Nancy, la capitale du duché de Lorraine, n'est dotée d'un agent chargé de la police qu'à la fin du xviie siècle. Le lieutenant général de police a des activités multiples ; il intervient essentiellement dans trois domaines. Tout d'abord il gère la vie physique de la population en lui assurant une alimentation régulière et saine. Pour cela, il lutte contre les fraudes fréquentes et graves lors des périodes de mauvaises récoltes. Pour parvenir à ces fins, il a autorité sur des agents dont il sanctionne les insuffisances ; il supervise les structures traditionnelles de la monarchie, mais il ne reste pas étranger à l'évolution des mentalités : il voit avec faveur le développement d'enquêtes destinées à renseigner sur l'importance de la production et il s'appuie sur des initiatives du gouvernement royal qui met en place des institutions à finalité commerciale, juridictions consulaires ou intendants du commerce. En second lieu, il participe aux services d'assainissement de la vie urbaine ; l'hygiène fait l'objet de mesures ponctuelles mises en place quand le problème se pose. La santé est aussi l'objet de ses préoccupations, souvent à des fins qui s'écartent des seules préoccupations sanitaires, tel est le cas des matrones susceptibles de commettre des infanticides ou des étrangers considérés comme des fauteurs de troubles ; dans l'ensemble les nécessiteux de toute nature n'échappent pas à l'attention du lieutenant général de police qui supervise les initiatives privées. Enfin, cet agent ne reste pas étranger aux institutions militaires et il est partie prenante à l'organisation et à la vie des armées, les milices et le casernement.

The lieutenant general of police confronted with life in Nancy

As with the other cities in the kingdom, it is only in the late seventeenth century that Nancy, the capital of the duchy of Lorraine, is endowed with an official in charge of the police. The lieutenant general of police has many responsibilities; he essentially intervenes in three areas. First, he manages the physical well-being of the population by insuring a regular and healthy food supply. To do so, he fights against frequent and serious cases of fraud during times of bad harvest. To achieve this aim, he has authority over policemen whose inadequacies he can punish, he supervises the traditional structures of the monarchy but he keeps abreast of changing attitudes : he favorably views the development of investigations to furnish information on the quantity produced and he counts on initiatives of the royal government which sets up commercially-oriented institutions such as commercial court jurisdictions or trade officials. Secondly, he participates in the offices that maintain clean living conditions in the city; hygiene is the subject of the selective steps taken when the problem arises. Health is at the center of his preoccupations, often with aims that deviate from simple sanitary concerns, such as the case of mothers likely to commit infanticide, or foreigners who are considered to be troublemakers; on the whole, the needy of ail kinds do not escape the attention of the lieutenant general of police who supervises private initiative. Finally, this official remains close to military institutions and takes full part in the organization of army life, militias and barracks.

H. Richard

La réforme de l'administration municipale d'Avallon du 16 juin 1787 : Traditions locales et innovations institutionnelles

Un règlement royal (ou ordonnance sans adresse ni sceau) du 16 juin 1787 réforme l'administration municipale de la ville bourguignonne d'Avallon. Il remplace l'assemblée générale des habitants, dont le fonctionnement était souvent défectueux, par un conseil municipal composé de députés élus pour un an par chacune des dix-sept classes d'habitants (des avocats aux manouvriers) indiquées par le texte législatif. Cette transformation, réalisée également dans un grand nombre de villes et de bourgs de la province à la fin du xviiie siècle, présente l'originalité, à Avallon, de reprendre et de confirmer un usage local. Depuis 1770, en effet, l'habitude s'était introduite de faire élire des députés des divers groupes socioprofessionnels pour les représenter à l'assemblée des habitants. La richesse des archives municipales permet d'étudier les précédents de cette réforme et les difficultés de son application.

The reform of the city government of Avallon of 16 June 1787 : local tradition and institutional innovation

A royal ruling (or an edict bearing no address or official seal) of 16 June 1787 reforms the city government of the Burgundian town of Avallon. It replaces the general assembly of inhabitants, which did not serve its purpose, by a town council comprised of representatives elected yearly from each of the seventeen social classes of the town's inhabitants (from lawyers to laborers) detailed in the legal document. This transformation, also carried out in a great number of cities and towns of the province in the late eighteenth century, reveals the originality of Avallon in going back to and confirming a local custom. In fact, the habit of electing representatives from the different socio-professional groups to the general assembly of inhabitants had been introduced since 1770. The wealth of the municipal archives permits the study of the precedents of this reform as well as the problems of its implementation.

J.-F. Lanier

La création de la commune de Génissieux et de la commune de Mours par éclatement de la commune de Peyrins : les scissions d'une commune drômoise au XIXe siècle

Si dès le xiie siècle des contestations entourent la création des communes en France, au xixe siècle, cet affrontement de 1838 à 1880 au sein de la commune de Peyrins du fait des sections de Génissieux et de Mours, constitue un paradoxe. La lutte contre la commune mère de Peyrins se manifesta par des requêtes réitérées, de nombreuses pétitions et la constitution de deux syndicats. La reconnaissance de l'indépendance de Génissieux fut déclarée par la loi du 26 juin 1873 et celle de Mours par la loi du 12 avril 1880. Le rôle des notables, l'idée que la commune est une famille, les questions de finances, tout cela est à nouveau d'actualité avec la renaissance de l'intercommunalité en 1996.

The creation of the commune of Génissieux and of the commune of Mours due to a schism in the commune of Peyrins : the scissions of a commune in the Drôme during the mineteenth century

If as early as the twelfth century contention surrounds the creation of the communes of France, in the nineteenth century the confrontation from 1838 to 1880 within the commune of Peyrins on account of the districts of Génisseux and Mours constitutes a paradox. The fight against the mother commune of Peyrins revealed itself through repeated requests, numerous petitions and the constitution of two unions. The recognition of the independence of Génissieux was declared by the law of June 26, 1873 and that of Mours by the law of April 12, 1880. The role of the notables, the idea that the commune is a family, the issue of finances are all still subjects of concern today with the rebirth of intercommunalité in 1996.